L’image d’Erwin Schrödinger, éminent physicien autrichien, connu dans le monde entier pour sa célèbre équation de fonction d’onde associée à l’état d’une particule — qui lui a valu le prix Nobel de physique de 1933 —, est aujourd’hui entachée d’une bien sombre réalité : une enquête de l’Irish Times révèle que le théoricien était non seulement un coureur de jupons notoire, mais jetait son dévolu sur de très jeunes filles.
Erwin Schrödinger (1887-1961) naît, grandit et étudie à Vienne ; il obtient son doctorat en physique théorique en 1910. En 1920, il épouse Annemarie Bertel et devient professeur universitaire. En 1925, il développe la célèbre équation de Schrödinger, qui décrit l’évolution d’une particule massive non relativiste. Deux ans plus tard, il rejoint Max Planck à la Friedrich-Wilhelms-Universität de Berlin, mais face à la montée du nazisme, il décide de quitter l’Allemagne en 1933. Il entre alors à l’Université d’Oxford.
Son séjour au Royaume-Uni sera toutefois de courte durée : son mode de vie, à l’encontre des conventions, y est vivement critiqué. Le physicien vit en effet avec deux femmes, son épouse et la femme de son collègue, chacune ayant un enfant de lui. Il retourne finalement en Autriche en 1936, où il subit diverses pressions de par son opposition au nazisme. Sa femme et lui parviennent à quitter le pays et s’installent provisoirement en Italie. C’est en 1940 qu’il s’installe en Irlande et contribue à créer l’Institut d’études avancées de Dublin. Il occupera le poste de directeur de l’école de physique théorique pendant 17 ans et obtient la nationalité irlandaise. Mais il semble que la physique n’était pas sa seule obsession à l’époque…
Des relations détaillées dans son journal intime
Le fait qu’il se soit a priori emparé sans vergogne et ouvertement de l’épouse de son propre collègue, Arthur March, suggérait déjà que Schrödinger éprouvait sans doute quelques difficultés à réprimer ses pulsions. Walter Moore, auteur de la biographie Schrödinger, Life and Thought, décrit son attitude envers les femmes comme étant « celle d’un suprémaciste masculin ».
Mais ses agissements sont allés bien au-delà des limites. L’Irish Times a en effet rassemblé plusieurs preuves du comportement inacceptable du physicien : alors qu’il était âgé d’une quarantaine d’années, le père de la physique quantique avait clairement un faible pour les toutes jeunes filles. « Le journal irlandais a identifié de jeunes filles dont Schrödinger s’est entiché, notamment une jeune fille de 14 ans que le physicien a séduite après être devenu son professeur de mathématiques », rapporte Futurism.
Le physicien aurait lui-même admis ultérieurement être tombé amoureux de cette jeune fille, nommée Itha Junger, alors qu’elle n’avait que 17 ans. La même année, elle est tombée enceinte de lui et a malheureusement dû subir un avortement, qui n’a pas été effectué dans les règles de l’art et qui l’a rendue stérile, rapporte l’Irish Times. Leur relation a pris fin peu de temps après.
Son comportement pédophile n’est plus à prouver : l’homme consignait soigneusement ses sentiments dans son journal intime, dans lequel il détaillait ses relations sexuelles. Il y évoque son attirance pour une autre jeune fille, âgée de 12 ans, précisant qu’elle faisait partie « des amours non partagés de sa vie ». Mais il a apparemment mis rapidement fin à cette « relation », suite à l’intervention d’un de ces proches qui s’est aperçu de son comportement abusif et immoral.
Un honneur en demi-teinte
À noter qu’aucun sentiment de culpabilité ne transparaît de ses écrits. Au contraire, il estime être dans son bon droit, de par l’immense génie dont il fait preuve.
Ces révélations secouent évidemment toute la sphère scientifique. Et malgré l’immense et indéniable contribution de Schrödinger à la physique quantique, force est de constater qu’il n’était pas vraiment quelqu’un de bien. Et rien n’excuse son comportement. Depuis la mise au jour de cette nouvelle facette du personnage, une pétition a été lancée pour renommer un amphithéâtre de l’Université Trinity de Dublin, baptisé en l’honneur du physicien. « Nous pouvons reconnaître la grande marque que Schrödinger a laissée à la science par son étude […]. Cependant, il semble de mauvais goût qu’une université moderne telle que Trinity […] honore cet homme avec un bâtiment entier », explique le texte qui accompagne la pétition.
Schrödinger n’est malheureusement pas un cas unique. D’autres scientifiques célèbres ont récemment été mêlés à des scandales similaires : l’astronome Geoff Marcy et le généticien Francisco Ayala ont par exemple fait l’objet de plaintes pour harcèlement sexuel. L’Académie nationale des sciences (NAS) des États-Unis a d’ailleurs exclu Marcy de la liste de ses membres l’an dernier — c’est la première fois que la NAS procède à une éviction depuis que la modification des statuts en 2019 lui permet de prendre de telles mesures (auparavant, l’adhésion était à vie).
Une enquête, publiée dans PLOS One en 2014, a révélé par ailleurs que le harcèlement sexuel est relativement courant dans le cadre de recherches scientifiques menées « sur le terrain » : 64% des personnes interrogées ont déclaré avoir personnellement été victimes de harcèlement sexuel (remarques inappropriées ou sexuelles, commentaires sur la beauté physique, etc.) et plus de 20% ont déclaré avoir subi une agression sexuelle. Les victimes étaient majoritairement des femmes jeunes, étudiantes ou stagiaires.