La Californie brûle. Et suite à ces incendies, il y a de plus en plus de réfugiés, obligés de fuir leurs foyers qui s’en retrouvent incinérés et détruits. Serait-on entrés dans le pyrocène ?
Premièrement, d’où vient le terme de pyrocène ? Nous pouvons nous demander par la même occasion, quand est-ce que commence l’Anthropocène ? Selon les auteurs que l’on sollicite, nous avons une multitude de choix et d’éléments déclencheurs quant à la nature des événements considérés comme marqueurs. Et le pyrocène dans tout ça ? Il faut savoir que l’Anthropocène historique peut être envisagé comme très précoce, par exemple avec la maîtrise du feu par notre espèce, une maîtrise qui aurait pu très vite (selon l’hypothèse développée par Stephen J. Pyne et secondairement par Andrew Y. Glickson et Colin Groves dans leurs ouvrages respectifs) permettre à notre espèce d’impacter fortement les biotopes.
Les indices montrent que les feux anthropiques affectent des milieux précis, tels les steppes karoo en Afrique du Sud, où les plantes survivantes en sont venues à avoir besoin du feu pour se reproduire… ce qui prouve qu’elles y sont exposées de façon cyclique depuis très longtemps.
De ce fait, il est intéressant (et important) de noter que les incendies qui ravagent la Terre à l’ère actuelle ne sont pas juste anodins. En effet, entre les mains des humains, ces combustions ont aussi des causes plus profondes : les sociétés modernes brûlent des paysages lithiques, une biomasse autrefois vivante, désormais fossilisée sous forme de charbon, de gaz et de pétrole, ce qui aggrave les incendies de ces paysages. Cette influence ne vient pas seulement du changement climatique (bien que ce soit clairement un facteur).
La transition vers une civilisation fondée sur les combustibles fossiles a également une incidence sur la manière dont les habitants des sociétés industrielles vivent sur les terres et sur le type de pratiques qu’ils adoptent en matière de feux.
Mais même sans le changement climatique, un grave problème d’incendie existerait à l’heure actuelle. Les agences foncières américaines ont réformé leurs politiques en vue de rétablir un bon comportement vis-à-vis des feux, il y a de cela 40 ou 50 ans, excepté quelques zones, cela n’a pas été réalisable à grande échelle.
Un incendie n’est pas le résultat d’un seul et unique facteur. En effet, les flammes synthétisent leur environnement : le feu est comme une voiture sans conducteur qui roule sur la route, en intégrant ce qui l’entoure. Parfois, il doit faire face à une courbe prononcée, plus communément appelée changement climatique. Parfois, c’est une intersection délicate où le paysage urbain et la campagne se rencontrent. Il arrive parfois que des accidents de la route (comme par exemple des coupes forestières, des herbes envahissantes ou des environnements post-brûlés), entraînent des accidents.
À l’heure actuelle, le changement climatique améliore les performances des incendies, il est effectivement propice aux feux. Et comme il s’agit d’un phénomène mondial, sa portée est absolument gigantesque : de zones d’incendie de plus en plus nombreuses, des extinctions de masse et autres effets néfastes. Cependant, le changement climatique ne suffit pas à lui seul à expliquer le fléau des incendies.
Il faut considérer le feu dans toutes ses manifestations : l’inflexion critique des temps modernes s’est produite lorsque les humains ont commencé à brûler de la biomasse fossilisée plutôt que vivante. Cela a déclenché une «transition pyrique » qui ressemble à la transition démographique qui accompagne l’industrialisation lorsque les populations humaines se développent d’abord, puis se réduisent.
Quelque chose de similaire se produit avec la population d’incendies, tandis que de nouvelles sources d’inflammation et de nouveaux carburants deviennent disponibles.
Finalement, alors que la substitution technologique (par exemple, le remplacement des bougies par des ampoules) et la suppression active réduisaient la présence de flammes nues, la population d’incendies est tombée au point où l’incendie ne pouvait plus effectuer le travail écologique requis. Entre temps, la société s’est réorganisée autour des combustibles fossiles, s’adaptant à la combustion des paysages lithiques et ignorant le feu latent des vivants.
Mais à présent, les sources surchargent les puis : il y a trop de biomasse fossile qui est brûlée pour être absorbée dans les limites écologiques anciennes. Les carburants dans le paysage vivant s’empilent et se réarrangent. Le climat est déréglé.
L’ère du Pyrocène ?
Au vu de ce qui se passe actuellement à travers le monde, nous pouvons facilement imaginer que la Terre entrera dans une véritable ère de feu comparable aux ères glaciaires du Pléistocène, avec l’équivalent pyrique des inlandsis (des glaciers de très grande étendue), des lacs pluviaux, des plaines d’épandage périglaciaires, des extinctions massives et des changements du niveau de la mer.
À l’heure actuelle, il reste difficile d’intégrer pleinement les pratiques de lutte contre le feu humain dans l’écologie traditionnelle. Mais les feux industriels, (contrairement aux feux sauvages), sont uniquement le produit de la manipulation humaine, et sont donc restés en dehors des limites de la science écologique.
Par exemple, dans les pays développés, la combustion industrielle organise l’agriculture, les environnements bâtis, les environnements périurbains et les réserves pour les espaces naturels (et tout cela est disponible pour le développement des incendies).
C’est en additionnant tous les effets directs et indirects, soit les zones en combustion, les zones à brûler (industrie), les impacts hors site, la perturbation de la vie humaine et de ses habitats que nous obtenons une véritable pyrogéographie qui ressemble étrangement à un âge de glace, mais avec du feu. D’où le nom de « pyrocène« .
Conclusion ?
Dans tous les cas, concernant les flammes qui ont éclaté en Californie, en Amazonie, en Angola, en Zambie, au Congo, à Bornéo et en Indonésie, sans parler des incendies inquiétants en Alaska, au Canada, en Sibérie et au Groenland : 2019 restera une année « bouillante », signifiant que nous sommes peut-être bien entrés dans l’ère du Pyrocène…
À présent, selon le CAMS (Copernicus Atmosphere Monitoring Service), au cours du premier semestre 2019, environ 3500 tonnes de dioxyde de carbone ont été produites (ce qui n’est pas forcément supérieur aux mesures de ces 16 dernières années). Par contre, l’augmentation se situe ailleurs : en effet, la différence se trouve dans les incendies ayant éclatés dans les régions arctiques, en particulier les flammes qui ont d’abord touché l’Alaska (soit 9700 kilomètres carrés de toundra et de forêt d’hiver), puis au Groenland, où le pergélisol a perdu de la consistance à cause des incendies.
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Contrairement aux incendies en Amazonie, ceux qui ont touché les régions arctiques sont dus à la hausse des températures qui assèchent les forêts et qui, par conséquent, provoquent plus fréquemment des incendies spontanés : dans ces régions, les chutes de neige sont de plus en plus sporadiques et les tempêtes plus fréquentes.
Tandis que les incendies qui ont ravagé l’Afrique, l’Amazonie, l’Indonésie et la Californie sont des feux saisonniers, ou causés par la déforestation et les pratiques agricoles humaines. Finalement, quant aux feux qui ont sévi en Arctique, ils sont totalement imprévisibles car ils sont une conséquence directe de la fragilité et de l’aridité croissante des sols, causés par le changement climatique.
Ces véritables « mégafeux» qui ravagent la planète sont donc une conséquence non négligeable des choix des sociétés modernes.