La propulsion nucléaire thermique est une technologie aéronautique à l’étude depuis les années 50. De nombreux concepts ont été proposés depuis, mais le développement des premiers prototypes fonctionnels, sûrs et fiables, n’est possible que depuis peu. Les États-Unis ont prévu de faire concevoir et de mettre en orbite leur première fusée à propulsion nucléaire d’ici 2025.
L’Agence pour les projets de recherche avancée de la défense (DARPA) est sur le point d’ouvrir la voie à des voyages spatiaux plus rapide, en attribuant des contrats pour la première phase du programme Demonstration Rocket for Agile Cislunar Operations (DRACO). L’objectif du programme DRACO est de faire la démonstration d’un système de propulsion thermique nucléaire (NTP) au-dessus de l’orbite terrestre basse en 2025. Les trois contractants principaux sont General Atomics, Blue Origin et Lockheed Martin.
À noter que la technologie sert à assurer la propulsion d’un engin spatial pendant une période prolongée une fois dans l’espace (et non depuis la Terre). Elle serait donc idéale pour les manœuvres prolongées en orbite ou pour les missions dans l’espace lointain nécessitant des accélérations et des décélérations.
Les fusées nucléaires thermiques utilisent l’énergie nucléaire pour chauffer des propergols froids à des températures élevées, ce qui provoque leur expansion et fournit une poussée. L’idée d’une telle propulsion a été développée par l’US Air Force en 1946, ainsi que par Qian Xuesen au Massachusetts Institute of Technology en 1947.
Premier prototype en orbite en 2025
Dans le cadre du premier essai prévu pour 2025, le moteur fonctionnera aussi longtemps que l’approvisionnement en propergol (généralement de l’hydrogène) le permettra, probablement pendant des semaines. « Dans les airs, au sol et en mer, la manœuvrabilité est une capacité essentielle », explique Nathan Greiner, chef de projet à la DARPA. « La propulsion nucléaire thermique nous donnera cette agilité dans l’espace ».
Le projet est facilité en partie par un mémorandum présidentiel américain de 2019, qui a simplifié l’obtention d’une autorisation pour le lancement d’engins spatiaux contenant des matières radioactives. Pour s’adapter aux règles établies par le mémorandum, le projet impliquera une source d’énergie moins radioactive que les précédentes, comme le programme Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application de la NASA dans les années 1960, qui a considérablement développé le concept de fusées thermiques nucléaires, mais n’a jamais été testé dans l’espace.
Le projet se concentrera sur des satellites en orbite jusqu’à 400 000 kilomètres au-dessus du sol terrestre, ce qui est bien plus élevé que les opérations spatiales actuelles menées par des engins spatiaux militaires. Avec cette technologie, les opérateurs militaires pourraient déplacer à volonté des satellites de communication ou d’espionnage à propulsion nucléaire vers une zone d’intérêt. Elle pourrait également ouvrir de nouvelles possibilités, comme le suivi et l’identification de satellites furtifs rivaux.
Un défi de taille, notamment en raison du risque d’explosion
Bien entendu, le lancement de fusées nucléaires s’accompagne de ses propres défis… En 1983 par exemple, un réacteur nucléaire du satellite espion soviétique Kosmos 1402 a suscité de vives inquiétudes lorsqu’il a dysfonctionné et s’est dirigé en spirale vers la Terre. Heureusement, il s’est consumé de manière inoffensive dans l’atmosphère, comme cela était prévu.
Pour réduire les risques, le réacteur de la DARPA ne sera activé que lorsqu’il sera dans l’espace. « Si le réacteur n’a pas été activé, alors il ne s’agit essentiellement que d’une quantité d’uranium faiblement enrichi », explique Laurence Williams, spécialiste de la sûreté nucléaire à l’Imperial College de Londres. « Il n’a rien à voir avec la toxicité du plutonium, qui a été utilisé pour les centrales radiothermiques dans un certain nombre de missions spatiales ».
Par exemple, le rover Perseverance de la NASA, qui explore actuellement Mars, tire son électricité d’une source de plutonium-238. Selon Williams, une analyse de sécurité détaillée serait encore nécessaire avant tout lancement, afin d’examiner ce qui pourrait se produire si la fusée échouait au décollage ou explosait dans l’atmosphère.
Les États-Unis se concentrent de plus en plus sur l’expansion de leur capacité militaire dans l’espace après la création de l’US Space Force en 2019. Si le projet de la DARPA aboutit, nous pourrions bientôt voir toute une génération de vaisseaux spatiaux nucléaires en orbite terrestre et au-delà. La NASA s’intéresse depuis longtemps à la propulsion thermique nucléaire pour les missions vers Mars et au-delà, et dispose de son propre programme pour étudier cette technologie.