Des embryons de souris cultivés dans l’espace pour la première fois

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Image d'illustration. | Trust My Science
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L’exploration spatiale pose des défis inédits, notamment sur la viabilité de la vie en dehors de la Terre. En 2021, des chercheurs japonais ont cultivé des embryons de souris en microgravité dans la Station spatiale internationale. Ces embryons se sont développés normalement, suggérant que la reproduction des mammifères pourrait être viable dans l’espace. Toutefois, des questions subsistent quant aux effets de la radiation et d’autres facteurs environnementaux.

Face à l’intensification des missions spatiales et la volonté de voyager vers Mars, la capacité de la vie à se développer hors de notre atmosphère devient une question centrale, notamment la reproduction des mammifères.

En 2021, les chercheurs de l’Université de Yamanashi, en collaboration avec l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (JAXA), ont entrepris d’explorer cette question dans une expérience pionnière. Ils ont étudié le développement des embryons de souris en microgravité, à bord de la Station spatiale internationale (ISS).

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Ces recherches, publiées récemment dans la revue iScience, pourraient jeter un éclairage nouveau sur les perspectives de reproduction humaine dans l’espace et ses implications pour l’avenir de l’exploration interstellaire.

Une expérience embryonnaire inédite à bord de l’ISS

Le processus, qui a débuté avec des embryons de souris au stade de deux cellules, a été soigneusement orchestré. Les embryons congelés ont été envoyés vers l’ISS à bord d’une fusée SpaceX lancée depuis la Floride en août 2021. Ils ont été stockés dans des dispositifs spéciaux conçus par l’équipe de Wakayama pour que les astronautes de la station puissent facilement décongeler les embryons et les cultiver pendant 4 jours dans un milieu spécifique. Les astronautes ont ensuite conservé chimiquement les embryons et les ont renvoyés sur Terre à bord d’un vaisseau de retour.

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Résumé de l’expérience. © S. Wakayama et al., 2023

Leur développement en blastocystes, structures multicellulaires préliminaires à l’implantation dans l’utérus, a été observé avec une grande attention. Le fait que ces embryons aient pu se développer en blastocystes avec un nombre de cellules conforme à la normale est révélateur. L’expérience « a clairement démontré que la gravité n’avait aucun effet significatif », écrivent les chercheurs. Cette découverte remet en question les hypothèses précédentes selon lesquelles la gravité terrestre jouerait un rôle essentiel dans le développement embryonnaire. De fait, la microgravité ne semble pas entraver les étapes initiales de la différenciation cellulaire des mammifères.

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A) Embryons au stade bicellulaire avant congélation. (B) Les embryons ont été congelés dans un fond de cryotube (tube en V : flèche) et emballés dans une unité de décongélation et de culture d’embryons (ETC), dans de l’azote liquide. (C) L’ETC est alors connecté à trois seringues pour le remplacement de la solution et à une seringue pour les solutions usagées. (D) Décongélation par un astronaute en conditions de microgravité. (E – G) Blastocystes collectés auprès de l’ETC cultivés sur contrôle au sol (E), artificiel-1G sur l’ISS (F) et microgravité sur l’ISS (G). © S. Wakayama et al. 2023

Implications pour la reproduction humaine dans l’espace

La démonstration de la capacité des embryons de mammifères à se différencier en masse cellulaire interne (ICM) et en trophoblaste en microgravité représente une avancée significative. L’ICM et le trophoblaste sont des composants essentiels du blastocyste, jouant un rôle déterminant dans le développement embryonnaire. « La formation de ces structures en l’absence de gravité indique une adaptabilité remarquable des processus biologiques », déclarent les chercheurs de l’University of Yamanashi.

Cependant, il est crucial de noter une particularité observée lors de cette expérience. Certains des blastocystes formés en microgravité ont montré des blastomères exprimant de manière ectopique le facteur NANOG. Comme le soulignent les auteurs dans leur article, « NANOG est essentiel pour maintenir la pluripotence des cellules souches embryonnaires ». Une expression ectopique pourrait donc avoir des implications sur le développement ultérieur de l’embryon. Cette observation met en évidence l’importance de poursuivre les recherches pour déterminer si la microgravité peut induire d’autres changements moléculaires ou cellulaires inattendus.

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Qualité des blastocystes développés en microgravité sur l’ISS. Le dernier graphique représente l’analyse en composantes principales des profils d’expression génétiques de 5 blastocystes pour chacun des groupes expérimentaux. © S. Wakayama et al., 2023

Cette expérience ouvre également la voie à de nouvelles recherches sur la manière dont d’autres processus biologiques pourraient être affectés, ou non, par l’absence de gravité. Bien que ces résultats soient prometteurs, de nombreux défis subsistent. La radiation spatiale, qui peut causer des dommages à l’ADN, est une préoccupation majeure pour la reproduction dans l’espace. Cependant, dans cette étude, aucune différence « significative » en matière de dommages à l’ADN n’a été observée entre les embryons cultivés sur Terre et ceux de l’ISS. Mais ne s’agissant que de la première expérience hors de la Terre, les résultats doivent être reproduits pour être validés.

Les chercheurs prévoient donc la prochaine étape : transplanter chez des souris les blastocystes cultivés en microgravité pour voir si les souris peuvent donner naissance et ainsi confirmer que les blastocystes sont normaux. De telles recherches pourraient être importantes pour les futures missions d’exploration et de colonisation spatiales. Dans le cadre de son programme Artemis, la NASA envisage de renvoyer des humains sur la Lune afin d’y apprendre à y vivre à long terme et de préparer un voyage vers Mars, prévu pour la fin des années 2030.

Source : iScience

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