Quelques heures à peine après la cérémonie d’investiture, Joe Biden a signé ses premiers décrets présidentiels, afin de rompre sans attendre avec « l’ère Trump ». L’objectif ? Faire face aux crises sanitaires, économiques, climatiques, et remédier aux inégalités raciales, a précisé sa porte-parole Jen Psaki. Parmi les dix-sept textes officiels signés par le nouveau président : le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat (qu’ils avaient officiellement quitté le 4 novembre dernier).
Joe Biden et sa vice-présidente, Kamala Harris, sont officiellement entrés en fonction ce mercredi 20 janvier. La plupart des décrets signés dès le premier jour visent à annuler les décisions prises par Donald Trump ; trois d’entre eux sont liés à l’urgence sanitaire, tandis que les États-Unis enregistrent au total plus de 405’000 décès — soit « plus que le nombre de soldats américains morts lors de la Seconde Guerre mondiale », soulignent aujourd’hui les médias du monde entier.
Sous l’ancienne administration, plusieurs décisions critiques liées au climat et à la pandémie avaient été prises sans aucun fondement scientifique. Le président démocrate vient corriger la donne. Les États-Unis — qui sont depuis longtemps le contributeur financier majeur de l’organisation — ne quitteront pas l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; bien au contraire, Biden souhaite que son pays soit un leader actif au sein de l’organisation.
Des mesures pour la santé
Première décision importante prise par le 46e président américain : le retour des États-Unis au sein de l’OMS. Rappelons que Donald Trump avait lancé une procédure de retrait et suspendu le financement de l’organisation au mois de juillet, arguant qu’elle avait réagi trop tardivement et de façon inefficace face à la pandémie ; l’annonce avait à l’époque provoqué un tollé parmi la communauté scientifique américaine. Sans l’intervention de Biden, cette procédure aurait été effective en juillet 2021.
Des opposants avaient même suggéré qu’en réalité, Trump utilisait l’OMS comme bouc émissaire de manière à détourner l’attention de son propre manque de réactivité. Pour rappel, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) avaient émis leurs premiers avertissements le 6 janvier ; un groupe de travail ne s’était réuni que trois semaines plus tard. Puis, l’administration Trump a finalement commencé à publier sa première directive de distanciation sociale le 16 mars, soit plus de deux semaines après le premier décès de COVID-19.
Joe Biden a par ailleurs lancé un « 100 Days Masking Challenge », en signant un décret pour imposer le port du masque et le respect des distances sociales dans l’ensemble des bâtiments fédéraux et les entreprises au service de l’État. En outre, il remettra sur pieds la « Direction de la sécurité sanitaire mondiale et de la biodéfense », un service créé en 2015 sous l’administration Obama pour faire face aux pandémies émergentes à travers le monde… dissous par Trump en 2018 (selon une enquête Reuters, certains membres de cette unité avaient toutefois été réaffectés à d’autres postes qui incluaient la réponse à la pandémie). Le président a également nommé un nouveau coordinateur de la stratégie de lutte contre la pandémie : Jeff Zients. Ce dernier devra notamment informer la Maison-Blanche « de la production, de l’approvisionnement et de la distribution des vaccins, des tests et des équipements de protection ».
Enfin, pour limiter les impacts sociaux liés à la pandémie, Biden a étendu le moratoire sur les expulsions de logement et prolongé la suspension des remboursements de prêts étudiants fédéraux.
Des mesures pour la planète
La lutte contre le réchauffement climatique constitue l’une des priorités du mandat du nouveau président. Dès son entrée en fonction, il a ainsi expressément demandé à l’Organisation des Nations unies à ce que son pays puisse à nouveau rejoindre l’accord de Paris ; le décret entrera en vigueur dans 30 jours. Le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a salué cette mesure, tout en appelant Joe Biden à fixer de nouveaux objectifs climatiques « ambitieux » pour les États-Unis. Pour rappel, l’accord de Paris vise à maintenir, d’ici 2100, la hausse des températures mondiales à 2°C maximum par rapport aux niveaux préindustriels.
John Kerry, ancien secrétaire d’État sous Obama et aujourd’hui nommé « émissaire spécial pour le climat », a estimé que le retour des États-Unis dans cet accord « restaurait la crédibilité de l’Amérique », mais n’était qu’un point de départ. « C’est l’heure de se mettre au travail », a-t-il ajouté dans un tweet. Biden a également nommé Gina McCarthy comme première conseillère de la Maison-Blanche pour le climat. Spécialisée en santé environnementale et en qualité de l’air, elle a également occupé le poste d’administratrice de l’Agence américaine de protection de l’environnement pendant quatre ans.
La nouvelle équipe prévoit de prendre rapidement de nombreuses décisions en faveur de la protection environnementale. Elle envisage notamment de révoquer plus d’une centaine de permis signés au cours du mandat de Trump, qui avaient donné son feu vert au développement de plusieurs infrastructures (pétrolières et gazières) en dépit de leur impact sur la faune locale. Pour commencer, Biden a bloqué le projet — très controversé — d’oléoduc Keystone XL, entre le Canada et les États-Unis. Les opposants au projet y voient un risque de pollution des sols et de l’eau en cas de fuite d’hydrocarbures, ainsi qu’une contribution supplémentaire au réchauffement climatique. À noter que Barack Obama s’y était déjà opposé lors de son mandat, mais Donald Trump était revenu sur sa décision, en faisant de la relance du projet un acte symbolique de sa présidence.
Dans la foulée, le nouveau président a annoncé son intention d’arrêter tout aménagement du territoire dans la zone des Bears Ears et du Grand Staircase-Escalante, deux sites du parc national de l’Utah, ainsi qu’au niveau des Northeast Canyons and Seamounts Marine en Nouvelle-Angleterre — tous désignés comme « monuments nationaux » par Barack Obama. Biden prévoit également d’imposer un moratoire sur les baux pétroliers et gaziers dans l’Arctique National Wildlife Refuge, une zone protégée située au nord-est de l’Alaska. Enfin, un autre décret va mettre fin à la construction du mur frontalier, partiellement construit entre les États-Unis et le Mexique, qui constituait une menace pour la faune locale (notamment un sanctuaire de papillons situé au Texas), et détruisait les cimetières sacrés des Autochtones.