En vue de ses supposés bienfaits sur la santé, la marijuana ne cesse de gagner en popularité. Cependant, la capacité du cannabis à absorber des substances toxiques dans le sol dans lequel il est planté inquiète les médecins. Une étude révèle que les consommateurs de la drogue présentent des niveaux significativement élevés de métaux lourds (principalement le plomb et le cadmium) dans leur sang et leur urine, les exposants à des risques de santé non négligeables, dont un risque accru de cancer.
Les métaux lourds sont naturellement présents dans la plupart des sols et peuvent être retrouvés dans l’air, l’eau et la nourriture. Cependant, certains sols peuvent présenter des niveaux plus élevés, notamment en raison de la contamination par les pesticides et les rejets industriels. Si toutes les plantes peuvent absorber ces substances, le cannabis est un « hyperaccumulateur » doté d’une capacité d’absorption nettement supérieure. Sa croissance rapide et ses longues et larges racines lui confèrent une incroyable efficacité pour capturer non seulement des métaux lourds, mais également des solvants pétroliers et d’autres produits chimiques toxiques. En outre, il peut s’adapter à de nombreux types de sols et peut tolérer ceux hautement contaminés. Cette capacité est telle qu’il a été utilisé avec succès en tant que purificateur pour les terrains situés autour de l’ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl.
Bien qu’en tant qu’hyperaccumulateur le cannabis possède d’importants avantages environnementaux, sa consommation est préoccupante. Les substances toxiques qu’il absorbe sont retrouvées dans ses feuilles, ses tiges et ses fleurs — les parties les plus prisées par ceux qui l’utilisent. En effet, de fortes concentrations de métaux lourds ont été détectées dans la fumée de cannabis et les dispositifs de vapotage. Les consommateurs sont ainsi couramment exposés à ces composés et ont un risque élevé de développer des maladies cardiopulmonaires, des cancers et des affections neurologiques. Le risque est particulièrement important dans la mesure où même dans les zones réglementées, il n’y a aucun moyen de connaître la provenance de la drogue.
La nouvelle étude, menée par une équipe de l’Université de Columbia, confirme ces précédentes données, en révélant des concentrations anormales de plomb et cadmium dans le sang et l’urine des consommateurs de cannabis. « Des recherches approfondies sur la consommation de cannabis et les contaminants du cannabis, en particulier les métaux, devraient être menées pour répondre aux préoccupations de santé publique liées au nombre croissant de consommateurs », écrivent les auteurs dans leur document. À savoir que la plupart des études antérieures sur le sujet se sont concentrées uniquement sur les niveaux de métaux lourds dans la plante. La présente étude est donc l’une des premières à en évaluer les niveaux directement chez les consommateurs.
Des niveaux sanguins de métaux lourds 27% plus élevés
La nouvelle analyse, détaillée dans la revue Environmental Health Perspectives, a porté sur 7254 personnes ayant consommé ou non de la marijuana au cours des 30 derniers jours (au moins) avant l’étude. Les participants ont été classés comme suit : non-marijuana/non-tabac (témoins), exclusivement marijuana, exclusivement tabac et double consommation (marijuana et tabac). Les niveaux de 5 métaux lourds différents ont été évalués dans le sang des participants par spectrométrie de masse à plasma inductif, tandis que 16 ont été évalués dans l’urine par dosage de la créatinine.
Les consommateurs de marijuana avaient des niveaux nettement plus élevés de plomb et de cadmium que le groupe témoin. Par rapport aux non-consommateurs, les concentrations en plomb de leur sang et leur urine étaient 27% et 21% plus élevées respectivement. Quant au cadmium, les concentrations étaient 22% et 18% plus fortes, dans le sang et l’urine.
S’il n’existe pas vraiment de niveau de plomb dans l’organisme considéré comme sain, il faut préciser que 1,18 microgramme par litre de cadmium a été détecté dans l’urine des personnes consommant exclusivement du cannabis (c’est-à-dire sans tabagisme). Ce niveau urinaire reflète une charge corporelle totale dangereusement élevée, absorbée au cours d’une longue période d’exposition chronique. En guise de référence, sa concentration dans l’eau destinée à la consommation ne doit pas excéder 3 à 5 microgrammes par litre.
Les métaux lourds peuvent provoquer des maladies en se fixant aux cellules et en altérant leur fonctionnement normal. Le cadmium est par exemple étroitement associé aux maladies rénales et au cancer du poumon chez l’Homme et à des anomalies fœtales chez les animaux. Les personnes immunodéprimées consommant de la marijuana (pour soulager les effets indésirables de la chimiothérapie par exemple) sont encore plus exposées à ces risques.
Toutefois, l’étude de l’Université de Columbia n’a pas permis de déterminer si les participants utilisaient du cannabis pour des raisons médicales ou récréatives. Il n’a ainsi pas pu être précisé si les consommateurs de marijuana thérapeutique pouvaient présenter ou non des niveaux plus élevés de métaux lourds. D’autre part, le tabac contient aussi des quantités non négligeables de ces métaux. Les personnes consommant les deux substances sont ainsi potentiellement exposées à des doses encore plus néfastes.
« L’une des choses les plus importantes que je dis aux gens lorsque nous parlons de métaux lourds dans les aliments est d’avoir une alimentation variée », explique l’un des auteurs de l’étude, Tiffany Sanchez, de l’Université de Columbia. « Je ne sais pas comment on pourrait varier l’exposition à la marijuana, mais on peut au moins être conscient qu’il existe différents contaminants environnementaux dans des choses dont nous ne sommes peut-être pas conscients, comme le cannabis », conclut-elle.