Dépendons-nous tous d’un monologue intérieur ?

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Que ce soit pour traiter des expériences de la vie, faire ses courses au supermarché ou encore se préparer pour une représentation, de nombreuses personnes ont recours à un monologue intérieur pour hiérarchiser leurs pensées, de façon plus ou moins prégnante. Depuis plusieurs années, la science étudie ce phénomène, ses raisons et ses avantages, ainsi que les conséquences de son absence (qui touche entre 2 et 5% de la population), connue sous le nom d’aphantasie.

Pendant longtemps, on a supposé qu’une voix intérieure faisait simplement partie de l’être humain. Mais il s’avère que ce n’est pas le cas ; tout le monde ne gère pas sa vie avec des mots et des phrases. « Par monologue intérieur, nous entendons un discours privé qui s’adresse à nous-mêmes et qui s’effectue sans aucune articulation ni son », explique Hélène Lœvenbruck, chercheuse principale en psychologie et neurocognition et responsable de l’équipe du langage au CNRS.

Avec un vrai discours intérieur, vous « entendez » presque votre voix intérieure. Vous êtes conscient de son ton et de son intonation. Par exemple, la voix peut sembler en colère ou inquiète. Des recherches ont montré que les enfants de 5 à 7 ans peuvent utiliser une voix intérieure, et certaines études suggèrent que les enfants peuvent utiliser une forme de phonétique intérieure dès l’âge de 18 à 21 mois.

Les paramètres clés du monologue intérieur

Les recherches de Lœvenbruck examinent les monologues intérieurs en trois dimensions, selon une étude de 2019 qu’elle et ses collègues ont publiée dans la revue Frontiers in Psychology. Le premier est la dialogalité. Les humains peuvent avoir un discours intérieur si complexe qu’il y a un débat pour savoir s’il est exact d’appeler tout discours intérieur un monologue. Ainsi, la première dimension mesure si vous vous parlez dans un monologue ou un dialogue.

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Variétés de discours intérieur selon les dimensions de condensation, de dialogalité et d’intentionnalité. Sur l’axe vertical de condensation, les formes les plus condensées (en haut) n’engagent que le niveau linguistique le plus élevé (sémantique), tandis que les formes les plus étendues engagent tous les niveaux linguistiques jusqu’à la planification articulatoire et la perception d’une voix intérieure (en bas). Sur la dimension dialogique, la parole intérieure peut varier entre deux extrêmes : le monologue ou soliloque interne avec sa propre voix (« Soi ») et le dialogue interne, qui inclut la parole intérieure et le fait d’imaginer les autres parlant avec leur voix. Le monologue avec une autre voix se situe entre ces deux extrêmes. Sur l’axe horizontal de l’intentionnalité, la parole intérieure peut varier entre l’errance verbale de l’esprit, à gauche, et la parole intérieure intentionnelle, à droite. © Romain Grandchamp et al. 2021

Un monologue se produit lorsque vous pensez à quelque chose comme « J’ai besoin d’acheter du pain ». Mais d’autres fois, lorsque vous raisonnez, vous pouvez engager plusieurs points de vue, comme une conversation, un dialogue. La deuxième dimension est la condensation, une mesure de la prolixité de votre discours intérieur. Parfois, vous pensez en mots ou en fragments. Mais d’autres fois, comme lorsque vous vous préparez pour une conversation ou une présentation, vous pensez probablement en phrases entières et en paragraphes.

La troisième dimension est l’intentionnalité. Vous engagez-vous volontairement dans un discours intérieur ? Pour des raisons que nous ne connaissons pas, parfois la parole intérieure peut simplement vous faire dériver vers des sujets entièrement aléatoires et apparemment déconnectés. Mais un facteur de confusion de longue date dans l’étude de la parole intérieure était le fait que, dans les études, les gens exprimaient leurs pensées avec des mots, même s’ils ne pensaient pas exactement avec des mots.

L’absence de monologue intérieur : l’aphantasie

Cette hypothèse de longue date selon laquelle tout le monde dépend d’une voix intérieure a été remise en question pour la première fois à la fin des années 1990, en grande partie par des recherches menées par Russell Hurlburt, psychologue à l’Université du Nevada. L’absence d’un monologue intérieur est liée à un syndrome appelé aphantasie. Les personnes qui présentent une aphantasie ne font pas l’expérience de visualisations dans leur esprit ; ils ne peuvent pas imaginer mentalement leur chambre ou le visage de leur mère.

L’aphantasie et le manque de voix intérieure ne sont pas nécessairement mauvais. Mais une meilleure compréhension de la parole intérieure et du large éventail de processus de pensée dont les gens font l’expérience pourrait être particulièrement importante pour les méthodes d’apprentissage et l’éducation en général, selon Lœvenbruck. Jusqu’à présent, les types de discours intérieur et d’expériences que les enfants peuvent avoir, et les ressources dont ils peuvent avoir besoin pour apprendre, ont probablement été largement sous-estimés.

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