Découverte de surprenants diamants pliés, formés dans une météorite

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Répartition de la lonsdaléite en jaune, du diamant (rose), du fer (rouge), du silicium (vert) et du magnésium (bleu) au sein d'une météorite. | Nick Wilson/The Conversation
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De mystérieux diamants hexagonaux qui ne se forment pas naturellement sur Terre ont été découverts dans des météorites rares d’ureilite trouvées dans le nord-ouest de l’Afrique — issues du manteau d’une planète naine de notre système solaire. Il s’agit des plus grands cristaux de type diamant découverts à ce jour. La compréhension de leur formation ouvre la voie à des applications industrielles afin de créer des minéraux plus solides que le diamant et le graphite perforé, utilisés notamment en informatique.  

Le carbone est l’un des éléments les plus abondants de l’univers. Il donne naissance à de nombreuses structures différentes, dont le diamant, mais aussi une forme particulière de ce dernier, la lonsdaléite. Cette dernière est reconnue comme étant encore plus dure que les diamants cubiques standard. La lonsdaléite porte le nom de la célèbre cristallographe pionnière britannique, Dame Kathleen Lonsdale, qui fut la première femme élue membre de la Royal Society.

Il faut savoir que l’on trouve ce matériau extrêmement dur dans les météorites d’ureilite. En effet, ces dernières contiennent généralement une plus grande abondance de diamants que n’importe quelle roche connue, et constituent actuellement la seule grande suite d’échantillons du manteau d’une planète naine.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Contrairement aux diamants traditionnels, qui se forment lorsque le graphite est lentement comprimé par les pressions profondes dans le manteau terrestre, la lonsdaléite peut se former dans le chaos d’une collision catastrophique dans l’espace interplanétaire.

L’équipe de recherche — composée de membres de l’Université Monash, de l’Université RMIT, du CSIRO, du Synchrotron australien et de l’Université de Plymouth — a trouvé des preuves de la présence de lonsdaléite dans ces météorites d’ureilite, et révélé une potentielle voie de formation. Leurs travaux sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Un diamant plié dans l’espace et une lonsdaléite unique

Concrètement, l’équipe a découvert dans les météorites rares des « diamants pliés ». Ces météorites proviennent probablement du manteau d’une planète naine ou d’un astéroïde massif qui a été détruit il y a 4,56 milliards d’années, lors d’une collision violente avec une planète naine. Prenant appui sur le fait que le diamant est le matériau naturel le plus dur, l’équipe a voulu comprendre comment un diamant à la structure pliée pouvait s’être formé.

Dans ce but, McCulloch et son équipe du RMIT, le doctorant Alan Salek et le Dr Matthew Field, ont utilisé des techniques avancées de microscopie électronique pour capturer des tranches solides et intactes des météorites afin de créer des instantanés de la formation de la lonsdaléite et des diamants réguliers.

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Images au microscope électronique à transmission et diagrammes de diffraction montrant la relation d’orientation cristallographique entre la lonsdaléite et le graphite, ainsi que le schéma associé. © A. G. Tomkins et al., 2022

McCulloch déclare dans un communiqué : « Il y a des preuves solides qu’il existe un processus de formation nouvellement découvert pour la lonsdaléite et le diamant ordinaire, qui ressemble à un processus de dépôt chimique en phase vapeur supercritique qui a eu lieu dans ces roches spatiales, probablement sur une planète naine peu de temps après une collision catastrophique ».

Cette technique de dépôt chimique en phase vapeur est utilisée pour créer des diamants en laboratoire, dans une chambre spécialisée. Plus précisément, on utilise un mélange d’hydrocarbures gazeux pour créer un plasma de carbone au-dessus d’un substrat (le plus souvent du silicium), sur lequel les atomes de carbone se déposent et s’accumulent pour former une structure cristalline. Le méthane de haute pureté est le gaz le plus couramment utilisé comme source de carbone. Il est pour cela mélangé à de l’hydrogène. Ce dernier est essentiel pour le processus, car il élimine sélectivement le carbone non diamantaire. Pour que la réaction ait lieu, les gaz sont ionisés en radicaux chimiquement actifs. Cela a lieu dans la chambre de croissance à l’aide d’une source d’énergie telle que des micro-ondes ou un filament chaud.

Dans le cas des météorites, l’équipe de recherche a proposé que la lonsdaléite dans les météorites se forme à partir d’un fluide supercritique à haute température et à des pressions modérées, préservant presque parfaitement la forme et les textures du graphite préexistant. Andy Tomkins, géologue à l’université Monash et qui a dirigé l’étude, explique dans le communiqué : « Plus tard, la lonsdaléite a été partiellement remplacée par du diamant lorsque l’environnement s’est refroidi et que la pression a diminué.  Ces résultats ont aidé à résoudre un mystère de longue date concernant la formation des phases carbonées dans les ureilites ».

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Photo au microscope de lonsdaléite plissée, surmontée de diamants (graphite). © A. G. Tomkins et al., 2022.

En effet, dans un article publié dans The Conversation, les auteurs expliquent que les travaux de suivi au synchrotron australien par Helen Brand ont confirmé le résultat de la formation de diamants hexagonaux, par conversion partielle de lonsdaléite. Ils ont comparé le diamant, le graphite et la lonsdaléite à travers 18 météorites d’ureilite différentes, et établi la séquence de formation : « Au premier stade, des cristaux de graphite se sont pliés profondément à l’intérieur du manteau de l’astéroïde grâce à des températures élevées provoquant la croissance des autres minéraux environnants, écartant les cristaux de graphite ».

Puis les auteurs ont déterminé que cet astéroïde avait subi une gigantesque collision, produisant alors un riche mélange de fluides et de gaz, le fluide supercritique, induisant la formation de lonsdaléite en remplaçant les cristaux de graphite pliés, préservant presque parfaitement les textures complexes du graphite. Les auteurs soulignent : « Bien sûr, il n’est pas réellement possible de plier la lonsdaléite ou le diamant — il s’est formé en remplaçant des formes préexistantes », grâce à la chute immédiate de la pression et de la température après le cataclysme.

McCulloch, directeur du RMIT Microscopy and Microanalysis Facility insiste que le fait que : « Cette étude prouve catégoriquement que la lonsdaléite existe dans la nature. Nous avons également découvert les plus grands cristaux de lonsdaléite connus à ce jour, d’une taille allant jusqu’à un micron — beaucoup, beaucoup plus fins qu’un cheveu humain ».

Des applications industrielles possibles

Ce qui est particulièrement intéressant avec cette voie de formation, est qu’elle s’apparente au dépôt chimique en phase vapeur industriel, mais fonctionne à une pression modérément plus élevée (∼1–100 bars) par réaction entre le graphite et les fluides C-H-O-S supercritiques. Ce processus ouvre la voie à la fabrication de lonsdaléite façonnée pour une application industrielle et informatique.

En effet, l’équipe affirme que la structure inhabituelle de la lonsdaléite pourrait aider à éclairer de nouvelles techniques de fabrication de matériaux ultra-durs dans les applications minières. Tomkins déclare : « La nature nous a donc fourni un procédé à essayer et à répliquer dans l’industrie. Nous pensons que la lonsdaléite pourrait être utilisée pour fabriquer de minuscules pièces de machine ultra-dures, si nous parvenons à développer un procédé industriel qui favorise le remplacement des pièces en graphite préformées par la lonsdaléite ».

Source : Proceedings of the National Academy of Sciences

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