Hausse très inquiétante des cas de rougeole dans le monde

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| UNICEF
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Dans un récent communiqué, l’Organisation mondiale de la santé lance un avertissement : la rougeole a fortement progressé dans le monde en 2019, avec près de 870’000 cas recensés ! C’est le niveau le plus élevé depuis 1996. Selon les estimations, 207’500 personnes sont décédées de cette maladie l’an dernier.

Depuis près d’un an, la COVID-19 s’accapare l’attention des médias. Pourtant, bien d’autres maladies infectieuses continuent de sévir. Parmi elles, la rougeole, une maladie virale extrêmement contagieuse, qui provoque une inflammation des voies respiratoires supérieures et une éruption cutanée sur l’ensemble du corps. « Avant qu’il y ait une crise du coronavirus, le monde était en proie à une crise de la rougeole, qui n’a pas disparu », a déclaré Henrietta Fore, directrice générale de l’UNICEF.

Il n’existe pas de traitement spécifique pour cette maladie ; la plupart des personnes guérissent généralement en deux à trois semaines. Malheureusement, cette maladie peut parfois entraîner des complications graves, voire létales, chez les personnes les plus fragiles, notamment les enfants malnutris et les personnes immunodéprimées : cécité, encéphalite, diarrhée sévère, infection auriculaire et pneumonie. Un vaccin existe depuis 1963. Avant son introduction, une importante épidémie de rougeole se produisait tous les 2-3 ans, causant environ 2,6 millions de décès à chaque vague.

L’OMS estime qu’entre 2000 et 2016, la vaccination anti-rougeole a permis d’éviter plus de 20 millions de décès. Ainsi, en seize ans, le nombre de décès à l’échelle mondiale a diminué de 84%. Pourtant, l’organisation rapporte aujourd’hui des chiffres inquiétants : entre 2016 et 2019, les décès dus à la rougeole ont augmenté de 50% ! Pourquoi un tel revirement de situation ?

Une couverture vaccinale insuffisante

On estime que 89’780 personnes, dont une majorité d’enfants de moins de 5 ans, sont mortes de la rougeole en 2016. Ce nombre s’élevait l’an dernier à 207’500. Pour les experts, cette hausse s’explique principalement par une vaccination insuffisante des enfants, qui doivent recevoir dès leur plus jeune âge deux doses de vaccin. Celui-ci est administré sous forme d’un vaccin ROR, qui protège à la fois contre la rougeole, les oreillons et la rubéole ; la première injection doit être effectuée à l’âge d’un an, puis la seconde entre le 16e et 18e mois.

Problème : la couverture vaccinale n’est pas la même dans toutes les régions du monde. Le Nigeria, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, le Pakistan, l’Inde et les Philippines font partie des pays comptant le plus grand nombre de nourrissons non vaccinés. Or, pour combattre la rougeole et prévenir les flambées épidémiques et les décès, il faut que les taux de couverture de la première et de la deuxième dose du vaccin atteignent 95%. Ces taux doivent en outre être maintenus au niveau national et infranational. Mais dans les faits, au niveau mondial, le taux de couverture de la première dose de vaccin se situe entre 84% et 85%, tandis que le taux de couverture de la seconde dose n’est que de 71%. « Nous devons agir ensemble pour aider les pays et inciter les collectivités à vacciner contre la rougeole chaque personne, partout, et à stopper ce virus mortel », avertit le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.

Cette année, plusieurs campagnes de vaccinations ont été mises en place pour augmenter cette couverture vaccinale dans les pays les plus à risque. Cependant, la gestion de la pandémie a fortement perturbé toute cette organisation, en interrompant les campagnes dans 26 pays. « La COVID-19 a eu des effets désastreux sur les services de santé du monde entier, notamment sur les services de vaccination », souligne Ghebreyesus. Plus de 94 millions de personnes ne seront pas vaccinées comme prévu, alors que leur pays connaît actuellement une flambée épidémique de rougeole.

Ce virus étant l’un des plus contagieux — son taux de reproduction (R0) dans une population non immunisée est estimé entre 15 et 20 — une couverture vaccinale incomplète a nécessairement de lourdes conséquences. Il peut se transmettre directement par voie aérienne (microgouttelettes de salive) ou par contact avec des objets ou des surfaces contaminés, où il peut rester actif pendant deux heures. Les malades sont contagieux pendant les quatre jours qui précèdent et les quatre jours qui suivent l’éruption cutanée.

Une question de confiance

Le docteur Robert Linkins, président de l’équipe de gestion de l’Initiative contre la rougeole et la rubéole et chef de la division du contrôle accéléré des maladies aux CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), ajoute que l’augmentation des infections est également due au fait que les services de santé ne parviennent pas toujours jusqu’aux populations les plus à risque. Or, il est important de vacciner un maximum d’enfants avant un éventuel assouplissement des restrictions de voyage mises en place pour la COVID-19.

L’Initiative contre la rougeole et la rubéole (ou M&RI, pour Measles & Rubella Initiative) est le fruit d’un partenariat entre la Croix-Rouge américaine, la Fondation des Nations Unies, les CDC des États-Unis, l’UNICEF et l’OMS. En collaboration avec Gavi, l’Alliance du vaccin, elle s’est fixé pour objectif de renforcer les systèmes de vaccination pour éliminer complètement la rougeole et la rubéole d’ici 2030. « À l’époque actuelle, où nous avons un vaccin puissant et sûr, avec un bon rapport coût-efficacité. Plus personne ne devrait mourir de cette maladie », insiste le Dr Seth Berkley, PDG de Gavi, l’Alliance du vaccin.

En France, où une légère baisse de la couverture vaccinale anti-rougeole a été enregistrée entre 2014 et 2017, le vaccin ROR est devenu obligatoire en 2017. Et heureusement ! Car en France, comme dans plusieurs pays européens, la confiance dans les vaccins tend à s’étioler. C’est du moins la conclusion d’une enquête publiée dans The Lancet au mois de septembre. Cette étude a permis de cartographier la confiance accordée aux vaccins dans 149 pays, à partir de données récoltées entre 2015 et 2019. Trois critères ont été évalués : l’innocuité, l’importance et l’efficacité.

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Tendances mondiales des perceptions de la sécurité, de l’importance et de l’efficacité des vaccins en novembre 2015 et novembre 2018. Crédits : H. Larson et al.

Il en ressort que fin 2015, l’Argentine, le Liberia et le Bangladesh avaient le pourcentage le plus élevé de répondants se déclarant tout à fait d’accord pour dire que les vaccins sont sûrs. En revanche, le Japon, la France et la Mongolie affichaient les plus faibles pourcentages de confiance (aux alentours de 8%). Ceci dit, la confiance des Français a légèrement augmenté entre 2015 et 2019 pour les trois critères évalués. Les auteurs soulignent tout de même que la confiance est relativement faible en Europe, comparativement aux autres continents. C’est ce qui explique la recrudescence de cas de rougeole observée récemment dans plusieurs pays (dont l’Ukraine, l’Italie, la Belgique, l’Allemagne, la Serbie, la République tchèque, etc.), où le vaccin ROR n’est pas toujours obligatoire, mais simplement recommandé.

Alors que quelques vaccins sont aujourd’hui en bonne voie pour enrayer la pandémie de COVID-19, et pourraient même arriver sur le marché dès la fin de l’année, ce manque de confiance sera sans doute très problématique et divisera largement les populations.

Sources : OMS et CDC

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