L’expansion de l’Univers pourrait affecter la croissance des trous noirs

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| NASA/CXC/A.Hobart
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Depuis la toute première observation d’une fusion de trous noirs, détectée par l’observatoire LIGO en 2015 grâce aux ondes gravitationnelles générées par l’événement, les astronomes ont souvent été surpris par la masse élevée de ces objets. Les récentes observations réalisées par la collaboration LIGO-Virgo ont révélé une grande diversité de masses de trous noirs : alors que les physiciens pensaient que la plupart avaient des masses inférieures à environ 40 fois celle du Soleil, certaines détections proviendraient d’objets faisant plus de 100 masses solaires. Cela est sans compter les trous noirs supermassifs, qui peuvent atteindre des millions voire des milliards de masses solaires. Ces chiffres ahurissants pourraient s’expliquer par le fait que ces objets se développent à mesure que l’Univers s’étend.

L’Univers s’étend à un rythme accéléré. Tous les objets qui le composent s’éloignent les uns des autres au fil du temps. Pour autant, il est admis que cette expansion n’affecte pas la taille de ces objets, du moins, pas celle des galaxies (la gravité qui lie les différents objets les uns aux autres maintient leur structure initiale). Une étude menée par des chercheurs américains suggère aujourd’hui qu’elle pourrait néanmoins affecter la taille des trous noirs. Cette hypothèse pourrait en effet expliquer le nombre important de trous noirs supermassifs observés dans l’Univers.

Plusieurs scénarios de formation ont été proposés pour expliquer l’existence de tels trous noirs, mais aucun n’a été en mesure d’expliquer toute la diversité des fusions de trous noirs observées jusqu’à présent. Cette nouvelle étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters est la première à montrer que les diverses masses de trous noirs peuvent résulter d’une seule voie : les trous noirs gagnent de la masse grâce à l’expansion de l’Univers elle-même.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Trous noirs et Univers seraient liés par couplage cosmologique

En général, pour simplifier les calculs (qui reposent sur les équations d’Einstein), les astronomes modélisent les trous noirs au sein d’un univers théorique qui ne peut pas s’étendre. « Il y a cependant un compromis : les prédictions peuvent n’être raisonnables que pendant une période limitée », précise Kevin Croker, professeur au Département de physique et d’astronomie de l’Université d’Hawaï. La simplification apparaît donc plutôt judicieuse dans ce cas, car les ondulations de l’espace-temps détectées par LIGO-Virgo ne durent généralement que quelques secondes.

Mais les fusions de trous noirs peuvent en réalité se dérouler à des échelles de temps démesurées, sur des milliards d’années. Or, pendant le laps de temps qui s’écoule entre la formation d’une paire de trous noirs et leur fusion éventuelle, l’Univers s’étend considérablement. Les trous noirs supermassifs ont des masses suffisamment énormes (un million de masses solaires ou plus, parfois jusqu’à des milliards) et des durées de vie suffisamment longues pour être affectés par cette expansion, affirment les chercheurs. Ce qui signifie que, contrairement à la Terre ou au Soleil ou à d’autres objets liés par la gravitation, les trous noirs pourraient se développer parallèlement à l’Univers. Croker et son équipe ont baptisé ce phénomène « le couplage cosmologique » — une théorie qui lie les propriétés d’une particule aux propriétés du cosmos.

La lumière elle-même (soit les photons) est couplée cosmologiquement à l’Univers : elle perd de l’énergie à mesure que l’Univers s’étend, car les longueurs d’onde s’allongent avec le temps. Les chercheurs ont alors envisagé qu’il se produise l’effet inverse : « Qu’observerait LIGO-Virgo si les trous noirs étaient cosmologiquement couplés et gagnaient de l’énergie sans avoir besoin de consommer d’autres étoiles ou du gaz ? », interroge Duncan Farrah, professeur de physique et d’astronomie à l’Université d’Hawaï et co-auteur de la recherche.

Pour tester cette hypothèse, l’équipe a simulé la naissance, la vie et la mort de millions de paires d’étoiles massives. Toutes les paires dont les deux étoiles sont devenues des trous noirs ont ensuite été associées à la taille de l’Univers, dès l’instant de leur mort. « Nous avons proposé que la masse de tout trou noir soit proportionnelle à la taille de l’Univers, élevée à un certain exposant. Cet exposant donne la ‘force’ du couplage », explique Croker à Gizmodo.

Un couplage aux propriétés encore indéterminées

Les scientifiques ont constaté qu’à mesure que l’Univers continuait de croître, la masse de ces trous noirs augmentait également alors qu’ils se rapprochaient les uns des autres, produisant des trous noirs encore plus massifs après leur fusion. Ils ont noté, en outre, que le nombre de fusions observées était incroyablement élevé. Et lorsqu’ils ont comparé les résultats de leurs simulations aux données de LIGO-Virgo, ils ont réalisé que les deux concordaient assez bien.

comparaison observations prédictions fusions trous noirs
Comparaison des observations de fusion de trous noirs avec les prédictions du nouveau modèle. L’axe horizontal indique la masse totale (par rapport au Soleil) des deux trous noirs ; l’axe vertical donne une mesure de la distance dans le passé où la fusion a été observée. Les observations LIGO-Virgo sont affichées sous forme de croix noires. Les prédictions pour les trous noirs dans un univers statique (non en expansion) sont affichées dans la région orange ; les prédictions de trous noirs couplés cosmologiquement dans un Univers en expansion sont affichées dans la région bleue. © K. Croker et al.

Selon les chercheurs, ce nouveau modèle est important, car il ne nécessite aucune modification de notre compréhension actuelle de la formation, de l’évolution ou de la mort des étoiles. La concordance entre ce modèle et les données actuelles provient de la simple reconnaissance du fait que les trous noirs réalistes n’existent pas dans un univers statique.

L’équipe souligne toutefois que le mystère des trous noirs massifs détectés par LIGO-Virgo est loin d’être résolu pour autant ; de nombreux aspects de la fusion de trous noirs restent à expliciter. « Nous pouvons voir que le couplage cosmologique est une idée utile, mais nous ne pouvons pas encore mesurer la force de ce couplage », souligne Michael Zevin, astrophysicien à l’Université de Chicago et co-auteur de l’étude. Kurtis Nishimura, professeur de physique et d’astronomie à l’Université d’Hawaï et co-auteur également, reste optimiste : « Alors que les observatoires d’ondes gravitationnelles continueront d’améliorer leur sensibilité au cours de la prochaine décennie, la quantité et la qualité accrues des données permettront de nouvelles techniques d’analyse. Cela sera mesuré bien assez tôt », a-t-il déclaré.

Sources : The Astrophysical Journal Letters, K. Croker et al. et University of Hawaï

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