L’orientation professionnelle et le choix de carrière peuvent différer pour chaque personne, selon de nombreux facteurs. Sous l’influence de ces différents facteurs, l’on observe souvent des inégalités entre les sexes, où les hommes choisissent plus (ou sont davantage choisis) que les femmes pour telle ou telle profession. Cependant, la mesure de ces tendances au niveau mondial est complexe, compte tenu des grandes différences culturelles et de revenus par habitant. Mais une nouvelle étude internationale révèle que les femmes auraient tendance à préférer les emplois axés sur l’interaction sociale, les idées et le prestige, plus que les hommes. Toutefois, ces données sont encore assez limitées dans la mesure où elles ne concernent que 42 pays, avec des participants généralement issus de milieux aisés.
Nombre de pays dans le monde sont encore régis par des mœurs sociales et des lois à forte tendance patriarcale, plaçant les femmes toujours en dessous des hommes dans de nombreux domaines. Malgré les efforts visant à réduire ces inégalités, les différences de considération sont parfois ancrées si profondément dans les mentalités que l’émancipation des femmes n’évolue que très lentement à travers le monde.
Pourtant, des études ont montré qu’en matière de chiffres, les femmes auraient de meilleurs résultats scolaires que les hommes, et en toute logique devraient évoluer vers de meilleures orientations de carrière en grandissant. Or, c’est encore loin d’être le cas, car seuls 43% des emplois de cadres et de professions intellectuelles supérieures sont occupés par des femmes en 2020 (en Europe). Bien que ce chiffre ait doublé depuis les années 80, l’on considère encore aujourd’hui que pour une femme, arriver à un poste prestigieux relève d’un exploit. De plus, le revenu des femmes est en moyenne inférieur de 22% à celui des hommes, et leur pension est inférieure malgré le fait qu’elles partent plus souvent plus tard à la retraite que les hommes.
La nouvelle étude, parue dans la revue Springer Link, montre que les femmes souhaitent davantage que les hommes obtenir un emploi axé dans le domaine social, tandis que les hommes choisiraient davantage des emplois où l’on utilise des machines ou des objets. Cette tendance serait probablement liée à la recherche d’un emploi qui « aide » ou qui défend une certaine idée ou une cause. D’un autre côté, les femmes préféreraient également les postes plus prestigieux, peut-être dans le but de s’émanciper.
Une étude datant des années 90 a notamment montré que les orientations professionnelles peuvent être classifiées selon trois catégories (baptisé « modèle sphérique ») : la première compare le fait de travailler avec des personnes (par exemple enseigner, aider, soigner, …) par rapport aux professions orientées « objets », « machines » et « outils ». La deuxième concerne le fait de travailler avec des idées (métiers créatifs) et avec des données (comptabilité, développement web, …). La troisième se concentre sur le prestige (le poste de PDG étant de haut prestige).
Ce modèle a permis d’effectuer de nombreuses études sur la parité homme/homme dans différents domaines professionnels. Paradoxalement, les différences les plus importantes (en matière de choix de carrière entre les hommes et les femmes) concerneraient les pays économiquement plus développés et où l’inégalité des sexes était moins importante.
Cependant, la plupart des études antérieures n’incluaient qu’un seul pays à la fois, des pays à haut revenu par habitant et des sociétés individualistes. La nouvelle étude, dirigée par une équipe de l’Université d’État d’Arizona (États-Unis), pourrait cette fois-ci fournir plus d’indices sur les facteurs d’influence de ces différences de choix de carrière entre les femmes et les hommes à travers le monde.
Des différences influencées par la culture
Dans le cadre de la nouvelle étude, les chercheurs ont analysé des données issues de sondages en ligne. 84 393 personnes de 193 pays différents ont répondu au sondage, mais seuls les pays comprenant plus de 30 participants hommes et femmes ont été retenus par les chercheurs, soit 42 pays incluant 75 908 réponses. Les scores des intérêts professionnels des participants ont été évalués selon le modèle sphérique. Les indices d’inégalité sexuelle pour chaque pays ont également été pris en compte, selon les différences culturelles.
Comme mentionné précédemment, les femmes ont montré plus d’intérêt envers les emplois à dimension sociale, mais l’ampleur de cette différence n’était pas la même d’un pays à l’autre, car elle était plus importante au Venezuela qu’en Géorgie par exemple. Les femmes préféraient également s’orienter vers des emplois axés sur des idées, sauf dans deux pays : les Philippines et la Pologne. Elles étaient également plus intéressées par le prestige, sauf dans huit pays : le Canada, le Chili, la France, la Grèce, la Malaisie, le Pakistan, la Corée du Sud et Singapour.
Ces résultats montrent que, dans les pays où l’inégalité des sexes est plus élevée, les femmes choisissent davantage des emplois dans le domaine social. Cependant, cette différence a tendance à être influencée davantage par la différence de culture. Plus précisément, la différence d’intérêt professionnel par rapport à l’orientation sociale semble plus importante dans les pays où « l’évitement de l’incertitude » est plus élevé.
Les cultures où l’indice d’évitement de l’incertitude est élevé sont en effet moins tolérantes aux changements, et ont tendance à éviter les situations à source d’anxiété, en instaurant des mœurs sociales et des lois rigides. Ces sociétés ont tendance à montrer beaucoup plus de différences de considération entre les genres, et accorderaient plus d’importance à l’ambition qu’à la construction de relations humaines. Par ailleurs, la différence des choix de carrière orientés vers les idées ou les données est plus importante dans les pays où l’évitement de l’incertitude est plus faible.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que cette étude reste relativement limitée dans le cadre international, dans la mesure où peu de personnes ont participé au sondage dans certains pays. De plus, les participants étaient généralement issus de milieux aisés et avaient accès à une meilleure éducation que la plupart des personnes dans leur pays respectif.