Découverte d’un crâne fossilisé appartenant à un rhinocéros géant

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| Yu Chen
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C’est l’un des plus grands mammifères que la Terre ait connu, mais l’origine et l’évolution du Paraceratherium, communément appelé rhinocéros géant, ne sont pas clairement établies. Un fossile d’une nouvelle espèce de Paraceratherium, daté d’il y a 26,5 millions d’années, a été récemment mis au jour au nord-ouest de la Chine. Cette découverte apporte de nouveaux éléments sur l’histoire de ce mammifère géant.

Bien que quelques restes de rhinocéros géants aient été trouvés en Europe de l’Est, en Asie Mineure et dans le Caucase, ils vivaient principalement en Asie, notamment en Chine, en Mongolie, au Kazakhstan et au Pakistan ; leur existence s’étend de l’Éocène moyen jusqu’à la fin de l’Oligocène. L’animal était particulièrement massif : son crâne et ses pattes étaient plus longs que tous les mammifères enregistrés.

Le Paraceratherium était doté d’une trompe et de deux incisives ressemblant à des défenses. Ancêtre du rhinocéros moderne, il ne disposait en revanche pas de corne (le faisant ressembler davantage à un tapir). D’après certains fossiles, ces animaux mesuraient près de huit mètres de long, pour une hauteur d’épaule estimée à environ cinq mètres. Leur masse est tout aussi impressionnante : selon les estimations, elle pourrait être comprise entre 15 et 20 tonnes. Les dimensions du crâne récemment mis au jour (environ 1,1 mètre de long) suggèrent qu’il pourrait appartenir à la plus grande espèce de rhinocéros géant.

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Une probable migration via le plateau tibétain

Le fossile nouvellement découvert a été retrouvé dans le bassin de Linxia de la province du Gansu, située à la frontière nord-est du plateau tibétain. Tao Deng, directeur de l’Institut de paléontologie et de paléoanthropologie des vertébrés à l’Académie chinoise des sciences de Pékin, explique que la région de Linxia est célèbre pour ses fossiles depuis les années 1950, lorsque des agriculteurs y ont découvert pour la première fois des « os de dragon ».

Ce crâne de rhinocéros géant est incroyablement bien conservé, avec une mandibule articulée et la première vertèbre cervicale ; après analyse, il semblerait qu’il appartienne à une nouvelle et sixième espèce du genre Paraceratherium, baptisée Paraceratherium linxiaense par les paléontologues. Cette espèce se distingue des autres espèces précédemment identifiées de par des os de museau relativement courts, ainsi qu’une cavité nasale plus profonde et un occiput très élevé, entre autres subtiles différences.

fossile crâne rhinocéros géant
Le crâne du rhinocéros géant de l’espèce P. linxiaense. © T. Deng et al.

Cette nouvelle espèce présente toutefois plusieurs caractéristiques communes avec le rhinocéros géant P. lepidum — dont des restes ont été retrouvé au Kazakhstan et dans d’autres régions du nord-ouest de la Chine — et le P. bugtiense, une autre espèce trouvée bien plus au sud. L’emplacement des différents fossiles et les similitudes entre ces différentes espèces suggèrent que les rhinocéros géants ont autrefois migré du plateau mongol vers le nord-ouest de la Chine et le Kazakhstan, et jusqu’au Pakistan, probablement via le Tibet.

carte dispersion rhinocéros géants
Distribution et dispersion de Paraceratherium. Les localisations des espèces de l’Oligocène précoce sont marquées en jaune ; le rouge indique les espèces de l’Oligocène supérieur. Les dispersions de Paraceratherium entre l’Asie du Sud et d’autres localités doivent passer par la région tibétaine, car la majeure partie de l’Asie centrale — y compris le sud-est du Kazakhstan, le bassin de Turpan et le bassin de Tarim — était à l’époque couverte par l’océan Téthys. © T. Deng et al.

La diversification du genre Paraceratherium en plusieurs espèces s’est vraisemblablement produite au cours de l’Oligocène, il y a 34 à 23 millions d’années. Selon les analyses des paléontologues, l’espèce P. linxiaense serait apparue juste avant que les rhinocéros géants ne traversent le Tibet. « Ces découvertes soulèvent la possibilité que le rhinocéros géant ait pu traverser la région tibétaine avant de devenir le plateau surélevé qu’il est aujourd’hui », explique l’équipe.

Une région autrefois recouverte de forêts

À partir de là, il est probable qu’il ait migré vers le sous-continent indo-pakistanais, où d’autres spécimens de rhinocéros géants ont été trouvés et où vivaient encore des rhinocéros modernes jusqu’à récemment. « À cette époque, l’Asie centrale était aride, tandis que l’Asie du Sud était relativement humide, avec une mosaïque de paysages boisés et ouverts, où les rhinocéros géants cherchaient probablement de la nourriture », explique Deng.

Dans l’article décrivant leurs travaux, les chercheurs précisent que la région comprenait bien d’autres mammifères à l’Oligocène, y compris deux autres genres de rhinocéros géants (Turpanotherium et Dzungariotherium), des rongeurs, des chalicothères, des entélondontes, etc. Les similitudes avec la faune du bassin de Lanzhou et avec d’autres faunes de la Mongolie intérieure, de même que les conditions tropicales de la fin de l’Oligocène, suggèrent que le plateau tibétain abritait probablement des zones de faible altitude (moins de 2000 mètres) et était à l’époque recouvert d’une mosaïque de forêts et de prairies, dont se nourrissaient abondamment les rhinocéros géants pour couvrir leurs besoins.

comparaison taille mammifères
Taille estimée du P. transouralicum (troisième à partir de la gauche) comparée à celle des humains, d’autres grands mammifères et du dinosaure Patagotitan mayorum. © Steveoc 86/Wikimedia Commons – CC BY-SA 4.0

Les Paraceratheriums sont une sous-famille de la super-famille des Rhinocerotoidea, à laquelle appartiennent les rhinocéros modernes. Ils ont vécu pendant près de 11 millions d’années, de l’extrême nord de la Mongolie au Pakistan, et l’analyse des fossiles des différentes espèces a permis de reconstituer le schéma migratoire de ces animaux. Ce dernier pourrait notamment expliquer la répartition des mammifères modernes. En revanche, le mystère demeure sur les causes de l’extinction de ces géants, qui a entraîné la disparition des vastes forêts du pays et de la plupart des mammifères qui en dépendaient pour se nourrir.

Source : Communications Biology, T. Deng et al.

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