Deux réservoirs d’eau différents sur Mars ?

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| European Southern Observatory/M. Kornmesser
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La présence d’eau sur Mars est une condition essentielle à son habitabilité. Si des traces de sa présence ont été maintes fois repérées, plusieurs questions demeurent en suspens : d’où vient cette eau ? Depuis combien de temps se trouve-t-elle sur Mars ? Quelles données peut-elle apporter quant à la formation de la planète ? Une nouvelle étude menée par des planétologues américains, publiée dans Nature Geoscience, est porteuse de nouveaux indices sur l’histoire de l’eau et les origines planétaires de Mars.

En juillet 2018, la sonde européenne Mars Express avait permis à des astrophysiciens italiens de détecter la présence d’un important réservoir d’eau liquide au niveau du pôle Sud de la planète rouge, sous la calotte glaciaire. Une découverte qui ravivait l’espoir d’une potentielle forme de vie martienne. Pour expliquer la présence de cette eau, des chercheurs ont suggéré dans une étude publiée en février 2019, qu’une activité magmatique doit s’être produite sous la surface pour qu’il y ait suffisamment de chaleur pour produire de l’eau liquide.

Retracer l’histoire de l’eau

Aujourd’hui, des spécialistes de l’Université de l’Arizona, dirigée par la planétologue Jessica Barnes, viennent de découvrir qu’au moins deux anciens réservoirs d’eau distincts, présentant des signatures chimiques différentes, pourraient être préservés sous la surface martienne. Autrement dit, au début de sa formation, l’eau serait apparue sur Mars depuis deux sources différentes. Une découverte qui indique que la planète rouge n’était pas recouverte d’un océan de magma souterrain, contrairement à la Terre.

Pour parvenir à cette conclusion, cette équipe de chercheurs a analysé des fragments de deux météorites issues de la croûte martienne : Alan Hills 84001, découverte en Antarctique 1984 et Northwest Africa 7034, identifiée dans le désert du Sahara en 2011. Ils se sont notamment intéressés aux isotopes de l’hydrogène présents dans ces échantillons.

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Vue artistique de l’atterrisseur InSight de la NASA sur Mars. La découverte du professeur Barnes suggère que Mars ne comportait pas d’enveloppe globale de magma liquide sous son manteau. Crédits : IPGP/Nicolas Sarter

En effet, l’atome d’hydrogène possède trois isotopes naturels : l’hydrogène proprement dit, aussi appelé protium (noté 1H), le deutérium (noté 2H ou D) et le tritium (noté 3H). Le noyau du premier se réduit à un proton ; celui du deutérium possède un proton et un neutron ; celui du tritium d’un proton et de deux neutrons. Les atomes de deutérium sont deux fois plus lourds que le protium. Le tritium est radioactif et très peu abondant dans l’environnement (il est en majorité issu des réactions nucléaires qui se produisent dans la haute atmosphère).

Le deutérium est stable, mais rare sur Terre (son abondance atomique est comprise entre 0,002 et 0,018%) ; le protium est donc l’isotope dominant sur notre planète, à la fois dans l’atmosphère, dans les eaux de roche et les eaux océaniques. Dans l’atmosphère martienne, en revanche, le deutérium est l’isotope dominant, probablement parce que les radiations solaires « éliminent » les atomes de protium.

L’hydrogène étant l’un des composants de l’eau – chaque molécule d’eau est formée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène – le rapport deutérium/protium dans les échantillons considérés peut fournir des informations sur le « vécu » de l’eau. C’est comme un « fossile d’eau », une empreinte révélatrice de son origine et de tous les processus chimiques qu’elle a subis.

Une composition isotopique significative

Selon les techniques de datation par désintégration radioactive utilisées par l’équipe de Barnes, la météorite Allan Hills 84001 a interagi avec le fluide de la croûte martienne il y a environ 3,9 milliards d’années. La météorite Northwest Africa 7034 a, quant à elle, été en contact avec le fluide il y a 1,5 milliard d’années. L’analyse isotopique a révélé que les deux échantillons avaient des rapports isotopiques D/H similaires, de valeur comprise entre le rapport observé dans l’eau terrienne et le rapport propre à l’atmosphère martienne. La valeur était en outre similaire à celle observée dans des roches plus « jeunes » analysées par le rover Curiosity. Conclusion : la composition chimique de cette eau semble constante depuis environ 4 milliards d’années !

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En comparant leurs résultats avec des recherches antérieures sur les isotopes de l’hydrogène dans les météorites issues du manteau martien – sous la croûte – les chercheurs ont découvert que les météorites du manteau appartenaient en réalité à deux groupes distincts de roches magmatiques : les shergottites « enrichies », qui contiennent plus de deutérium, et les shergottites « appauvries ». Or, en effectuant une moyenne de leurs ratios D/T, on retrouve le ratio observé dans les météorites étudiées.

Ces deux signatures chimiques différentes constituent la preuve de la présence de deux réservoirs d’eau distincts dans le manteau martien. Ce qui pourrait signifier que contrairement à notre planète, Mars ne comportait pas d’enveloppe complète de magma liquide sous son manteau – dans le cas contraire, ce dernier aurait été chimiquement homogène. Barnes souligne que cette nouvelle donnée est essentielle pour comprendre l’habitabilité passée de Mars. « Ces deux différentes sources d’eau à l’intérieur de Mars pourraient nous en apprendre davantage sur les types de matériaux qui étaient disponibles pour se fondre à l’intérieur des planètes rocheuses », ajoute-t-elle.

Source : Nature Geoscience, J. Barnes

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