En dehors des voies respiratoires, le virus SARS-CoV-2 infecterait également le cerveau. Plusieurs symptômes neurologiques observés chez les malades ont en effet été rapportés par les médecins, dans plusieurs pays (confusion, désorientation, perte de mémoire, AVC, etc.). Des scientifiques craignent désormais qu’une « vague silencieuse » de pathologies neurologiques ne suive le sillage du virus.
Il se trouve que de telles conséquences à long terme ont déjà été observées lors de la pandémie de grippe espagnole, en 1918 et 1919. Tandis que la maladie a causé entre 30 et 50 millions de morts dans le monde (voire plus selon les sources), il se trouve que de nombreux cas d’encéphalite léthargique (ou « maladie du sommeil européenne ») ont été enregistrés après cette épidémie. À long terme, une large proportion de ces patients ont développé un parkinsonisme post-encéphalitique.
Une « troisième vague » de parkinsonisme
Il est désormais avéré que la COVID-19 est liée à certaines lésions cérébrales et des symptômes neurologiques plus ou moins bénins. Cependant, les spécialistes cherchent encore à comprendre l’action du virus dans ces cas précis et surtout, les conséquences à long terme de ces atteintes neurologiques.
Dans ce contexte, une équipe de neuroscientifiques du Florey Institute of Neuroscience and Mental Health (Australie) a examiné le lien potentiel entre la COVID-19 et un risque accru de maladie de Parkinson. L’objectif étant de mettre en place les mesures nécessaires pour limiter les risques. Les résultats de leurs recherches ont été publiés dans le Journal of Parkinson’s Disease. Kevin Barnham et ses collaborateurs suggèrent dans cet article que la « troisième vague » de la pandémie ne prendra pas la forme d’une résurgence d’infections, mais plutôt, d’une augmentation des cas de maladie de Parkinson. « Nous parlons d’une maladie insidieuse affectant 80’000 personnes en Australie, qui devrait doubler d’ici 2040 avant même de considérer les conséquences potentielles de la COVID ! », a déclaré le professeur Barnham.
Celle-ci serait la résultante de la neuro-inflammation déclenchée dans le cerveau en tant que réponse immunitaire au SARS-CoV-2. Notons qu’à ce jour, il n’y a pas de preuves tangibles pour confirmer cette tendance à venir, mais les experts estiment qu’il serait bon de se préparer à cette éventualité pour mieux y faire face. D’autant plus que le phénomène s’est déjà produit, suite à la grippe espagnole de 1918 : à l’époque, l’inflammation cérébrale liée à la pandémie avait alors augmenté le risque de parkinsonisme de deux à trois fois.
« Étant donné que la population mondiale a de nouveau été frappée par une pandémie virale, il est en effet très inquiétant de considérer l’augmentation potentielle mondiale des maladies neurologiques qui pourrait en découler », avertit Barnham. Les données médicales sont aujourd’hui insuffisantes pour quantifier exactement le risque de développer la maladie de Parkinson suite à une infection du SARS-CoV-2. Mais les chercheurs proposent de réaliser un suivi à long terme des patients guéris de la COVID-19, afin de détecter au plus tôt l’apparition éventuelle de maladies neurodégénératives.
Un cas récent pourrait corroborer l’hypothèse de Barnham. Des neurologues israéliens ont en effet rapporté dans The Lancet Neurology, le cas d’un patient ayant vraisemblablement développé la maladie de Parkinson après une infection par le SARS-CoV-2. Cet homme de 45 ans a été hospitalisé en mars 2020 ; il présentait une toux sèche, des douleurs musculaires et une perte d’odorat. Ses antécédents médicaux comprenaient de l’hypertension et de l’asthme. Au cours d’une période d’isolement qui a suivi les soins, il a commencé à éprouver des difficultés à communiquer, à la fois à parler et à écrire, et a eu des épisodes de tremblements dans sa main droite et des troubles de la marche. Des tests ultérieurs ont permis de l’identifier comme cas « probable » de maladie de Parkinson. Le patient n’a pas signalé d’antécédents familiaux de cette maladie.
Le déclencheur d’une maladie latente ?
Un cas « probable », car les tests génétiques effectués se sont pourtant avérés négatifs ! Les neurologues expliquent que chez les Juifs ashkénazes atteints de la maladie de Parkinson, environ un tiers sont porteurs d’une mutation GBA ou LRRK2. Mais l’analyse génétique de ces mutations et de 62 autres mutations associées à la maladie a été négative chez le patient. « Cependant, nous ne pouvons pas exclure une interaction entre d’autres mutations moins fréquentes et le SARS-CoV-2 », soulignent les médecins. En outre, selon l’Unified Parkinson’s Disease Rating Scale — une échelle d’évaluation qui permet de poser le diagnostic et de suivre l’évolution de la maladie — le patient affichait probablement une maladie de Parkinson.
Les médecins de l’homme reconnaissent que le mécanisme provoquant sa neurodégénérescence n’est pas clair. Toutefois, ils estiment qu’il est hypothétiquement possible que son état ait été déclenché d’une manière ou d’une autre par une inflammation du cerveau causée par le virus, après que l’infection se soit installée dans le système nerveux central. L’équipe médicale reste cependant sceptique face au court laps de temps qui s’est écoulé entre l’infection par le coronavirus et l’apparition des symptômes parkinsoniens.
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Selon certains spécialistes, il est possible que l’infection puisse exacerber ou accélérer le développement d’une maladie de Parkinson latente, qui ne s’est pas encore déclarée. « La COVID-19 a peut-être été un facteur de stress, mettant en exergue des symptômes auparavant subtils […] jusqu’à un seuil de gravité qui les rend visibles pour la première fois pour les patients et les médecins », a déclaré le neurologue Alberto Espay de l’Université de Cincinnati, qui n’était pas impliqué dans l’étude de cas.
Comme plusieurs effets secondaires de la COVID-19, le lien avec la maladie de Parkinson est à ce jour en grande partie spéculatif. Mais face aux nombreuses interrogations que posent encore aujourd’hui la maladie et ses effets à long terme, le principe de précaution s’impose. Lorsque la maladie de Parkinson arrive à un stade trop avancé, il n’est plus possible d’en atténuer les symptômes. Comme le souligne Barnham, seul un diagnostic précoce de cette maladie permettra de mettre en place des thérapies neuroprotectrices efficaces.