Un étrange sursaut radio rapide interpelle les astronomes

détection sursaut radio FRB répétitif
Vue d’artiste d’un magnétar émettant des ondes radio. | B. Saxton NRAO/AUI/NSF
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Une équipe d’astronomes a identifié un nouveau sursaut radio rapide, très actif et répétitif, provenant d’une source compacte, qui continue d’émettre plus faiblement entre chaque rafale. La découverte de ce sursaut, nommé FRB 190520, soulève de nouvelles interrogations quant à la nature de ces objets.

Les sursauts radio rapides (ou FRB pour fast radio bursts) sont des sursauts d’ondes radio d’une durée de quelques millisecondes ; certains se répètent à intervalles réguliers ou de manière aléatoire. Leur origine physique est encore inconnue, mais la piste des magnétars — des étoiles à neutrons dotées d’un intense champ magnétique — est aujourd’hui privilégiée. L’objet FRB 190520 a produit une rafale d’ondes radio le 20 mai 2019, enregistrée par le radiotélescope sphérique de cinq cents mètres d’ouverture (FAST), situé au sud-ouest de la Chine.

Des observations de suivi, réalisées avec le Very Large Array (VLA), ont montré que cette source émettait des rafales fréquentes et répétées d’ondes radio, entre lesquelles des émissions — bien que plus faibles — se produisent en permanence. Entre avril 2020 et septembre 2020, 75 rafales ont été détectées en 18,5 heures d’observation. Les données ont par ailleurs permis d’identifier l’emplacement de la source : elle se trouve à la périphérie d’une galaxie naine, à près de 3 milliards d’années-lumière de la Terre.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Deux sursauts rapides différents de tous les autres

Ce n’est que la deuxième fois que les experts font face à un tel FRB. Le premier du genre, le FRB 121102, a été découvert en 2014, via l’analyse des données collectées par l’observatoire d’Arecibo, qui avaient capté ces signaux en novembre 2012. La répétition de FRB 121102 avait permis, pour la première fois, de localiser précisément sa source grâce au VLA (une galaxie naine située à 3 milliards d’années-lumière).

image optique FRB répétitif
Image du FRB 190520 (en rouge) enregistrée par le Very Large Array, combinée à une image optique, lorsqu’une rafale d’ondes radio était en train de se produire. © C.-H. Niu et al./NRAO/AUI/NSF.

Les deux sursauts affichent plusieurs similitudes, notamment le fait que des émissions provenant d’une région compacte persistent entre deux rafales. « Nous pensons que les sursauts et la source continue sont susceptibles d’être soit le même objet, soit d’être d’une certaine manière physiquement associés l’un à l’autre », avait déclaré en 2017 Benito Marcote, astronome du Joint Institute for VLBI ERIC, au sujet du sursaut FRB 121102.

Les différences entre FRB 190520 et FRB 121102 et tous les autres sursauts connus soutiennent une hypothèse suggérée précédemment, selon laquelle il existerait deux types différents de FRB. « Ceux qui se répètent sont-ils différents de ceux qui ne le font pas ? Qu’en est-il de l’émission radio persistante – est-elle commune ? », s’interroge Kshitij Aggarwal, du Département de physique et d’astronomie de l’Université de Virginie occidentale, co-auteur de l’article décrivant le FRB 190520.

Pour expliquer cette distinction, les astronomes pensent que les FRB sont peut-être produits par deux mécanismes différents, ou encore que les objets qui émettent ces sursauts se comportent différemment selon le stade de leur évolution.

Le tout premier FRB a été découvert en 2007 (par Duncan Lorimer et David Narkevic), mais les scientifiques ne savent toujours pas avec certitude quel phénomène est à l’origine de ces signaux. Ils pourraient être produits par des étoiles à neutrons — issues de l’explosion d’une étoile massive en supernova — ou bien par des magnétars.

Des mesures cosmiques remises en question

Les sursauts radio rapides sont utilisés aujourd’hui pour sonder la teneur en baryons ionisés du milieu intergalactique. En effet, pour mieux caractériser cette matière intermédiaire, les astronomes analysent ses effets sur les ondes radio émises par des objets distants. En particulier, lorsque les ondes radio traversent un espace contenant des électrons libres, les ondes à haute fréquence se déplacent plus rapidement que les ondes à basse fréquence.

Ce phénomène, que les scientifiques appellent « dispersion », permet de déterminer la densité d’électrons dans l’espace séparant l’objet source et la Terre. De même, si cette densité électronique peut être estimée au préalable, les spécialistes peuvent en déduire la distance approximative de l’objet — la méthode est souvent utilisée pour estimer la distance des pulsars.

Toutefois, une caractéristique du FRB 190520 remet en question cette approche. En effet, le degré de dispersion de ce signal indique que sa source se trouve à une distance d’environ 8 à 9,5 milliards d’années-lumière. Mais une mesure indépendante, basée sur le décalage de la lumière de la galaxie dû à l’expansion de l’Univers, situe la source à environ 3 milliards d’années-lumière seulement. « Cela signifie qu’il y a beaucoup de matière à proximité du FRB, ce qui brouillerait toute tentative de l’utiliser pour mesurer le gaz entre les galaxies », a déclaré Aggarwal. Ainsi, les FRB ne constituent finalement peut-être pas de bons « repères cosmiques ».

Les astronomes ont émis une hypothèse pouvant expliquer cette différence de mesure de distance : le FRB 190520 pourrait être un « nouveau-né », encore entouré de matière provenant de la supernova qui a créé l’étoile à neutrons probablement à l’origine du signal. Ainsi, lorsque cette matière finira par se dissiper dans l’espace, la dispersion des signaux devrait diminuer. Sur la base de cette hypothèse, l’équipe pense que la répétition des rafales d’ondes radio pourrait finalement être une caractéristique des « jeunes » FRB — auquel cas, leur fréquence diminuerait avec l’âge.

Plusieurs dizaines de FRB sont connus aujourd’hui, mais de nombreuses questions demeurent encore sans réponse sur leur origine et leurs propriétés. La découverte de ce nouveau FRB répétitif permettra d’explorer de nouvelles pistes.

Source : C.-H. Niu et al., Nature

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