Un laboratoire autonome alimenté par IA crée 41 nouveaux composés en seulement 17 jours

Et ce n'est que le début...

laboratoire autonome materiaux
| Marilyn Sargent/Berkeley Lab
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

A-Lab, un laboratoire autonome alimenté à l’IA, a synthétisé 41 nouveaux composés de poudre inorganiques solides en seulement 17 jours, en se basant sur des données du Materials Project du Berkeley Lab (la plus grande base de données de composés inorganiques au monde) et celles d’une autre IA spécialisée dans la conception de matériaux développée par Google DeepMind. La plateforme accélère plus que jamais la découverte de nouveaux matériaux et promet de larges perspectives d’application.

Bien que la création de nouveaux matériaux puisse désormais être effectuée à grande échelle par le biais de calculateurs à haut débit, leur réalisation expérimentale est difficile et chronophage. La réduction de ce temps d’expérimentation nécessite à la fois une automatisation et une certaine autonomie. Alors que les efforts de recherche dans ce sens s’orientent toujours plus vers l’apprentissage automatique, une lacune subsiste quant à l’autonomisation. Les chercheurs du Berkeley Lab (de l’Université de Californie à Berkeley) suggèrent que cette autonomie nécessitera une synergie entre les données codées, celles provenant de différentes sources déjà établies et l’apprentissage actif par IA.

Le laboratoire A-Lab a été conçu dans cette vision, en combinant la robotique avec de bases de données ab initio, l’interprétation de données par le biais de l’apprentissage automatique, la synthèse de la littérature scientifique disponible et l’apprentissage actif. Plus précisément, l’IA alimentant le système robotisé crée de « nouvelles recettes » en parcourant les publications scientifiques et effectue des ajustements en utilisant l’apprentissage actif. Les données du Materials Project et de GNoME (l’IA spécialisée développée par Google DeepMind) ont permis de prédire la stabilité des matériaux créés, en servant notamment de base pour former l’IA du laboratoire.

Le dispositif est également axé sur la manipulation et la caractérisation de poudres inorganiques solides. En effet, les poudres solides sont facilement adaptables à la fabrication et à la mise à l’échelle technologique. L’approche de synthèse de l’A-Lab produit des gammes d’échantillons de diverses quantités, facilitant les tests au niveau des dispositifs auxquels ils sont destinés. Les résultats de l’étude sont détaillés dans la revue Nature.

robot autonome
Découverte autonome de nouveaux matériaux avec l’A-Lab. © Nathan J. Szymanski et al.

Une production de plus de deux nouveaux matériaux par jour

Le Materials Project est le référentiel d’informations en libre accès le plus utilisé au monde (plus de 400 000 utilisateurs) pour les matériaux inorganiques. Créé en 2011 par le Berkeley Lab, il rassemble des données sur les propriétés de centaines de milliers de structures cristallines et des molécules connues et prévues (encore inexistantes). Avec la contribution de Google DeepMind, la base de données dispose désormais de près de 380 000 nouveaux composés supplémentaires (contre un total de 154 718 avant).

Les nouvelles données apportées par Google DeepMind ont été obtenues par le biais du Graph Networks for Materials Exploration (GNoME), un outil d’apprentissage profond formé à l’aide des données antérieurement apportées par le Materials Project. L’algorithme de GNoME a ensuite été amélioré par le biais d’un apprentissage actif et a permis de générer 2,2 millions de nouvelles structures cristallines. Les 380 000 ajoutés à la base de données du Berkeley Lab ont été sélectionnés pour leur stabilité et leur haut potentiel d’application technologique.

Ensemble, les données de GNoME et du Materials Project ont permis d’établir une base solide pour l’A-Lab. Dans le cadre de la nouvelle étude consacrée à la plateforme, tous les matériaux ciblés sont entièrement nouveaux, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas présents dans les données d’entraînement de l’algorithme qu’elle utilise pour proposer des recettes de synthèse. De plus, étant donné que le laboratoire traite des échantillons exposés à l’air libre, les cibles prises en compte ne devraient pas réagir avec l’O2 (oxygène), le CO2 (dioxyde de carbone) et l’H2O (eau).

En seulement 17 jours, A-Lab est parvenu à générer 41 nouveaux composés sur les 58 préalablement ciblés, soit une fréquence de plus deux nouveaux composés par jour. À titre de comparaison, un chercheur humain prendrait plusieurs mois pour prédire la structure d’un matériau et pour l’expérimenter afin de déterminer si elle est viable ou non. Ce taux de réussite (de 71%) pourrait encore être amélioré, selon les experts de l’étude.

« Nous avons montré que la combinaison de la théorie et des données avec l’automatisation donne des résultats incroyables », explique Gerbrand Ceder, chercheur principal d’A-Lab. « Nous pouvons fabriquer et tester des matériaux plus rapidement que jamais, et l’ajout de plus de points de données au Materials Project signifie que nous pouvons faire des choix encore plus intelligents », ajoute-t-il.

Des perspectives d’utilisation dans les technologies durables

Avec les innovations potentielles en matière de matériaux, il serait possible de produire de nouveaux plastiques entièrement recyclables et biodégradables, d’exploiter l’énergie thermique gaspillée avec les panneaux solaires, de concevoir de meilleures batteries ou des carburants plus efficaces et durables, des transistors plus performants pour les ordinateurs, etc.

« Nous devons créer de nouveaux matériaux si nous voulons relever les défis environnementaux et climatiques mondiaux », a déclaré Kristin Persson, fondatrice et directrice du Materials Project, professeure à l’Université de Californie à Berkeley et coauteure de la nouvelle recherche.

Précédemment, les données du Materials Project avaient permis d’éprouver expérimentalement de nombreux matériaux. Ces derniers incluent par exemple les capteurs de carbone, les photocatalyseurs (matériaux qui accélèrent les réactions chimiques en réponse à la lumière et qui pourraient être utilisés pour décomposer les polluants ou générer de l’hydrogène), les matériaux thermoélectriques (convertissant la chaleur en électricité) et les conducteurs transparents (utilisés dans les cellules solaires et les écrans LED et tactiles).

Toutefois, la découverte de matériaux ne constitue que l’une des nombreuses étapes menant à leur application réelle. Il faut par exemple beaucoup de temps pour déterminer empiriquement si ces derniers possèdent les bonnes propriétés pour correspondre aux technologies ciblées, ou s’ils sont suffisamment rentables pour une production en masse. Néanmoins, l’A-Lab permet d’accélérer considérablement ces étapes, et à terme, permettra de fournir un plus grand nombre de matériaux cibles viables pour les entreprises et les industries.

Vidéo de présentation du laboratoire :

Source : Nature

Laisser un commentaire