La pratique d’une activité physique régulière est reconnue bénéfique pour notre santé. Mais des données solides manquaient encore pour les personnes âgées. Selon une nouvelle étude italienne, commencer le sport dès le début de la vieillesse (70 ans) réduirait de moitié le risque de développer une maladie cardiovasculaire, dont l’arrêt cardiaque, 10 ans plus tard. Ces résultats démontrent donc que commencer une activité physique est fortement bénéfique à tout âge.
Les maladies cardiovasculaires entraînent 17,9 millions de décès chaque année dans le monde, les risques augmentant avec l’âge et la sédentarité. Le vieillissement de la population impose de mieux comprendre l’impact que peut avoir l’exercice en fin de vie sur l’état de santé des personnes âgées pour les politiques de santé publique.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de pratiquer au moins 20 minutes de sport par jour, quels que soient le sexe et l’origine ethnique, les avantages s’accumulant en tandem avec l’effort déployé. Les preuves dans la littérature suggèrent un effet significatif de l’activité physique sur l’amélioration de la santé des hommes et des femmes, mais il y a des limites aux conclusions qui peuvent être tirées de ces études. En l’occurrence, elles ne ciblent pas spécifiquement les personnes âgées et ne prennent pas en compte les trajectoires d’activité physique, c’est-à-dire si le rythme des séances augmente ou diminue.
Malgré ces lacunes et des résultats contrastés, il semblerait qu’une réduction des risques cardiovasculaires soit liée à l’augmentation des niveaux d’activité physique de la quarantaine au début de la vieillesse.
« Mieux vaut tard que jamais »
C’est ce constat qui est à l’origine de la recherche publiée dans la revue Heart. Les scientifiques italiens de l’Université de Palova, dirigés par Barbiellini Amidei, ont évalué si la persistance d’un mode de vie actif dans le temps, et l’augmentation ou la diminution des niveaux de cette activité (les trajectoires) étaient associées à un risque réduit de maladies cardiovasculaires (dont l’insuffisance cardiaque et l’accident vasculaire cérébral).
Ils se sont appuyés sur l’étude « Progetto Veneto Anziani » (Pro VA) qui a testé, sur 20 ans, une cohorte de 3099 Italiens âgés de 65 ans ou plus (âge moyen 75,1 ± 7 ans), avec une première évaluation en 1995-1997 compilant les antécédents médicaux détaillés des participants, un examen physique, des scanners et des tests sanguins. Des visites de suivi, à 4 et 7 ans, ont été assurées avec de nouvelles évaluations et une surveillance étendue jusqu’en 2018. Les patients ont rempli des formulaires sur leurs niveaux d’activité physique, en fonction des différents efforts pratiqués. Pendant la recherche, 1037 volontaires ont souffert d’une maladie cardiaque, d’un infarctus ou d’un AVC.
L’une des observations de l’équipe va dans le sens de la littérature déjà existante, à savoir qu’une augmentation des niveaux d’activité physique ainsi que le maintien d’un mode de vie actif au fil du temps étaient associés à des risques plus faibles de maladies cardiovasculaires et de décès chez les hommes et les femmes. Des niveaux d’activité physique plus élevés (entre 20 et 40 min par jour) sont notamment associés à un risque de mortalité significativement plus faible (52%) chez les hommes par rapport à ceux ayant des niveaux d’activité plus bas. À noter que les risques ont été modérément réduits avec des trajectoires d’activités plus longues chez les femmes.
La plus forte réduction du risque a été observée pour les nouveaux cas de maladie coronarienne et d’insuffisance cardiaque à un âge avancé, c’est-à-dire pour les individus sans antécédent cardiovasculaire. Étonnamment, aucune association significative entre l’activité physique et l’AVC n’a été observée. Au contraire, malgré le fait que l’AVC partage de nombreux facteurs de risque avec les maladies cardiovasculaires, un mode de vie actif chez les personnes âgées pourrait augmenter le risque de certains types d’AVC. Ce qui serait le cas pour les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques résultant de traumatismes vasculaires.
Ce qui surprend dans cette étude est que la réduction du risque de toutes pathologies cardiovasculaires, liée à une activité physique minimale de 20 min par jour, était la plus marquée à 70 ans, seulement modérément réduite à 75 ans, et inchangée de 80 à 85 ans. Ces résultats suggèrent que l’amélioration de l’activité physique, précocement dans la vieillesse, pourrait avoir le plus d’impact.
Les auteurs insistent sur le fait que la pratique du sport est essentielle, peu importe l’âge : « le mouvement est un médicament également à la fin de la vie. Même une petite quantité peut avoir des effets bénéfiques chez les personnes âgées, mais si elle est entreprise le plus tôt possible ».
Le flux sanguin en jeu
La recherche de C. Barbiellini Amidei est une étude d’observation et, en tant que telle, ne peut pas établir de cause. Les niveaux d’activité physique ont été évalués de manière subjective. De plus, aucune donnée n’était disponible sur les niveaux d’activité physique précédant l’étude « Pro VA », qui auraient pu influencer les profils de risque cardiovasculaire en fin de vie.
Néanmoins, les mécanismes sous-jacents aux effets bénéfiques de l’activité physique sur la santé cardiovasculaire peuvent être attribués à des modifications biologiques. Dans un éditorial lié, les Dr Enrico Fabris et Gianfranco Sinagra de l’Université de Trieste, en Italie, expliquent que « l’activité physique aide à améliorer le flux sanguin artériel et peut réduire sa viscosité et donc la formation de caillots sanguins ». L’effet favorable de l’activité physique peut donc s’expliquer simplement par sa capacité à ralentir le processus d’athérosclérose par un meilleur contrôle de la pression artérielle, de la glycémie et du profil lipidique. Ces modifications sont susceptibles d’être plus efficaces lorsque les personnes ont pratiqué régulièrement une activité physique bien avant la vieillesse.
Une précédente étude a d’ailleurs cerné le mécanisme exact permettant une amélioration métabolique induite par le sport, notamment contre le diabète de type 2. Il mettrait en jeu une enzyme spécifique, produite lors de l’exercice physique, qui empêcherait le développement de l’insulinorésistance.
Une activité physique à promouvoir dans tous les contextes
Pour être considéré comme « actif », il faut pratiquer un minimum de 20 minutes d’effort physique par jour, que ce soit un effort modéré ou intense. On parle d’activité modérée par exemple pour la marche, le jardinage, les tâches ménagères ou encore la pêche, tandis que l’effort intense concerne des activités telles que la course à pied, le vélo, la danse, la natation, etc.
Les principales raisons de l’inactivité des personnes âgées résultent des douleurs articulaires et des comorbidités. Il est donc essentiel d’adopter un mode de vie physiquement actif avant la vieillesse afin de réduire le risque de déclin moteur lié à l’âge, comme le précisent les auteurs.
De plus, l’activité physique doit être considérée dans sa globalité. Elle comprend certes des facteurs biologiques, mais aussi sociaux, psychologiques, environnementaux et probablement génétiques, la rendant plus ou moins difficile à mettre en place selon les personnes. Une compréhension plus fine de l’impact de ces facteurs pourrait contribuer à une meilleure planification des interventions de santé publique (prévention et promotion du sport). Elle pourrait alors induire un changement de comportement individuel et permettre de dépasser des barrières socio-économiques. L’utilisation des nouvelles technologies et des objets connectés pourrait y jouer un rôle en apportant des données plus affinées et objectives.
Cette étude révèle donc deux concepts importants : la persistance d’une vie active, ou un niveau croissant d’activité physique chez les personnes âgées peut améliorer le pronostic ; cet avantage potentiel est surtout évident lorsqu’un mode de vie actif est présent tôt dans la vie.