Le président américain a mis sa menace à exécution : les États-Unis se retirent officiellement de l’OMS. Cette annonce concrétisée le 6 juillet par une lettre signée de la main du secrétaire d’État, Mike Pompeo, entrera en vigueur d’ici un an (soit la durée du préavis fixée dans le « contrat » établi entre l’organisation internationale et les États-Unis).
Fin avril, Donald Trump avait vivement critiqué l’organisme pour sa gestion de la pandémie. Il avait alors temporairement coupé les financements accordés jusqu’alors à l’OMS, tout en lançant un ultimatum. Si « des améliorations notables » n’étaient pas constatées sous 30 jours, cette mesure temporaire deviendrait définitive. Il n’est visiblement pas satisfait de constater que la pandémie est toujours hors de contrôle dans son pays…
Une décision vivement critiquée… et dangereuse
La Fédération des scientifiques américains, ainsi que plusieurs républicains et démocrates du Congrès, ont vivement dénoncé cette décision. Joe Biden, le candidat démocrate aux prochaines élections, a déclaré que s’il était élu le 3 novembre, il l’annulerait aussitôt, bien avant qu’elle ne prenne effet : « Les Américains sont plus en sécurité quand l’Amérique s’engage pour renforcer la santé mondiale. Le premier jour de ma présidence, je rejoindrai l’OMS et réaffirmerai notre leadership mondial », a-t-il affirmé.
Elizabeth Cousens, présidente de la Fondation des Nations Unies (une organisation privée qui promeut les intérêts des Nations Unies), a qualifié cette décision d’« inutile » et « sans aucun doute dangereuse ». Selon elle, l’OMS est le seul organisme capable de diriger et de coordonner la riposte mondiale face à la pandémie. Elle ajoute que cette décision ne fera que saper l’effort mondial pour vaincre le virus, mettant par la même occasion tout le monde en danger.
Bob Menendez, sénateur du New Jersey et membre démocrate de la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, réagit sur Twitter : « Qualifier la réponse de Trump à la COVID-19 de chaotique et d’incohérente ne lui rend pas justice. Cela ne protégera pas la vie ou les intérêts des Américains – cela laisse les Américains malades et l’Amérique seule ».
À ce jour, les États-Unis comptent plus de 3 millions de cas confirmés de SARS-CoV-2 et plus de 134’000 décès liés à la COVID-19 ; avec 60’000 nouveaux cas en 24 heures, le 7 juillet, c’est le pays le plus touché au monde. Outre-Atlantique, comme ailleurs, la pandémie est loin d’être terminée. Dans ce contexte, un organisme tel que l’OMS doit pouvoir disposer de tout le soutien et de toutes les ressources possibles pour accomplir au mieux sa tâche. « L’épidémie s’accélère et nous n’avons pas atteint le pic de la pandémie », c’est ce que déclarait l’organisation internationale le 7 juillet.
Jusqu’alors, les États-Unis contribuaient à hauteur de 15% du budget de cette institution, soit 400 millions de dollars par an. Ces fonds seront a priori reversés à « d’autres besoins de santé publique urgents et mondiaux qui le méritent », selon les déclarations du président américain à la presse.
Des conséquences à l’échelle mondiale
Trump avait critiqué l’OMS pour avoir tardé à réagir face au nouveau coronavirus et pour s’être montrée trop indulgente avec la Chine depuis le début de la pandémie. Le retrait de son plus gros donateur va obliger l’OMS à revoir complètement son modèle de financement ; certains pays vont notamment devoir avancer le paiement de leur contribution. D’autres, comme la Chine, ont augmenté leur apport. L’institution envisage par ailleurs de faire appel à des investisseurs privés…
Certains en profitent pour souligner que le budget annuel de l’OMS est à revoir : moins de 5 milliards de dollars par an ! Une somme qui paraît dérisoire face à l’ampleur de la tâche : coordonner des campagnes de vaccination au niveau mondial, établir des protocoles sanitaires, éradiquer des maladies, etc.
À savoir que chaque pays donateur se réserve le droit de soutenir les projets qui lui tiennent à cœur. Ainsi, depuis 1998, les fonds américains servaient en grande partie à financer la campagne de vaccination destinée à éradiquer la poliomyélite (pour laquelle il n’existe pas de traitement). Alors que cette maladie était sur le point de disparaître complètement (il ne restait qu’une trentaine de cas déclarés l’année dernière), il se pourrait que le manque de budget entraîne l’émergence de nouveaux cas… effaçant par la même occasion ces trente dernières années de lutte contre la maladie !
Fort heureusement, la fondation Bill et Melinda Gates – deuxième plus gros soutien financier de l’OMS – œuvre également dans la lutte contre la poliomyélite. Les États-Unis ont par ailleurs déclaré qu’ils continueraient de soutenir financièrement d’autres organismes engagés dans la vaccination mondiale, tels que la GAVI (l’Alliance Globale pour les Vaccins et l’Immunisation).
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Les Américains seront finalement les premiers à subir les conséquences de cette décision. Face à l’urgence de la crise sanitaire, une partie des fonds alloués au programme de lutte contre la poliomyélite – comme beaucoup d’autres – avait en effet été redirigée vers la prise en charge du coronavirus. Or, le pays est le plus impacté par le virus à ce jour. Et si les premiers foyers épidémiques semblent à présent maîtrisés, notamment à New York, le pays connaît actuellement une flambée d’infections dans le sud et l’ouest du pays.
Jair Bolsonaro, qui a récemment annoncé être atteint de la COVID-19 – alors qu’il minimisait complètement la maladie et respectait peu, voire pas, les mesures barrières – pourrait bien imiter la première puissance mondiale. Depuis le début de la pandémie, le président brésilien tient en effet des propos similaires à ceux de Donald Trump, et il n’est pas impossible que la décision des États-Unis remette en question la relation qui lie le Brésil à l’OMS…