La fusion d’un trou noir et d’une étoile à neutrons observée pour la première fois

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| LIGO Laboratory
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Des chercheurs rapportent pour la première fois les preuves d’une fusion entre un trou noir et une étoile à neutrons, détectée au mois de janvier 2020. Ce phénomène cosmique rare a même été détecté deux fois de suite, à quelques jours d’intervalle seulement. Les deux événements ont généré des ondes gravitationnelles sur au moins 900 millions d’années-lumière, jusqu’à la Terre ; dans chaque cas, l’étoile à neutrons a été complètement absorbée par le trou noir.

Les ondes gravitationnelles générées par les deux collisions ont été détectées grâce au Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO) de la National Science Foundation, aux États-Unis, et par le détecteur Virgo situé en Italie. La première fusion (baptisée GW200105), détectée le 5 janvier 2020, impliquait un trou noir d’environ 9 masses solaires et une étoile à neutrons de 1,9 masse solaire ; le second événement (GW200115) a été détecté le 15 janvier et impliquait un trou noir de près de 6 masses solaires et une étoile à neutrons de 1,5 masse solaire.

Les ondes gravitationnelles — observées pour la première fois en 2015 par le LIGO — sont des oscillations de la courbure de l’espace-temps, générées par des objets massifs en mouvement. Depuis que leur existence est avérée, les chercheurs ont repéré grâce à ces ondes des dizaines de fusions de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons. La coalescence d’un trou noir et d’une étoile à neutrons n’avait en revanche jamais été observée jusqu’à présent.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Deux fusions à dix jours d’intervalle

Le premier des deux événements, GW200105, a produit un signal particulièrement fort dans le détecteur de Livingston du LIGO (celui de Hanford était temporairement inactif), mais affichait un faible rapport signal/bruit dans le détecteur Virgo. « Même si nous voyons un signal fort dans un seul détecteur, nous concluons qu’il est réel […] Il passe tous nos contrôles de qualité rigoureux », explique Harald Pfeiffer, chef de groupe du département de relativité astrophysique et cosmologique de l’Institut Max Planck de physique gravitationnelle (AEI) à Potsdam, en Allemagne.

Cette fusion a eu lieu à 900 millions d’années-lumière, mais parce que le signal n’était fort que dans un seul détecteur, l’emplacement exact de cette rencontre reste incertain, se situant quelque part dans une zone d’environ 34 000 fois la taille d’une pleine lune. L’équipe a néanmoins déduit que le signal était causé par un trou noir entrant en collision avec un objet compact de 1,9 masse solaire environ — qui sera identifié plus tard comme étant une étoile à neutrons, avec quasi certitude : « Bien que les ondes gravitationnelles ne révèlent pas à elles seules la structure de l’objet plus léger, nous pouvons en déduire sa masse maximale. En combinant ces informations avec les prédictions théoriques des masses d’étoiles à neutrons attendues dans un tel système binaire, nous concluons qu’une étoile à neutrons est l’explication la plus probable », explique Bhooshan Gadre, chercheur postdoctoral à l’AEI.

Le deuxième événement, GW200115, a été repéré dix jours plus tard par les deux détecteurs du LIGO et le détecteur Virgo. Il résulte lui aussi de la fusion d’un trou noir et d’une étoile à neutrons (d’environ 1,5 masse solaire), qui s’est déroulée à un milliard d’années-lumière de la Terre. Grâce aux données issues des trois instruments, la localisation de l’événement s’est faite (un peu) plus précise — même si la zone correspond à près de 3000 fois la taille d’une pleine lune !

Un phénomène qui pourrait se produire chaque mois

Sitôt les ondes gravitationnelles détectées, les scientifiques ont tenté de repérer les ondes électromagnétiques associées aux deux événements, mais leurs recherches n’ont rien donné. Et pour cause : non seulement les deux fusions se sont déroulées extrêmement loin de la Terre — rendant impossible la détection de la moindre lumière émise, même avec les télescopes les plus puissants — mais les trous noirs étaient beaucoup plus massifs que les étoiles à neutrons, suggérant que ces dernières ont été englouties entièrement et rapidement ; la fusion n’a donc sans doute émis aucun éclat lumineux particulier (ce qui aurait pu se produire, si à l’inverse, le trou noir avait absorbé l’étoile peu à peu, projetant dans l’espace des morceaux de matière stellaire, explique Patrick Brady, porte-parole de la collaboration scientifique LIGO).

Cela fait des décennies que les astronomes recherchent des étoiles à neutrons en orbite autour de trous noirs dans notre Voie lactée. En 2019, le réseau LIGO-Virgo avait identifié deux événements (GW190814 et GW190426) pouvant potentiellement correspondre à une coalescence entre un trou noir et une étoile à neutrons. Dans le cas de GW190814, avant que les deux objets ne fusionnent, leurs masses différaient d’un facteur 9, ce qui en fait le rapport de masse le plus extrême connu pour un événement d’onde gravitationnelle ! Toutefois, dans les deux cas, les chercheurs n’avaient pu conclure avec certitude qu’il s’agissait bien d’un système binaire impliquant une étoile à neutrons.

Ce type de duo n’avait donc jamais été observé et cette découverte, en dehors de notre galaxie, permettra de mieux comprendre le phénomène. « Nous avons trouvé le type manquant de système binaire. Nous pouvons enfin commencer à comprendre combien de ces systèmes existent, à quelle fréquence ils fusionnent et pourquoi nous n’en avons pas encore vu dans la Voie lactée », explique Astrid Lamberts, chercheuse à l’Observatoire de la Côte d’Azur, à Nice. Les chercheurs estiment d’ailleurs que ces événements sont bien plus nombreux qu’ils ne le pensaient : une telle fusion se produirait chaque mois, à moins d’un milliard d’années-lumière de la Terre.

Grâce à la prochaine campagne d’observation des détecteurs du LIGO, Virgo et du nouveau venu KAGRA (au Japon), prévue pour l’été 2022, ils espèrent détecter de nombreuses ondes gravitationnelles de fusion, qui leur permettront de mieux caractériser ces événements rares.

Sources : The Astrophysical Journal Letters, R. Abbott et al. et LIGO Laboratory News

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