Les disques intervertébraux, en s’usant — avec l’âge ou à cause d’un excès de sollicitations mécaniques, deviennent des sources de maux de dos intenses, par ce que l’on appelle « dégénérescence discale ». Comme il n’existe aucun traitement médicamenteux spécifique pour la maladie, les patients n’ont d’autres choix que de recourir aux analgésiques, à la physiothérapie ou à la chirurgie (en dernier recours) pour soulager la douleur. Un nouvel hydrogel injectable a récemment reçu de la Food and Drug Administration (FDA) la très rare distinction de « dispositif révolutionnaire ». Il agit en comblant les fissures des disques affectés, afin de restaurer (du moins en partie) leur rôle fonctionnel d’amortissement. Les essais cliniques préliminaires sont prometteurs : leur niveau de douleur autodéclaré a notamment été considérablement réduit.
Situés entre les vertèbres, les disques intervertébraux jouent un rôle fondamental dans la souplesse des mouvements de la colonne vertébrale et l’amortissement intervertébral. Avec l’âge (ou sous un excès de sollicitation mécanique), ils s’usent et se « dessèchent » progressivement, perdant progressivement l’eau qui les compose en grande partie. Ainsi, les disques ne peuvent plus assurer leurs fonctions mécaniques.
Les pathologies dégénératives des disques progressent lentement et provoquent des maux de dos relativement intenses au fil du temps. Dans les cas les plus graves, elles affectent la mobilité jusqu’à parfois immobiliser complètement le patient (sous l’effet de la douleur).
En s’asséchant, les disques perdent en épaisseur et les vertèbres se rapprochent. Il arrive ainsi parfois que des nerfs soient comprimés. Comme il n’y a plus d’amortissement, ces nerfs deviennent alors beaucoup plus sensibles aux chocs (quand l’on marche, court ou saute) et provoquent des douleurs. La perte d’épaisseur des disques est d’ailleurs la cause principale de la perte de taille des personnes âgées.
Si l’on croyait jusqu’à il y a peu que la maladie était surtout commune aux personnes âgées, des études montrent en réalité que de plus en plus de personnes (même jeunes) en souffrent. D’après l’OMS, les maux de dos concerneraient près de 80% de la population mondiale. Dans le cas de la dégénérescence discale, une fois la dégradation arrivée à un stade avancé, où la douleur devient insupportable, la chirurgie est la seule solution.
Hydrafil, le nouvel hydrogel de la société ReGelTec, révolutionnera peut-être les recherches de traitement contre les pathologies dégénératives des disques intervertébraux, car il permettrait de se passer de la chirurgie. Grâce à la reconnaissance de la FDA, « cette désignation nous permettra de déployer plus rapidement les essais cliniques aux États-Unis et d’étendre nos essais cliniques, en nous appuyant sur les résultats prometteurs de l’étude de faisabilité précoce », assure dans un communiqué Douglas Beall, président du conseil consultatif médical de l’entreprise.
Un gel qui comble les fissures
Lors des essais cliniques préliminaires, la société a recruté 20 patients âgés de 22 à 69 ans souffrant de douleurs lombaires chroniques dues à la dégénérescence discale. Leur niveau de douleur déclaré était supérieur ou égal à 4 sur une échelle allant de 1 à 10, au début des essais. Par ailleurs, tous les patients n’avaient signalé que de légers soulagements avec les thérapies conventionnelles.
Pour les tests cliniques, l’hydrafil a d’abord été chauffé pour former un liquide plus épais, puis injecté (par voie percutanée et sous anesthésie locale) dans les noyaux des disques intervertébraux affectés. Une fois refroidi à la même température que le corps, il se solidifie en comblant les fissures du disque et forme une sorte d’implant. En restaurant l’épaisseur fonctionnelle du disque, les propriétés biomécaniques du segment vertébral sont recouvrées et la douleur est soulagée.
Après un suivi de six mois, tous les participants ont signalé avoir été considérablement soulagés et plus mobiles, le niveau de douleur moyen étant passé de 7,1 à 2,0. Lors d’un questionnaire sur la façon dont la douleur affectait leurs tâches quotidiennes, le score moyen est passé de 48 à 6. De plus, les patients ont pu se lever et marcher après une à deux heures seulement suite à l’injection, et la plupart ont été autorisés à rentrer chez eux.
L’hydrogel devra être testé sur davantage de patients avant de réellement prouver son potentiel, mais « si ces résultats sont confirmés par des recherches ultérieures, cette procédure pourrait être un traitement très prometteur pour la lombalgie chronique chez ceux qui ont trouvé un soulagement insuffisant par les soins conventionnels », conclut Beall.