Un gigantesque radeau de roche volcanique « booste » le récif corallien

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| Pixabay
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Près des îles Vava’u, du Royaume des Tonga, se trouve un important volcan sous-marin (baptisé volcan F ou 0403-091). Lorsque celui-ci entre en éruption, il déverse de la matière volcanique qui se transforme en pierre ponce légère et poreuse, flottant sur l’eau. L’an dernier, une éruption a ainsi engendré la formation d’un amas géant de pierre ponce, qui s’est mis à dériver, embarquant au passage des millions d’organismes vivants. Ce radeau improvisé s’est approché des côtes australiennes et pourrait contribuer à revitaliser la Grande Barrière de Corail.

La Grande Barrière de Corail, le plus grand récif corallien du monde, s’étend sur plus de 340’000 km², au large du Queensland (au nord-est de l’Australie). Inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, c’est l’une des sept merveilles naturelles du monde. Elle abrite l’un des écosystèmes naturels les plus riches de la planète. Mais au cours des trente dernières années, elle a perdu la moitié de sa surface : pollution et réchauffement climatique provoquent le blanchiment des coraux à grande échelle et menacent les espèces qui y vivent. Les événements volcaniques étudiés par Scott Bryan et son équipe pourraient contribuer à atténuer ces effets.

Un « taxi » pour des millions d’organismes marins

Scott Bryan, spécialiste en géoscience environnementale à l’Université de technologie du Queensland, étudie l’impact des radeaux de pierre ponce depuis une vingtaine d’années. Car le phénomène n’est pas nouveau : en 2001, une éruption du volcan F avait déjà produit un amas de pierre ponce flottant, qui avait emprunté les courants marins jusqu’en Australie. Le radeau avait ainsi dérivé pendant près d’un an. Voici un aperçu en vidéo des conséquences de l’éruption de 2019 ; la surface de ce radeau de pierres était équivalente à environ 20’000 terrains de football !

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Au cours de son voyage, la roche poreuse attire tous les petits organismes marins qu’elle croise sur son chemin (des algues, des balanes, des coraux, etc.). Tout ce petit monde vient se fixer sur l’embarcation de pierre ponce et y demeure jusqu’à destination. Par conséquent, le phénomène pourrait aider à ensemencer et à reconstituer les récifs coralliens, qui s’appauvrissent d’année en année. « Chaque pièce de pierre ponce est une maison et un véhicule pour un organisme, et c’est tout simplement formidable », s’enthousiasme le géologue. Un nombre considérable d’individus et une grande diversité d’espèces sont ainsi transportés sur des milliers de kilomètres en seulement quelques mois.

Il s’agirait en fait d’un processus très ancien d’après Bryan, via lequel l’activité des volcans sous-marins, combinée aux mouvements des océans, a permis de diffuser la vie marine à travers le globe pendant des centaines de millions d’années.

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Les millions d’organismes transportés par le radeau de pierre ponce permettent d’insuffler un peu de vie dans la Grande Barrière de Corail, qui subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Crédits : QUT

Le mois dernier, le spécialiste a publié une étude concernant l’éruption du mont sous-marin du Havre en 2012, également situé dans le Pacifique Sud. L’événement est considéré comme la plus grande éruption volcanique sous-marine jamais enregistrée. Il a conduit à la formation d’un radeau géant de pierre ponce, qui a fini par se disperser sur une zone deux fois plus grande que la Nouvelle-Zélande !

En outre, de gros morceaux de pierre ponce, de la taille d’un fourgon, ont coulé vers les fonds marins. Pourquoi certaines pierres flottent pendant plusieurs mois, tandis que d’autres sombrent au fond de l’océan au moment de l’éruption ? Bryan ne se l’explique pas encore, mais de futures analyses devront lui permettre de répondre à la question. « Cela nous aidera à comprendre les mécanismes et la dynamique de ces éruptions explosives », explique-t-il. Et pour cause : comme le souligne cet expert, la formation de ces radeaux de pierre pourrait être potentiellement dangereuse…

Bientôt une nouvelle île volcanique

En effet, même si ces roches flottantes sont particulièrement bénéfiques pour les récifs coralliens australiens, elles présentent aussi un inconvénient majeur. Outre le fait qu’elles puissent endommager les coques des bateaux, elles peuvent aussi véritablement « étouffer » les côtes sur lesquelles elles viennent échouer. La roche volcanique volcanique se dépose parfois en masse sur les plages de sable, aux dépens des différentes espèces et de la population qui y demeurent…

Le radeau constitué l’an passé a atteint le littoral australien au mois d’avril. Il s’est depuis répandu tout le long de la côte est australienne, de Townsville (au nord du Queensland), au nord de la Nouvelle-Galles du Sud. Il s’étale ainsi sur plus de 1300 kilomètres de côtes !

Bryan souligne que ces radeaux porteurs de vie ne sont pas une solution miracle pour sauver la Grande Barrière : « Les radeaux de pierre ponce à eux seuls ne contribueront pas à atténuer directement les effets du changement climatique », avertit le géologue. Il ne s’agit que d’une modeste contribution, « un coup de pouce » qui n’a lieu que tous les cinq ans en moyenne.

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Ce type d’événement met par ailleurs en évidence le lien étroit qui existe entre les différents récifs coralliens du Pacifique Sud : la santé de la Grande Barrière de Corail dépend ainsi largement des coraux situés à des milliers de kilomètres plus à l’est. Par conséquent, il est tout aussi important de préserver ces récifs éloignés.

Est-ce que le volcan F continuera à « alimenter » régulièrement les coraux australiens ? Peut-être pas. Au fur et à mesure des éruptions, la morphologie du volcan varie, la topographie de cette zone sous-marine évolue. Après avoir inspecté le site à l’aide de robots sous-marins, Bryan et ses collaborateurs sont formels : « C’est un volcan qui est sur le point de percer la surface et deviendra une île dans les années à venir ». Ce sera donc la fin des gigantesques radeaux volcaniques. À la place, de nouvelles îles grouillant de vie émergeront de l’océan, telle que l’île de Hunga Tonga, sortie de l’eau en seulement 4 ans.

Source : Université de technologie du Queensland

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