L’imagination n’est pas simplement un moyen pour le cerveau de construire des images, des sons ou des endroits fictifs, elle permet également d’évaluer à l’avance des situations du monde réel à l’aide de scénarios impliquant des éléments tout aussi réels. C’est ce que révèle une récente étude, démontrant que l’imagination peut directement influer sur notre perception de la réalité.
Une nouvelle étude révèle comment le fait d’imaginer un scénario qui se déroule dans un endroit neutre sur le plan émotionnel peut changer notre attitude à l’égard de ce même endroit dans la réalité.
Pour comprendre le phénomène, des chercheurs de l’Université Harvard et de l’Institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives ont mené une expérience, d’abord aux États-Unis, puis répliquée en Allemagne. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Les participants ont été invités à fournir une liste des personnes qu’ils aiment vraiment, des personnes qu’ils n’aimaient pas ainsi qu’une liste de lieux qui pour eux sont « neutres ». Puis, allongés dans un scanner IRMf, ils ont été invités à imaginer rencontrer quelqu’un de leur liste préférée à l’un de leurs endroits neutres.
Pour cela, 60 personnes étaient dans une IRM, mais les données de 12 d’entre elles ont dû être éliminées après que deux des volontaires aient réussi à s’endormir de manière incontrôlée, tandis que les autres s’efforçaient d’être suffisamment immobiles pour obtenir des images précises.
Cerveau, imagination et monde réel
Les examens par IRM ont révélé que notre capacité à imaginer ces scénarios impliquent un réseau dans notre cerveau incluant le cortex préfrontal ventromédial (vmPFC) — un domaine lié au traitement du risque, de la peur, de la prise de décision et de l’évaluation de la moralité.
« Nous suggérons que cette région regroupe des représentations de notre environnement en reliant des informations de l’ensemble du cerveau qui forment une image globale » déclare le neuroscientifique cognitif Roland Benoit.
Les chercheurs expliquent que, bien que le vmPFC ne code pas pour des entités individuelles telles que les personnes, les motifs de caractéristiques individuelles codées représentent des personnes ou des lieux individuels dans cette partie du cerveau. Ils ont également été en mesure de constater que les attitudes des participants à l’égard de leurs lieux neutres évoluent en fonction des niveaux d’activité de ces modèles neuronaux.
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« Quand j’imagine ma fille dans l’ascenseur, sa représentation et celle de l’ascenseur deviennent actives dans le cortex préfrontal ventromédial. Ceci, à son tour, peut relier ces représentations — la valeur positive de la personne peut ainsi être transférée à l’emplacement précédemment neutre » explique Benoit.
Monde réel : l’imagination influence également sa perception
Le fait que les attitudes puissent être transférées de cette manière confirme que les parties du cerveau participent non seulement à l’imagination du lieu dans notre esprit, mais codent également notre évaluation du lieu réel. Ainsi, l’imagination, tout comme les événements réels, peuvent influencer sur notre attitude vis à vis du monde réel.
Bien sûr, le pouvoir d’évoquer le changement par le biais de l’imagination ne s’applique qu’à nos perceptions et aux influences que celles-ci peuvent avoir sur notre psychologie et notre physiologie. Cela n’a toujours pas d’incidence sur la modification de nos réalités physiques externes.
« Dans notre étude, nous montrons comment une imagination positive peut conduire à une évaluation plus positive de notre environnement. Je me demande comment ce mécanisme influence les personnes qui tendent à avoir des pensées négatives sur leur avenir, telles que les personnes souffrant de dépression. Une telle rumination entraîne-t-elle une dévaluation d’aspects neutres, voire positifs, de leur vie ? » conclut Benoit.