Découverte d’un nouveau genre de plante ressemblant à un calmar et se nourrissant uniquement de champignons

Extrêmement rare, sa population totale ne compterait que 50 individus.

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La plante récemment découverte, Relictithismia kimotsukiensis (ou « mujina-no-shokudai »). | Shuichiro Tagane
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Pour la première fois depuis près d’un siècle, un nouveau genre de plante a été découvert au Japon, dans la petite ville de Kimotsuki, sur l’île de Kyushu. Baptisée Relictithismia kimotsukiensis, ou « mujina-no-shokudai » (« chandelier du blaireau » en français), l’étrange plante, extrêmement rare et ressemblant à un calmar, n’effectue pas de photosynthèse et se nourrit uniquement du mycélium des champignons présents dans le sol. Cette découverte témoigne d’une biodiversité insoupçonnée, même dans des endroits maintes fois explorés.

La famille des Thismiaceae, communément appelées « lanternes de fée », décrit d’étranges plantes poussant principalement dans les régions tropicales, subtropicales et tempérées. Leur appellation provient de leurs jolies fleurs translucides évoquant des urnes ou des clochettes de verre, avec des tépales (pièces florales externes et internes du périanthe) fusionnés à la base.

Leur apparence particulière serait due au fait qu’elles sont mycohétérotrophes, c’est-à-dire qu’elles n’effectuent pas de photosynthèse. Au lieu de cela, elles se nourrissent du mycélium fongique présent dans le sol. En d’autres termes, elles obtiennent leur carbone indirectement des plantes photosynthétiques, via des réseaux mycorhiziens partagés. Elles sont ainsi fortement dépendantes des interactions symbiotiques entre les champignons et les arbres.

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Ce mode de vie implique qu’elles sont souvent cachées sous les feuilles mortes et ne fleurissent que pendant de très courtes périodes. Le nom japonais de la fleur est « mujina-no-shokudai », ce qui signifie « chandelier du blaireau » — en référence à son apparence et à son mode de vie. Cependant, ce cycle de dépendance complexe la rend particulièrement sensible aux perturbations environnementales. Elle est de ce fait exceptionnellement rare, sans compter ses habitats hautement localisés.

« À l’heure actuelle, environ 100 espèces au sein de la famille ont été identifiées, dont près de la moitié ne sont connues que depuis leur première découverte, parfois à partir d’un seul spécimen », explique dans un communiqué de l’Université de Kobe (au Japon) Kenji Suetsugu, éminent expert en plantes non photosynthétiques.

R. kimotsukiensis, la nouvelle espèce de Thismiaceae, a été découverte pour la première fois en 2022 par un botaniste amateur japonais. Après avoir été confiée à Suetsugu afin de l’identifier, il était devenu clair que la plante n’appartenait à aucun des genres de Thismiaceae répertoriés, en raison de ses caractéristiques uniques. Afin d’enquêter plus avant, l’expert s’est rendu sur les lieux de la découverte afin de collecter d’autres échantillons. Ce n’est qu’un an plus tard que quatre autres spécimens ont été découverts exactement au même endroit que le premier. La découverte est décrite dans le Journal of Plant Research.

Un genre unique ne comptant que 50 individus

Mesurant environ 3 centimètres de haut et 2 centimètres de large, les R. kimotsukiensis décrits par Suetsugu et son équipe ont été trouvés dans une forêt secondaire de plantes sempervirentes, à proximité d’une route de montagne. Elles ne fleurissent qu’environ une semaine par an. Selon l’expert, il s’agirait d’une espèce extrêmement rare, dont la population totale pourrait ne pas dépasser les 50 individus.

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a & b) La forêt secondaire de feuillus sempervirents où R. kimotsukiensis a été découverte. c & e) R. kimotsukiensis, vue du dessus. d & f) Vue latérale de R. kimotsukiensis. Barres d’échelle : 10 mm. © Yasunori Nakamura/Shuichiro Tagane

Les analyses morphologiques indiquent que l’espèce diffère des Oxygynes et des Thismias, les deux genres de Thismiaceae couramment retrouvés en Asie de l’Est. Contrairement à ces derniers, elle possède 6 étamines libres (contre 3 pour les Oxygynes) qui touchent le stigmate lors de l’anthèse (une caractéristique absente chez les Thismias). L’anthèse est la période de floraison pendant laquelle la fleur est complètement ouverte et les organes complètement fonctionnels.

Alors que les étamines libres touchant le stigmate rappellent l’Afrothismia — un genre endémique d’Afrique, ses racines tubéreuses diffèrent de celles de ce groupe. Cette caractéristique des racines se rapproche davantage du genre Haplothismia. Cependant, R. kimotsukiensis se distingue là encore par sa paire de fleurs solitaires et la forme de ses capsules polliniques uniques. « L’apparence unique de cette nouvelle espèce végétale évoque des images de calmars ou d’êtres extraterrestres, ce qui en fait un ajout vraiment inhabituel et fascinant au monde botanique », a déclaré Suetsugu au New Scientist.

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Schéma détaillant la morphologie de R. kimotsukiensis. © Yasunori Nakamura/Shuichiro Tagane

Les analyses génétiques de l’équipe ont confirmé que non seulement R. kimotsukiensis représente une nouvelle espèce, mais qu’elle est suffisamment différente des autres Thismiaceae pour constituer un tout nouveau genre. Les experts estiment qu’elle a probablement divergé à un stade précoce de l’évolution de la famille et conserve des caractéristiques de celle-ci qui ont été perdues par les autres genres, tels que les Thismias.

Il est important de savoir que le Japon est l’une des régions où les recherches botaniques sont les plus avancées au monde, ce qui rend les découvertes de nouvelles espèces et de nouveaux genres exceptionnellement rares. La dernière découverte d’un nouveau genre botanique au Japon remonte aux années 1930, soit à il y a près d’un siècle.

En outre, « cette recherche pourrait suggérer que de nombreuses autres nouvelles espèces pourraient se cacher dans des régions que l’on pensait auparavant bien étudiées et souligne le besoin critique d’une exploration et d’une enquête continues sur la flore de la planète, tant à l’étranger qu’au pays », suggère Suetsugu.

Les chercheurs espèrent désormais que le gouvernement japonais accordera un statut de protection spécifique à R. kimotsukiensis, en vue de sa rareté et de sa proximité avec des zones fréquentées. En attendant, l’équipe prévoit d’étudier les interactions subtiles entre l’espèce et ses hôtes fongiques, ainsi que les impacts des altérations environnementales sur ces associations.

Source : The Journal of Plant Research

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