Révélés pour la première fois par le radiotélescope australien ASKAP en 2019, les ORC — pour « Odd Radio Circles » (littéralement « étranges cercles radio ») — sont rapidement devenus des objets de fascination. Les théories sur leur origine vont des ondes de choc galactiques aux « gorges » des trous de ver (le point le plus étroit d’un tunnel reliant deux régions distinctes de l’espace-temps). Récemment, une équipe internationale d’astronomes, utilisant les radiotélescopes les plus performants du monde, a obtenu une nouvelle image détaillée fournissant des informations supplémentaires aidant à affiner les théories.
L’histoire de ces nouveaux objets célestes mystérieux commence en septembre 2019. Alors qu’ils examinaient de nouvelles données transmises par les 36 antennes qui composent le réseau de radiotélescopes situé en Australie occidentale ASKAP (Australian Square Kilometre Array Pathfinder), des astronomes découvrent des formes étranges dans le ciel, qui ne ressemblent à aucun objet connu. L’un de ces objets apparaissait comme « un cercle fantomatique d’émissions radio, qui semblait suspendu dans l’espace comme un cercle de fumée ».
Bien que l’équipe de Ray Norris du CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation) ait publié au début de l’année 2021 une étude complète sur l’observation de quatre de ces phénomènes inédits, abrégés ORC, ils demeurent une énigme. Norris déclarait à propos de ces découvertes : « Assez rapidement, nous avons réalisé que c’était vraiment quelque chose de très différent. C’est quelque chose d’assez nouveau ».
Depuis lors, les chercheurs ont pu trouver et décrire cinq ORC différents, tous issus de régions similaires de l’espace. Les étranges cercles radio mesurent environ un million d’années-lumière de diamètre. Ils sont donc plus grands que les plus grandes galaxies spirales. Sur les cinq ORC confirmés, les astronomes ont vu des galaxies au centre de trois d’entre eux, ce qui suggère que les cercles pourraient être formés par un processus galactique. Ce qui les rend d’autant plus intéressants, c’est qu’ils ne sont visibles que par les radiotélescopes.
Récemment, le professeur Norris et ses collègues ont utilisé le télescope MeerKAT, situé en Afrique du Sud, pour prendre l’image la plus nette à ce jour d’un ORC et tenter ainsi de découvrir l’origine des ces mystérieux objets. Leur découverte est publiée dans le Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Une nouvelle image détaillée et trois hypothèses
À ce jour, les astronomes estiment qu’il y a environ 1000 ORC dans l’espace. Étant donné qu’ils ne ressemblent à rien de connu, les spécialistes ont donc envisagé des phénomènes qui pourraient exister mais qui n’ont pas encore été observés.
Les observations de Norris et ses collègues se sont focalisées sur le tout premier ORC découvert. Les résultats ont aidé à déterminer la taille et la distance des ORC. Ces derniers mesurent environ un million d’années-lumière de large, soit environ 16 fois plus grands que la Voie lactée. Curieusement, ils semblent se concentrer dans des galaxies avec des trous noirs supermassifs actifs dans le noyau, ce qui pourrait fournir des indices sur leur origine. Le professeur Norris explique dans un communiqué : « Nous savons que les ORC sont des anneaux d’émissions radio faibles entourant une galaxie avec un trou noir très actif en son centre, mais nous ne savons pas encore ce qui les cause, ni pourquoi ils sont si rares ».
De plus, ces ORC présentent une structure complexe contenant plusieurs cercles intérieurs. Les images, obtenues lors de l’étude, ont permis à l’équipe de produire des cartes de la polarisation du rayonnement et de l’indice spectral. Cette image de polarisation montre un champ magnétique courant le long du bord de la sphère. Cela suggère qu’une explosion dans la galaxie centrale a provoqué la collision d’un souffle chaud avec le gaz ténu à l’extérieur de la galaxie. L’onde de choc résultante a ensuite excité les électrons dans le gaz, les faisant tourner autour du champ magnétique, générant des ondes radio. Norris précise : « Une grande surprise du résultat MeerKAT est que dans l’anneau, nous voyons plusieurs filaments courbes d’émission radio. Nous ne savons toujours pas ce que c’est ».
Néanmoins, les chercheurs pensent que la sphère est si énorme qu’elle a englouti d’autres galaxies lors de l’explosion au sein de la galaxie centrale. Les filaments observés seraient alors des traînées de gaz arrachées aux galaxies par l’onde de choc de passage.
En raison de ces observations, ils ont retenu trois principales hypothèses quant à l’origine de ces ORC. 1) Ils pourraient être les vestiges d’une énorme explosion au centre de leur galaxie hôte, comme la fusion de deux trous noirs supermassifs ; 2) il peut s’agir de puissants jets de particules énergétiques s’échappant du centre de la galaxie ; 3) finalement, ils pourraient provenir de l’énergie résiduelle des rafales de formation d’étoiles.
Identifier l’origine des ORC par la coopération internationale
Le professeur Elaine Sadler, scientifique en chef de l’installation nationale du télescope australien du CSIRO, qui comprend ASKAP, a déclaré que pour l’instant, ASKAP et MeerKAT travaillent ensemble pour trouver et décrire ces objets rapidement et efficacement. D’ailleurs, elle précise : « Presque tous les projets d’astronomie sont améliorés par la collaboration internationale – à la fois avec les équipes de personnes impliquées et la technologie disponible. ASKAP et MeerKAT sont tous deux précurseurs du projet international SKA. Notre compréhension en développement des étranges cercles radio est rendue possible par ces télescopes complémentaires travaillant ensemble ».
Pour vraiment comprendre ces étranges cercles radio, les scientifiques devront avoir accès à des radiotélescopes encore plus sensibles, tels que ceux du futur observatoire SKA (Square Kilometre Array). Il s’agit d’un projet planétaire qui sera déployé par une Organisation Inter-Gouvernementale, en cours d’élaboration, dont le siège sera hébergé par l’Observatoire radio de Jodrell Bank au Royaume-Uni, au sud de Manchester. Il est soutenu par plus d’une douzaine de pays, dont le Royaume-Uni, l’Australie, l’Afrique du Sud, la France, le Canada, la Chine et l’Inde.
En termes simples, le SKA est un réseau d’antennes avec une surface collectrice totale d’un kilomètre carré. Lorsqu’il sera opérationnel en 2027, il sera le plus grand radiotélescope au monde. Il consiste en deux infrastructures sur une gamme d’ondes radio inégalée. En Afrique du Sud, un instrument de moyenne fréquence sera composé de 197 paraboles. Un second en basse fréquence sera constitué de 131 000 antennes, situé en Australie.
Le professeur Norris conclue : « Il ne fait aucun doute que les télescopes SKA, une fois construits, trouveront beaucoup plus d’ORC et pourront nous en dire plus sur le cycle de vie des galaxies. Jusqu’à ce que le SKA devienne opérationnel, ASKAP et MeerKAT sont sur le point de révolutionner notre compréhension de l’Univers plus rapidement que jamais ». L’énigme des ORC n’est donc toujours pas résolue et l’Univers est loin d’avoir dévoilé tous ses mystères.