Des ingénieurs confirment par hasard l’existence de la résonance électrique nucléaire

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| UNSW/Tony Melov
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La résonance nucléaire magnétique permet de contrôler des spins nucléaires atomiques via l’application d’un champ magnétique. Cette technique est très souvent utilisée dans de nombreux domaines comme la médecine (IRM), la chimie (caractérisation d’espèces chimiques) ou la géologie. Mais en 1961, le prix Nobel Nicolaas Bloembergen suggère qu’il est également possible de contrôler les spins nucléaires via un champ électrique. Environ 59 ans plus tard, une équipe d’ingénieurs a enfin confirmé, par sérendipité, l’existence d’une résonance nucléaire électrique. Un résultat qui permettra le développement d’une électronique quantique bien plus performante.

Un heureux accident dans un laboratoire a conduit à une découverte révolutionnaire, qui a non seulement résolu un problème ayant duré plus d’un demi-siècle, mais a des implications majeures pour le développement d’ordinateurs et de capteurs quantiques.

Dans une étude publiée dans la revue Nature, une équipe d’ingénieurs de l’UNSW Sydney a fait ce qu’un scientifique célèbre avait suggéré pour la première fois en 1961, mais a échappé à tout le monde depuis : contrôler le noyau d’un seul atome en utilisant uniquement des champs électriques.

« Cette découverte signifie que nous avons maintenant une voie pour construire des ordinateurs quantiques en utilisant des spins à un seul atome, sans avoir besoin de champ magnétique oscillant pour leur fonctionnement. De plus, nous pouvons utiliser ces noyaux comme des capteurs extrêmement précis de champs électriques et magnétiques, ou pour répondre à des questions fondamentales en science quantique », explique Andrea Morello, professeur d’ingénierie quantique à l’UNSW.

Un contrôle atomique plus précis grâce à la résonance nucléaire électrique

Le fait qu’un spin nucléaire puisse être contrôlé par des champs électriques, au lieu de champs magnétiques, a des conséquences d’une grande portée. La génération de champs magnétiques nécessite de grandes bobines et des courants élevés, tandis que les lois de la physique dictent qu’il est difficile de limiter les champs magnétiques à de très petits espaces ; ils ont tendance à avoir une large zone d’influence. Les champs électriques, d’autre part, peuvent être produits à la pointe d’une minuscule électrode, et ont une très petite zone d’action.

Cela rendra le contrôle des atomes individuels placés dans des dispositifs nanoélectroniques beaucoup plus facile. Morello indique que la découverte bouscule le paradigme de la résonance magnétique nucléaire, une technique largement utilisée dans des domaines aussi disparates que la médecine, la chimie ou les mines.

« La résonance magnétique nucléaire est l’une des techniques les plus répandues en physique moderne, en chimie et même en médecine ou dans les mines. Les médecins l’utilisent pour voir l’intérieur du corps d’un patient dans les moindres détails, tandis que les sociétés minières l’utilisent pour analyser des échantillons de roche. Tout cela fonctionne extrêmement bien, mais pour certaines applications, la nécessité d’utiliser des champs magnétiques pour contrôler et détecter les noyaux peut être un inconvénient ».

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Schéma expliquant le fonctionnement de la résonance magnétique nucléaire sur le spin d’un noyau atomique. Crédits : HUJI

Morello utilise l’analogie d’une table de billard pour expliquer la différence entre le contrôle des spins nucléaires avec des champs magnétiques et électriques. « La résonance magnétique, c’est comme essayer de déplacer une balle particulière sur une table de billard en soulevant et en secouant toute la table. Nous déplacerons la balle prévue, mais également toutes les autres. La résonance électrique, c’est comme posséder une queue de billard pour frapper précisément la balle exactement où vous le voulez ».

Une possibilité suggérée dès 1961

Étonnamment, Morello ignorait complètement que son équipe avait résolu un problème de longue date concernant l’existence d’un moyen de contrôler les spins nucléaires avec des champs électriques, suggéré pour la première fois en 1961 par un pionnier de la résonance magnétique et lauréat du prix Nobel, Nicolaas Bloembergen.

« J’ai travaillé sur la résonance de spin pendant 20 ans de ma vie, mais honnêtement, je n’avais jamais entendu parler de cette idée de résonance électrique nucléaire. Nous avons redécouvert cet effet par un accident complet — il ne me serait jamais venu à l’esprit de le rechercher. Tout le domaine de la résonance électrique nucléaire est presque dormant depuis plus d’un demi-siècle, après que les premières tentatives pour le démontrer se sont avérées aussi difficiles ».

Une découverte réalisée tout à fait par hasard

Les chercheurs avaient initialement entrepris d’effectuer une résonance magnétique nucléaire sur un seul atome d’antimoine — un élément qui possède un grand spin nucléaire. Serwan Asaad, explique : « Notre objectif initial était d’explorer la frontière entre le monde quantique et le monde classique, fixée par le comportement chaotique du spin nucléaire. C’était purement une curiosité, sans application en tête ».

« Cependant, une fois que nous avons commencé l’expérience, nous avons réalisé que quelque chose n’allait pas. Le noyau s’est comporté de manière très étrange, refusant de répondre à certaines fréquences, mais montrant une forte réponse à d’autres. Cela nous a laissés perplexes pendant un certain temps, jusqu’à ce que nous ayons une sorte de révélation et que nous réalisions que nous étions en train de faire de la résonance électrique au lieu de la résonance magnétique ».

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Antenne et atome d’antimoine : la génération inattendue d’un champ électrique

« Ce qui s’est passé, c’est que nous avons fabriqué un appareil contenant un atome d’antimoine et une antenne spéciale, optimisé pour créer un champ magnétique à haute fréquence pour contrôler le noyau de l’atome. Notre expérience exige que ce champ magnétique soit assez fort, nous avons donc appliqué beaucoup d’énergie à l’antenne, et nous l’avons fait exploser ».

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Schéma expliquant comment le champ électrique permet le contrôle d’un spin nucléaire atomique. (A) : Densité de charge de valence près de l’atome Sb+ (or) et ses 16 atomes de Si les plus proches (noir), avec une densité de charge d’isosurface (rouge). (B) : Déformation déplaçant les atomes de Si et les liaisons covalentes entourant le noyau, créant un EFG qui se traduit par un décalage quadripolaire. (D) : Les champs électriques appliqués via une superposition de tensions distordent la répartition des charges, ce qui entraîne à la fois décalages de fréquence linéaires (LQSE) et transitions de spin cohérentes (NER). Crédits : Serwan Asaad, et al. 2020

« Normalement, avec des noyaux plus petits comme le phosphore, lorsque vous faites sauter l’antenne, c’est game over et vous devez jeter l’appareil. Mais avec le noyau d’antimoine, l’expérience a continué de fonctionner. Il s’est avéré qu’après les dommages occasionnés à l’antenne, celle-ci a créé un champ électrique puissant au lieu d’un champ magnétique. Nous avons donc « redécouvert » la résonance électrique nucléaire ».

Vers une électronique quantique plus précise et performante

Après avoir démontré la capacité de contrôler le noyau avec des champs électriques, les chercheurs ont utilisé une modélisation informatique sophistiquée pour comprendre exactement comment le champ électrique influence la rotation du noyau. Cet effort a mis en évidence que la résonance électrique nucléaire est un phénomène microscopique vraiment local : le champ électrique déforme les liaisons atomiques autour du noyau, provoquant sa réorientation.

« Ce résultat historique ouvrira un trésor de découvertes et d’applications. Nous pouvons utiliser cette complexité quantique pour construire des capteurs de champs électromagnétiques avec une sensibilité considérablement améliorée. Et tout cela, dans un simple appareil électronique en silicium, contrôlé par de petites tensions appliquées à une électrode métallique », conclut Morello.

Sources : Nature

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