En septembre 2019, alors qu’ils examinaient de nouvelles données, des astronomes ont découvert des formes étranges dans le ciel, qui ne ressemblaient à aucun objet connu. L’un de ces objets apparaissait tel un cercle fantomatique d’émissions radio, qui semblait suspendu dans l’espace comme un rond de fumée. Ces objets, qui ne peuvent être expliqués par les théories actuelles, ont été baptisés ORC, pour odd radio circles (ou cercles radio bizarres, en français).
Ces étranges objets ont été découverts dans le cadre du projet Evolutionary Map of the Universe (EMU). Celui-ci consiste à recenser l’ensemble des sources radio dans des parties de l’Univers encore jamais sondées, à l’aide de l’Australian Square Kilometre Array Pathfinder (ASKAP), un réseau de radiotélescopes situé en Australie occidentale. Ce réseau comporte 36 antennes paraboliques de 12 mètres de diamètre chacune ; il est en service depuis octobre 2012. Le projet EMU comporte plusieurs phases ; une enquête pilote de deux ans, destinée à tester les stratégies d’observation, vient de s’achever ; ASKAP a permis de cartographier trois millions de galaxies en 300 heures.
De par sa grande sensibilité, ASKAP est capable de détecter les objets faibles et diffus, tels que les ORC. Ces découvertes réalisées de façon fortuite sont regroupées dans un projet annexe, baptisé WTF. À la grande surprise des scientifiques, les ORC ont été découverts en analysant les données à l’œil nu et non à l’aide d’un logiciel d’apprentissage automatique. Reste à expliquer ce que sont exactement ces objets fantomatiques…
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Plusieurs hypothèses déjà écartées
Pour expliquer la nature des ORC, les astronomes ont tout d’abord pensé à de simples artefacts d’imagerie, potentiellement générés par une erreur logicielle. Cette hypothèse a cependant été rapidement balayée lorsque des analyses réalisées avec d’autres instruments ont confirmé leur présence. Les spécialistes n’ont pour le moment aucune idée de la taille de ces objets ni de la distance à laquelle ils se trouvent. Selon eux, ils pourraient se trouver aussi bien dans notre galaxie, qu’à plusieurs millions d’années-lumière aux confins de l’Univers.
Les images réalisées à l’aide de télescopes optiques aux coordonnées des ORC ne montrent absolument rien. Les astronomes pensent que les anneaux d’émission radio sont probablement causés par des nuages d’électrons ; ils s’étonnent toutefois de ne rien observer dans les longueurs d’onde visibles de la lumière. Ces ORC constituent ainsi un véritable mystère, très excitant à résoudre pour tous les passionnés d’astronomie.
Les spécialistes ne savent pas de quoi il s’agit, mais ils peuvent d’ores et déjà exclure plusieurs hypothèses. Pour commencer, il ne peut s’agir de « restes » de supernova (des nuages de débris qui demeurent dans l’espace lorsqu’une étoile explose). En effet, ces ORC se situent loin des étoiles de notre Voie lactée et sont trop nombreux. Il ne s’agit pas non plus d’anneaux d’émissions radio propres aux galaxies à sursaut de formation d’étoiles : les astronomes n’ont repéré aucune galaxie sous-jacente hébergeant le phénomène.
Les chercheurs ont ensuite pensé aux lobes géants d’émissions radio caractéristiques des radiogalaxies, provoqués par des jets d’électrons jaillissant des environs d’un trou noir supermassif. Mais cette hypothèse est peu probable du fait que les ORC apparaissent très nettement circulaires ; les nuages d’ondes radio des radiogalaxies sont davantage enchevêtrés. Les ORC sont par ailleurs trop symétriques pour être des anneaux d’Einstein — des phénomènes qui résultent de la déformation d’une source lumineuse passant à travers une lentille gravitationnelle formée par un corps céleste massif. Un anneau d’Einstein se caractérise en outre par la présence d’un amas de galaxies en son centre, ce qui n’est pas le cas ici.
Imaginer des phénomènes jamais observés
Dans un article à paraître dans la revue Publications of the Astronomical Society of Australia, les astronomes recensent toutes les possibilités. Cependant, ces ORC ne ressemblent définitivement à rien de connu. Les spécialistes doivent donc envisager des phénomènes qui pourraient exister, mais qui n’ont pas encore été observés. Ils évoquent par exemple une vaste onde de choc, générée par une explosion dans une galaxie lointaine ; ce type d’explosion pourrait être lié à des sursauts radio rapides (ou FRB pour fast radio burst) — des sursauts d’ondes radio de quelques millisecondes, ou à la fusion de deux trous noirs générant des ondes gravitationnelles. Des astrophysiciens russes ont par ailleurs émis l’hypothèse que ces ORC seraient en quelque sorte les orifices des trous de ver de l’espace-temps.
À ce jour, les astronomes estiment qu’il y a environ 1000 ORC dans l’espace. Mais d’autres recherches sont en cours, à l’aide des télescopes du monde entier, pour repérer davantage de ces objets atypiques et peut-être mieux comprendre leur origine. Un véritable défi pour tous les spécialistes, car les ORC sont particulièrement difficiles à détecter.
Ray Norris, chercheur à la Western Sydney University et auteur principal de l’article, se réjouit d’être face à ces objets mystérieux : « La plupart des recherches astronomiques visent à affiner nos connaissances de l’Univers ou à tester des théories. Nous avons très rarement le défi de tomber sur un nouveau type d’objet que personne n’a vu auparavant et d’essayer de comprendre ce que c’est ». Si les astronomes sont friands de ces découvertes inédites, c’est aussi car elles peuvent être lourdes de conséquences : si le phénomène est complètement nouveau, il pourrait remettre en question notre compréhension de l’Univers.