Découverte d’un fossile exceptionnellement bien conservé de l’ancêtre de la salamandre géante de Chine

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Vue d'artiste d'Arenaerpeton supinatus, de la famille des Chigutisauridés et ancêtre de la salamandre géante de Chine. | José Vitor Silva/Université de Nouvelles-Galles du Sud
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Un fossile exceptionnellement bien conservé d’Arenaerpeton supinatus, vieux de 240 millions d’années, a été découvert en Australie. Le spécimen, qui serait un ancêtre de la salamandre géante de Chine, est l’un des rares représentants de la famille des Chigutisauridés — de mystérieux amphibiens ayant survécu à deux extinctions de masse. La découverte pourrait fournir de précieux indices sur l’incroyable longévité du clade.

Les Chigutisauridés sont une famille d’amphibiens temnospondyles brachyopoïdes ayant subsisté au cours de la plage temporelle la plus étendue de tous les temnospondyles. En effet, ce clade a survécu deux événements d’extinction de masse, sur une période allant du Trias inférieur au Crétacé inférieur. Ce qui en fait des études de cas particulièrement intéressantes pour connaître la façon dont les animaux se sont adaptés aux catastrophes à l’échelle de la planète.

Concernant le fossile d’A. supinatus récemment découvert, Lachlan Hart, un paléontologue à l’Université de Nouvelles-Galles du Sud et à l’Australian Museum, explique que « c’est un exemple unique d’un groupe d’animaux éteints et connus sous le nom de temnospondyles, qui vivaient avant et pendant l’époque des dinosaures ». L’expert est l’auteur principal de l’étude parue dans le Journal of Vertebrate Paleontology, décrivant le spécimen nouvellement identifié.

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Un fossile exceptionnellement bien conservé

Les fossiles de Chigutisauridé sont extrêmement difficiles à trouver. En effet, les scientifiques estiment que cette famille a subsisté au Gondwana, le supercontinent qui s’est formé à la fin du Néoprotérozoïque (il y a 1 milliard à 542 millions d’années) et qui a commencé à se diviser au cours du Jurassique (il y a 200 à 145 millions d’années).

Quelques spécimens ont été retrouvés en Argentine, en Inde, en Afrique du Sud et en Australie. Pour ce dernier en particulier (A. supinatus), seuls trois représentants ont été découverts. Cette découverte appuie de précédentes recherches suggérant l’importante présence et la forte diversité des temnospondyles, après l’événement d’extinction de la fin du Permien (il y a 252 millions d’années).

Pour un amphibien, le fossile est incroyablement bien conservé, notamment avec un crâne encore rattaché au reste du squelette et des tissus mous visibles dans leur intégralité. À noter que contrairement aux lézards, les amphibiens sont dépourvus d’écailles. Ils ont la peau lisse et vivent dans des milieux humides. Il est remarquable que dans ces conditions, un fossile soit aussi bien conservé. « Nous ne trouvons pas souvent de squelettes avec la tête et le corps encore attachés, et la préservation des tissus mous est encore plus rare », indique Hart.

fossile chigutisauride
Le fossile exceptionnellement bien conservé d’un Arenaerpeton supinatus. © Richard Freeman/Université de Nouvelles-Galles du Sud

Une taille accrue : le secret de longévité du clade

Découvert dans les années 1990 par un fermier retraité, le fossile d’A. supinatus (qui signifie « liane de sable couchée ») était encastré dans une roche taillée pour édifier un mur de soutènement de jardin. Il a ensuite été confié à l’Australian Museum et n’a été officiellement décrit que dans la présente étude. « C’est l’un des fossiles les plus importants trouvés en Nouvelle-Galles du Sud au cours des 30 dernières années… Il représente un élément clé du patrimoine fossile de l’Australie », précise Matthew McCurry, coauteur de la recherche et maître de conférences à l’Université de Nouvelles-Galles du Sud.

Les chercheurs ont eu quelques difficultés quant à la préparation manuelle du fossile, car la matrice de grès qui l’entourait était exceptionnellement bien conservée et ne se séparait pas facilement des os. Ils ont alors effectué un scanner aux rayons X afin d’obtenir une vue complète et tridimensionnelle du squelette. Cependant, la similitude de densité entre le fossile et la matrice entravait la précision des images. Les analyses n’ont ainsi fourni que des informations concernant la morphologie squelettique.

Mesurant environ 1,2 mètre de la tête à la queue, l’animal ressemble beaucoup à la salamandre géante de Chine (Andrias davidianus), pouvant peser entre 20 et 30 kilogrammes à l’âge adulte. Fait intéressant, A. supinatus est étonnamment grand en comparaison des taxons apparentés et vivant à la même période. Il vivait dans les anciennes rivières d’eau douce du bassin du Sydney, pendant le Trias, il y a environ 240 millions d’années. Il se nourrissait probablement de poissons tels que Cleithrolepis, un poisson d’eau douce d’environ 30 centimètres de long et vivant à la même époque.

À l’instar de tous les brachyopoïdes et de certains dinosaures, A. supinatus possède un crâne brachycéphale. En revanche, il est exclu des dinosaures en raison de la présence un os en forme de couteau plat du parasphénoïde (un os de la ligne médiane du toit de la mâchoire), qui ne s’étend pas vers l’avant. Si les autres brachyopoïdes possèdent de grandes dents clairsemées, le nouveau spécimen est quant à lui davantage associé à la sous-famille des chigutisauridés, car il possède de petites dents serrées et noueuses au niveau du prémaxillaire et du maxillaire. Une paire de défenses en forme de crocs est également présente au niveau du toit de sa mâchoire.

Par ailleurs, la taille des côtes et le contour des tissus du fossile indiquent qu’il était remarquablement plus lourd que ses plus proches descendants vivants. Il est important de savoir que la taille et le poids d’un animal fournissent des indices sur de nombreux aspects de sa vie, comme la façon dont il se nourrit, se déplace et s’adapte aux changements de température. Le dernier des temnospondyles a vécu en Australie environ 120 millions d’années après A. supinatus et certains taxons étaient particulièrement imposants (jusqu’à 260 kilogrammes). Les experts de la nouvelle étude estiment que cette évolution de taille pourrait être l’un des secrets de la survie à long terme de la lignée.

Source : Journal of Vertebrate Paleontology

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