Le projet Hyperion, un consortium international de scientifiques, inaugure un concours de concepts de vaisseaux spatiaux destinés à transporter plusieurs générations d’humains pour des voyages interstellaires. Ces concepts devront se baser sur les technologies actuelles et futures, en prenant en compte divers aspects tels que la vitesse de propulsion, l’autonomie, ainsi que de nombreux facteurs sociaux. Le programme n’a pas pour but spécifique de concrétiser les projets sélectionnés, mais se veut plutôt une expérience de pensée susceptible d’éclairer les futurs développements.
L’intérêt pour les vaisseaux spatiaux interstellaires a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, en partie en raison de l’augmentation du nombre d’exoplanètes découvertes dans notre galaxie et du nombre de lancements de fusées. Parmi les projets les plus populaires figurent Breakthrough Starshot, Swarming Proxima Centauri et Genesis, qui s’appuient principalement sur des technologies de propulsion permettant d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 20 % de celle de la lumière.
Cependant, au-delà de la vitesse de propulsion, un grand nombre de paramètres doivent être pris en considération pour les missions interstellaires habitées. Bien que certains projets envisagent d’atteindre Proxima du Centaure (l’étoile la plus proche de notre système solaire) en 35 à 85 ans, les coûts énergétiques et le nombre de propulseurs nécessaires les rendent économiquement non viables.
L’alternative à ce problème de vitesse résiderait dans des voyages d’une durée de plusieurs siècles. Cela nécessiterait des vaisseaux suffisamment grands pour transporter plusieurs générations d’humains — d’où l’appellation « vaisseaux générationnels » (ou Worldships) — afin de coloniser une planète cible. Les équipages devront être complètement autosuffisants durant tout le voyage, sans oublier les facteurs socio-psychologiques.
L’objectif principal des précédents projets de vaisseaux interstellaires était de collecter des données sur d’autres systèmes stellaires dans le but de détecter potentiellement des signes de vie extraterrestre. « En revanche, les vaisseaux générationnels sont conçus pour transporter un équipage, avec pour objectif principal de coloniser une exoplanète ou un autre corps céleste dans le système stellaire ciblé », explique Andreas Hein de l’Université du Luxembourg et du comité d’organisation du projet Hyperion, dans une interview accordée à Universe Today.
« Ils ont également tendance à être beaucoup plus grands que les sondes interstellaires, même s’ils utiliseraient probablement des systèmes de propulsion similaires, tels que la propulsion basée sur la fusion », ajoute-t-il. La différence entre ces vaisseaux et les sondes précédemment proposées serait comparable à celle entre un drone et un paquebot.
Le nouveau concours lancé par le projet Hyperion invite le public à concevoir des vaisseaux générationnels intégrant tous ces aspects, en s’appuyant sur les technologies actuelles ou futures. Un prix de 10 000 dollars récompensera les gagnants. Il s’agit du premier concours à se concentrer sur ce type de vaisseaux et à assurer que les passagers demeurent en bonne santé et en sécurité jusqu’à leur arrivée à destination. « Ce concours explore de manière unique l’interaction complexe entre les technologies de vaisseaux générationnels et la dynamique d’une société aux ressources très limitées », explique Hein.
Des vaisseaux géants pouvant transporter au moins 500 passagers
Le thème du concours Hyperion est présenté comme suit : « L’humanité a surmonté la grande crise de durabilité du 21e siècle et est entrée dans une ère d’abondance durable, tant sur Terre que dans l’espace. L’humanité a désormais atteint la capacité de développer un vaisseau générationnel sans sacrifices majeurs. Un vaisseau interstellaire survole une planète glacée dans un système solaire proche. Au-delà de l’examen classique du problème de la propulsion interstellaire et de la conception structurelle pour un voyage de plusieurs siècles, quel pourrait être le type idéal d’architecture d’habitat et de société pour assurer un voyage réussi ? ».
Les participants devront imaginer non seulement l’architecture du vaisseau, mais également son habitat et ses sous-systèmes. Le vaisseau doit assurer la santé et le bien-être, ainsi que la sécurité de l’équipage, pour une durée de 250 ans, de son lancement jusqu’à son arrivée dans le système solaire cible. Pour y parvenir, les équipes devront comprendre au moins un architecte, un ingénieur et un spécialiste en sciences sociales.
L’intérieur du vaisseau devra offrir des conditions atmosphériques similaires à celles de la Terre, tandis que l’extérieur devra être doté d’une protection robuste contre les radiations cosmiques, les micrométéorites et la poussière interstellaire. Les parties habitées du vaisseau doivent aussi disposer d’un système de gravité artificielle, car l’exposition prolongée à l’apesanteur peut avoir des effets néfastes sur l’organisme. Il doit en outre être modulable afin de répondre aux besoins changeants.
L’habitat doit pouvoir offrir des conditions de vie décentes pour environ 500 à 1 000 personnes durant tout le voyage, ainsi que les systèmes de soin nécessaires étant donné qu’une partie de ces personnes se reproduiront, vieilliront et mourront au cours du trajet. Une étude a suggéré qu’un équipage d’au moins 98 passagers et une banque cryogénique de spermatozoïdes, d’ovules et d’embryons sont nécessaires pour assurer la diversité génétique et la santé des générations une fois à destination. Le vaisseau nécessaire à leur bien-être devra mesurer près de 320 mètres de longueur et contenir au moins 450 mètres carrés de terre cultivable pour assurer leurs besoins alimentaires.
Des facteurs sociaux essentiels à considérer
Les différents concepts devront également prendre en compte les dimensions sociales et culturelles, notamment les langues, les religions, les valeurs familiales et sociales, etc. Il est aussi crucial de considérer la perte de connaissances concernant la Terre, qui serait, selon les experts, presque inévitable étant donné la durée du voyage.
« La situation d’une population, disons de milliers ou même de 1 500 personnes, voyageant de manière isolée pendant des siècles serait unique à l’expérience humaine. Ainsi, tout comme nous planifions l’intégrité de l’architecture et du matériel, en les entretenant pour les maintenir en bon état pendant cette période, nous pouvons planifier l’intégrité et le maintien de la biologie et de la culture », explique Cameron Smith de l’Université d’État de Portland et de l’Université d’Arizona, également membre du comité d’organisation d’Hyperion.
Une liste complète de l’ensemble des exigences est disponible sur le site web du projet. Les personnes souhaitant s’inscrire au concours ou ayant des questions sont invitées à contacter l’Initiative for Interstellar Studies (i4is) à l’adresse [email protected]. L’i4is restera ouverte aux questions-réponses jusqu’au 1er décembre prochain, et les inscriptions seront clôturées le 15 du même mois.