La Fédération internationale du diabète (FID) a officiellement reconnu l’existence du diabète de type 5, une forme spécifiquement liée à la malnutrition. Généralement diagnostiquée à tort comme un diabète de type 1, cette pathologie se manifeste chez des personnes au faible poids corporel, présentant un déficit de production en insuline, probablement en raison d’un développement anormal du pancréas.
Bien que leur dénomination puisse laisser croire qu’il n’existe que quelques types de diabète, on en recense en réalité au moins une douzaine. Cependant, seuls quelques-uns bénéficient d’une classification clairement définie. Les formes les plus connues, les diabètes de type 1 et 2, font l’objet de recherches très actives, tandis que les types plus rares restent encore peu étudiés et largement méconnus.
Le diabète de type 1 est provoqué par une réaction auto-immune poussant le système immunitaire à attaquer les cellules pancréatiques, perturbant ainsi la production d’insuline. Il peut survenir à tout âge, et résulte d’une interaction complexe entre prédispositions génétiques et facteurs environnementaux.
Le diabète de type 2, la forme la plus fréquente, est généralement associé à un indice de masse corporelle (IMC) élevé, et donc à des habitudes de vie et à l’alimentation. Il peut néanmoins toucher des personnes au poids santé, notamment en présence de fortes prédispositions génétiques, particulièrement chez les populations sud-asiatiques, africaines et caribéennes.
D’autres sous-types existent, incluant des formes génétiques rares provoquées par des mutations spécifiques. Certaines peuvent également résulter de traitements médicamenteux lourds ou d’interventions chirurgicales. Le diabète de type 3c, par exemple, découle d’une lésion pancréatique consécutive à l’ablation partielle de l’organe. Les personnes atteintes de mucoviscidose présentent elles aussi un risque accru de développer un diabète.
Le diabète de type 5 est quant à lui associé à la malnutrition durant l’enfance ou l’adolescence. Touchant entre 20 et 25 millions de personnes dans le monde selon la FID, il est davantage répandu dans les pays à faible revenu, principalement en Asie et en Afrique. Malgré sa prévalence significative, il n’a été reconnu que récemment comme une forme distincte de diabète, en raison d’un manque de preuves fiables.
« Le diabète lié à la malnutrition a toujours été largement sous-diagnostiqué et mal compris… La reconnaissance par la FID de ce diabète comme “diabète de type 5” est une étape importante vers la sensibilisation à un problème de santé qui est si dévastateur pour tant de personnes », explique Meredith Hawkins, professeure de médecine à l’Albert Einstein College of Medicine (à New York), dans un entretien accordé à Medscape Medical News.
Détecté pour la première fois en Jamaïque en 1955, le diabète lié à la malnutrition est le plus souvent observé chez de jeunes hommes dont l’IMC est inférieur à 19. Fréquemment confondu avec un diabète de type 1, il ne provoque toutefois pas de cétose, malgré une glycémie élevée et un besoin important en insuline.
Une maladie invisible dans les manuels occidentaux
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait officiellement classé en 1985 le diabète sucré lié à la malnutrition comme une entité distincte. Cette classification a cependant été abandonnée en 1999, faute d’un manque de preuves impliquant spécifiquement la malnutrition.
« On se demande souvent : pourquoi en voyons-nous autant et n’en parlons-nous jamais dans les manuels scolaires ? Il s’avère que ces manuels sont rédigés en Occident, où on ne le trouve pas », observe Hawkins. « Cela va bientôt changer… Je suis ravie que la situation s’inverse face à une maladie si répandue parmi les populations pauvres du monde, et pourtant si négligée dans la littérature occidentale », ajoute-t-elle.
Hawkins mène des recherches sur cette forme atypique de diabète depuis 2005. En 2022, elle a conduit avec ses collègues des tests métaboliques avancés auprès de 73 hommes d’origine indienne. Après exclusion de toute autre forme de diabète par le biais d’analyses immunogénétiques et d’autres examens métaboliques, 20 d’entre eux ont été diagnostiqués avec un diabète de type 5. Quinze autres souffraient d’un diabète de type 1, treize d’un diabète de type 2. Seize participants étaient en bonne santé bien que présentant un faible IMC, et neuf n’étaient pas diabétiques malgré un surpoids.
Les chercheurs ont constaté que les sujets atteints de diabète de type 5 présentaient un déficit de sécrétion d’insuline beaucoup plus important que celui du groupe diabète de type 2 et du groupe sain à faible IMC. Leur taux d’absorption de glucose était également nettement plus élevé que chez les patients atteints de diabète de type 2. En revanche, leur masse de tissus adipeux ainsi que la concentration de lipides hépatocellulaires étaient significativement plus faibles.
Le rôle clé de la nutrition dans le développement pancréatique
Ces observations remettent en cause l’hypothèse initiale selon laquelle le diabète de type 5 serait essentiellement associé à une résistance à l’insuline. Il apparaît au contraire que les personnes atteintes peinent à produire cette hormone vitale. « Il se peut que l’organisme n’ait pas reçu une nutrition adéquate pendant l’enfance pour permettre le développement normal du pancréas », avance Craig Beall, maître de conférences en neurosciences de l’homéostasie énergétique à l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), dans un article publié dans The Conversation.
Selon Hawkins, l’alimentation des patients atteints de ce diabète devrait comporter un apport important en protéines, un faible apport en glucides, ainsi qu’un apport important en micronutriments essentiels. Des expériences menées sur des rongeurs ont montré qu’un régime pauvre en protéines durant l’enfance, l’adolescence, ou même pendant la grossesse, entraînait un retard de développement du pancréas. « Ce phénomène est connu depuis de nombreuses années. Un pancréas plus petit est un facteur de risque de différentes formes de diabète. Il s’agit essentiellement d’une diminution des réserves de cellules productrices d’insuline », ajoute Beall.
La distinction entre diabète de type 5 et diabète de type 1 s’avère en outre très important, car l’administration excessive d’insuline pourrait s’avérer rapidement fatale, alerte Hawkins. Bien qu’il n’existe pas encore de traitement spécifique ou de recommandations cliniques standardisées, les données disponibles suggèrent que de faibles doses d’insuline administrées par voie orale pourraient représenter une piste thérapeutique prometteuse.