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IA générative : les emplois à risque et les opportunités professionnelles à l’horizon 2030

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Les récentes avancées spectaculaires de l’IA ont soulevé de nombreuses questions intéressantes concernant ses impacts sur l’économie mondiale. Si la technologie promet une croissance sans précédent pour de nombreux secteurs d’activité, des préoccupations quant à la perte d’emploi (et de professions entières) sont plus que jamais à l’ordre du jour. À l’ère de l’IA générative, quels sont les emplois les plus à risque de disparaître d’ici 2030 ? Nous avons consulté un groupe d’experts pour analyser la question et solidifier nos recherches.

Les technologies d’IA générative telles que GPT, Bard et LaMDA se distinguent de celles dites « étroites » par 3 principales caractéristiques. La première est leur capacité d’utilisation généralisée, c’est-à-dire qui n’est pas restreinte à une seule fonctionnalité ou à un seul groupe de fonctionnalités. La seconde implique leur capacité à générer des réponses de type humain, c’est-à-dire avec une sémantique complexe et stable. La troisième particularité est leur interface extensible, offrant une incroyable polyvalence.

En vue de ces capacités, l’IA générative s’applique désormais à un très grand nombre de domaines. Les centres d’appel, les services financiers et même les établissements de santé et de recherche scientifique commencent désormais à l’intégrer dans leurs systèmes. L’une des applications les plus impressionnantes a récemment été annoncée par le Berkeley Lab (de l’Université de Californie) : un laboratoire autonome alimenté à l’IA qui permet de créer plus de deux nouveaux composés inorganiques par jour. Ces extensions de capacité ont permis d’accélérer leur adoption au niveau mondial.

La valeur du marché de l’IA est désormais évaluée à 241,8 milliards de dollars et devrait atteindre 740 milliards de dollars à l’horizon 2030 (soit une croissance annuelle de 17,3 %). D’autre part, les investissements dans la technologie ont connu une croissance significative à mesure qu’elle gagne en polyvalence et en accessibilité. Selon des rapports d’analyse économique que la banque d’investissement Goldman Sachs (basée à New York) a transmis à Trust My Science, les investissements dans la technologie se sont élevés à 94 milliards de dollars en 2021. Si le rythme d’apport en capitaux actuel se maintient, les investissements américains dans l’IA pourraient à eux seuls représenter environ 1% du PIB des États-Unis d’ici 2030. Quant au PIB mondial, la technologie pourrait contribuer à une croissance d’au moins 7% sur une période de 10 ans.

Cependant, qui dit croissance économique rapide dit restructuration majeure pour de nombreux aspects entrepreneuriaux et sociétaux. L’intégration de la technologie s’accompagnera notamment de transformations considérables dans les systèmes de productivité.

En vue de ces avancées et des investissements massifs de capitaux, comment la technologie affectera-t-elle le marché de l’emploi ? Plusieurs rapports économiques prévoient la création de nouvelles catégories de professions liées à l’IA, tandis que d’autres déclineront et risquent même de disparaître — en raison de l’augmentation de l’automatisation pour de nombreuses tâches.

Nombreux d’entre nous se verront-ils remplacer par l’IA générative dans un avenir proche ? « C’est difficile à dire », a déclaré à Trust My Science Robert Seamans (de l’Université de New York), en réponse à un e-mail. Seamans fait également partie d’un groupe d’experts (de l’Université de Princeton et de Pennsylvanie) ayant récemment effectué une analyse — publiée sur la plateforme SSRN — sur la manière dont les grands modèles de langage pourraient affecter les secteurs d’activité économique. « Nos recherches identifient les secteurs les plus exposés aux progrès de l’IA, mais la question de savoir si cette exposition entraîne des pertes d’emplois dépend de la question de savoir si l’IA remplace ou augmente le travail humain », explique-t-il en réponse à nos questions.

Emplois à salaire et qualifications élevés : les plus exposés aux progrès de l’IA

L’analyse de Seamens et ses collègues impliquait une évaluation sectorielle de l’intégration de l’IA. Cela inclut notamment une liste des 20 professions et industries (ou entreprises) les plus exposées à la technologie, sur la base d’une mesure originale de l’exposition professionnelle à l’IA (AIOE) effectuée par les experts en 2021. Une seconde liste énumère les 20 professions et industries les plus exposées aux avancées de l’IA en matière de capacité de modélisation du langage. En d’autres termes, cette deuxième liste (placée à droite) concerne davantage les avancées telles que ChatGPT.

Dans le top 3 des professions les plus affectées par l’AIOE figurent les conseillers en génétique, les examinateurs financiers et les actuaires (qui effectuent des calculs permettant de prédire des sinistres à venir, en s’appuyant sur les statistiques des sinistres passés). Parmi celles les plus exposées aux avancées des modèles de langage figurent les télévendeurs, les professeurs de langues et de littérature locale (ici anglaise) et étrangère, ainsi que les professeurs d’histoire.

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Top 20 des professions les plus exposées aux progrès de l’IA, avant et après ajustement pour les modèles de langage (à droite). © Felten et al.

Traduction du Top 20 des professions les plus exposées aux retombées des modèles de langage :

  1. Télévendeurs
  2. Professeurs de langue et littérature anglaise de niveau post-secondaire
  3. Professeurs de langues et littérature étrangères de niveau post-secondaire
  4. Professeurs d’histoire de niveau post-secondaire
  5. Professeurs de droit de niveau post-secondaire
  6. Professeurs de philosophie et de religion de niveau post-secondaire
  7. Professeurs de sociologie de niveau post-secondaire
  8. Professeurs de science politique de niveau post-secondaire
  9. Professeurs de justice pénale et d’application de la loi
  10. Sociologues
  11. Professeurs de travaux sociaux de niveau post-secondaire
  12. Professeurs de psychologie de niveau post-secondaire
  13. Enseignants en communication de niveau post-secondaire
  14. Spécialistes en science politique
  15. Professeurs d’études régionales, ethniques et culturelles, de niveau post-secondaire
  16. Arbitres, médiateurs et conciliateurs (des auxiliaires de justice bénévoles dont le rôle est d’accompagner les parties dans la recherche d’une solution amiable à leur différend)
  17. Juges, magistrats-juges et magistrats
  18. Professeurs de géographie de niveau post-secondaire
  19. Enseignants en bibliothéconomie
  20. Psychologues cliniques, conseillers et psychologues scolaires

Du côté des industries impactées par l’AIOE se trouvent celles basées sur les transactions sur titres, les contrats sur matières premières et d’autres investissements financiers, ainsi que les activités connexes. Au deuxième rang se situe tout ce qui a trait à la comptabilité, aux assurances et avantages sociaux, suivi des services légaux. En revanche, ces derniers se situent à la première place face aux modèles de langage, suivis des marchés de matières premières et des secteurs d’investissement financier (qui seront de plus en plus automatisés par l’IA).

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Top 20 des industries les plus exposées aux progrès de l’IA, avant et après ajustement pour les modèles de langage (à droite). © Felten et al.

Il est intéressant de noter que certaines professions figurent dans les deux listes (AIOE et modélisation du langage) du tableau 1, notamment les psychologues cliniques, les conseillers et les professeurs d’histoire de niveau postsecondaire. D’autre part, la liste relative à la modélisation du langage inclut davantage de professions liées à l’éducation. En outre, les emplois avec des salaires élevés semblent plus susceptibles d’être exposés aux avancées de la technologie.

D’un autre côté, « nous avons récemment constaté des avancées dans deux types d’IA générative : la modélisation du langage et la génération d’images », nous explique Seamans. Selon l’expert, les secteurs les plus exposés aux progrès de la modélisation du langage sont les services juridiques, les services financiers et les services d’assurance, tandis que ceux les plus exposés aux avancées en matière de génération d’images sont l’architecture, le design au sens large et le design logiciel.

Ces résultats concordent avec ceux de Goldman Sachs. En se basant sur des données collectées aux États-Unis et en Europe, la banque a constaté qu’environ deux tiers des emplois actuels sont exposés à l’automatisation par l’IA, tandis que l’IA générative pourrait remplacer jusqu’à un quart des professions actuelles. En transposant ces données au niveau mondial, l’IA générative pourrait exposer près de 300 millions d’emplois à temps plein à l’automatisation.

Selon la banque, les cols blancs seraient les plus à risque d’être affectés par les nouveaux outils d’IA, tels que les travailleurs juridiques et le personnel administratif. Paradoxalement, les emplois à qualification élevée et nécessitant d’importantes capacités humaines seraient ainsi les plus exposés, ce qui conforte les constats de Seamans et ses collègues. Les entreprises ayant récemment nommé des systèmes d’IA au poste de PDG (telles que Dictador et NetDragon Websoft) en sont des exemples flagrants. Par ailleurs, selon le dernier rapport du World Economic Forum, près de 43% des tâches assurées par des humains seront effectuées par des machines d’ici 2027. En d’autres termes, la technologie commencera par transformer la distribution du temps du travail humain-machine, avant de réduire progressivement celui assigné à l’humain.

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La distribution du temps de travail entre l’IA et l’humain au sein de différentes catégories d’entreprises en 2021. On constate encore une fois que les banques et les assurances sont celles montrant le potentiel d’automatisation le plus élevé (en violet), suivies du développement logiciel. Sans compter que ces chiffres seraient probablement revus à la hausse aujourd’hui, compte tenu des récents progrès de l’IA générative (qui ont surpassé toutes les attentes). © Accenture

Des pertes compensées par la création de nouveaux emplois ?

Toutefois, il est important de noter que l’augmentation du travail automatisé ne se traduira pas nécessairement par des licenciements, précisent les experts de Goldman Sachs. « Même si l’impact de l’IA sur le marché du travail sera probablement significatif, la plupart des emplois et des industries ne sont que partiellement exposés à l’automatisation et sont donc plus susceptibles d’être complétés plutôt que remplacés par l’IA », ont-ils écrit dans leur rapport. De son côté, Seamans estime que « dans la plupart des cas, l’IA augmentera le travail humain, de la même manière que les ordinateurs augmentent le travail de nombreux cols blancs ».

En outre, les emplois supprimés par l’intégration de la technologie seront probablement compensés par la création de nouveaux emplois. Parmi les nouveaux métiers émergents figureront par exemple les spécialisations en matière d’IA et d’apprentissage automatique, dont la croissance est prévue à 40% d’ici 2027, selon le World Economic Forum. Une augmentation de 30 à 35 % de la demande de postes liés, tels que les analystes de données, les scientifiques des données ou les spécialistes du « big data », serait aussi à prévoir. Les analystes en sécurité de l’information devraient eux aussi bénéficier d’une hausse de la demande d’au moins 30 %. Dans l’ensemble, cela pourrait contribuer à la création de 2,6 millions d’emplois à court terme.

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Top 10 des emplois en croissance et des emplois en déclin d’ici 2027. © World Economic Forum

D’autre part, les impacts (négatifs ou positifs) de l’IA sur les emplois, de même que les retours sur investissement attendus par les entreprises, dépendent de la capacité et de la vitesse d’adoption de la technologie. « Les entreprises qui investissent dans l’IA doivent également investir dans des actifs complémentaires pour tirer parti de l’IA. Ces actifs complémentaires comprennent généralement des logiciels, du matériel et du capital humain hautement qualifié », explique Seamans à Trust My Science. « Les entreprises qui investissent dans ces actifs bénéficieront d’un retour sur investissement », a-t-il ajouté.

Dans cette vision, les entreprises sont d’ores et déjà amenées à repenser leurs priorités en matière de formation du personnel, afin de pouvoir s’adapter et travailler avec l’IA et le big data. Le rapport du World Economic Forum estime d’ailleurs qu’il s’agit de la troisième priorité des stratégies de formation des entreprises jusqu’en 2027 et de la première pour celles comptant plus de 50 000 salariés. De leur côté, les éditeurs de logiciels dotent déjà leurs portefeuilles de produits de nouvelles offres incluant l’IA générative. Le marché mondial de ces nouveaux produits est actuellement évalué à 150 milliards de dollars, contre 685 milliards de dollars pour les logiciels dans leur ensemble.

En somme, une grande capacité d’adaptation sera nécessaire non seulement pour les entreprises, mais également pour les employés, afin de ne pas se voir dépasser par l’IA, dont la croissance est fulgurante. « Jouez avec la nouvelle technologie et voyez ce qu’elle fait bien et ce qu’elle ne fait pas bien », nous conseille Seamans. « Il existe de nombreuses possibilités d’utiliser cette nouvelle technologie pour vous aider dans votre travail », conclut-il.

Sources : SSRN, Goldman Sachs, The Future of Job Report 2023
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