Crèmes solaires : une menace grandissante et sous-estimée pour la vie marine, alerte une nouvelle étude

L'impact des crèmes solaires sur la vie marine est de plus en plus préoccupant selon une nouvelle étude
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Par temps chaud et ensoleillé, l’application de crème solaire est un réflexe quasi automatique pour se prémunir des rayons UV. Si ces produits protègent efficacement la peau, ils pourraient en revanche menacer les écosystèmes marins. Chaque année, entre 6 000 et 14 000 tonnes de filtres UV contenus dans les crèmes solaires se déversent dans les océans, exposant la faune et la flore aquatiques à des substances chimiques dont l’impact demeure encore largement sous-estimé. Bien que leur influence sur les milieux marins soit encore mal documentée, une récente étude a analysé une centaine de travaux scientifiques afin de mieux évaluer les effets des filtres UV sur l’environnement. Les conclusions sont préoccupantes : ces composés pourraient favoriser le blanchissement des coraux, provoquer des malformations chez certaines espèces et réduire la fertilité des poissons.

Présents dans de nombreux produits cosmétiques – des crèmes solaires aux shampooings en passant par les soins hydratants –, les filtres UV ont pour rôle de protéger la peau tout en assurant une meilleure résistance des formulations aux rayons du soleil. On distingue deux grandes catégories : les filtres organiques, issus de la chimie de synthèse, et les filtres inorganiques, d’origine minérale ou métallique. Chacun possède des caractéristiques spécifiques qui influencent sa solubilité et son comportement une fois rejeté dans l’environnement.

Les filtres organiques, qui comptent 55 composés homologués à l’échelle internationale, absorbent les rayons UV afin de limiter leur effet. En revanche, les filtres inorganiques – souvent considérés comme plus respectueux des récifs coralliens –, généralement composés de dioxyde de titane (TiO₂) et d’oxyde de zinc (ZnO), réfléchissent ou dispersent la lumière.

Un seul tube de crème solaire peut contenir entre trois et huit de ces filtres, qui peuvent représenter jusqu’à 15 % de sa composition. Parmi ces substances, les benzophénones figurent parmi les plus répandues. Présentes dans de nombreux cosmétiques et produits d’hygiène, quatorze dérivés de ces composés sont aujourd’hui utilisés à l’échelle industrielle. Or, certaines études les classent parmi les substances persistantes, bioaccumulables et potentiellement toxiques. La benzophénone-3, en particulier, est désormais placée sous surveillance par l’Agence européenne des produits chimiques en raison de ses effets soupçonnés de perturbation endocrinienne.

Alors que le marché mondial des crèmes solaires connaît une croissance rapide – il pourrait atteindre 13,6 milliards d’euros d’ici 2028 –, la question de leur impact sur l’environnement devient un enjeu central. Comprendre les effets de ces produits sur les écosystèmes marins apparaît ainsi comme une priorité pour préserver la biodiversité océanique à long terme.

C’est dans cette optique que des chercheurs de l’Université de Plymouth et du Plymouth Marine Laboratory ont mené une analyse approfondie sur leurs conséquences pour la vie marine. « Les recherches actuelles n’ont fait qu’effleurer la compréhension des effets de ces produits chimiques sur la faune et la flore marines », avertit Anneliese Hodge, auteure principale de l’étude et doctorante au Plymouth Marine Laboratory et à l’Université de Plymouth, dans un communiqué.

Une étude fondée sur l’analyse de 110 études scientifiques

Les effets nocifs des crèmes solaires sur les récifs coralliens et les écosystèmes marins sont documentés depuis des années. Une étude menée en 2024 par l’Institut espagnol d’océanographie a notamment mis en évidence l’impact des filtres UV sur les chaînes trophiques marines, soulignant leur influence sur les poissons, les coraux, le phytoplancton et les microorganismes.

Afin d’approfondir ces connaissances, Anneliese Hodge et son équipe ont analysé plus de 110 publications scientifiques consacrées aux filtres UV, à leur impact environnemental et à leurs effets écotoxicologiques. Leur objectif : combler les lacunes persistantes sur l’exposition chronique à ces substances et comprendre leur accumulation dans la chaîne alimentaire marine. Les chercheurs insistent également sur la nécessité d’étudier leur présence dans certaines régions encore peu explorées, notamment les nations insulaires, l’Afrique, l’Europe du Nord et l’Amérique du Sud, ainsi que les zones polaires de l’Arctique et de l’Antarctique.

Les conclusions de leurs travaux, publiées dans la revue Marine Pollution Bulletin, dressent un état des lieux inquiétant. Selon leurs estimations, environ 25 % des crèmes solaires appliquées finissent directement dans l’eau lors des baignades, et une plage fréquentée par 1 000 personnes en une journée pourrait être exposée à plus de 35 kg de dépôts chimiques. « Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que ces composés sont considérés comme des ‘polluants pseudo-persistants’ en raison de leur rejet continu dans les milieux marins », alerte Hodge. Des traces de filtres UV ont ainsi été détectées dans des eaux du monde entier, des sites touristiques très fréquentés jusqu’aux zones les plus reculées, y compris en Antarctique.

Autre constat alarmant : les technologies classiques de traitement des eaux, comme l’ozonation – un procédé chimique utilisant l’ozone pour éliminer les polluants, ne permettent pas de neutraliser efficacement la toxicité des filtres UV. « De plus en plus de crèmes solaires se retrouvent dans l’environnement, sous des formes et combinaisons variées », souligne Awadhesh Jha, professeur de toxicologie génétique et d’écotoxicologie à l’Université de Plymouth.

« Il est essentiel de mieux comprendre l’impact de cette pollution chimique omniprésente sur des écosystèmes déjà fragilisés », conclut la Dr Frances Hopkins, directrice de thèse et biogéochimiste marine au Plymouth Marine Laboratory.

Source : Marine Pollution Bulletin

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