Des géologues viennent de découvrir une source volcanique plus profonde que jamais

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Un volcan en éruption, et son orage volcanique. | National Geographic Traveler/Sergio Tapiro Valesco
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Dans les profondeurs extrêmes de notre planète, des scientifiques ont pu repérer une source volcanique jusqu’ici inconnue. Elle se situe à environ 400 kilomètres de profondeur, entre le manteau terrestre inférieur et supérieur, dans ce qu’on appelle la « zone de transition ».

Sous les plages de sable rose des Bermudes, des géoscientifiques de l’Université Cornell ont découvert la première preuve directe que le matériau provenant des profondeurs de la zone de transition du manteau terrestre — une couche riche en eau, en cristaux et en roche fondue — peut percoler jusqu’à la surface pour finalement former des volcans.

Jusqu’à présent, les scientifiques avaient une idée bien précise de la façon dont les volcans se forment, jaillissant des régions en fusion dans le manteau supérieur de la croûte terrestre. Cette nouvelle découverte vient déstabiliser cette croyance et nous indique que les volcans peuvent aussi se former depuis la zone de transition, beaucoup plus en profondeur.

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Les résultats indiquent que le matériau bouillant provenant de cette zone, située entre 400 et 650 km sous la surface de la Terre, peut remonter à la surface jusqu’à être recraché par les volcans. L’étude a été publiée dans la revue Nature.

Partout dans le monde, les volcans se forment généralement lorsque les plaques tectoniques se rencontrent dans un processus de subduction ou d’accrétion, ce qui génère des fractures à la surface de la Terre, par lesquelles le magma s’échappe.

Les volcans d’Hawaï quant à eux, puisent leur matériau dans des points chauds, depuis des profondeurs allant de 200 à 400 kilomètres. Mais selon les résultats du groupe de recherche, le volcan des Bermudes trouve source dans une région riche en eau, en roches en fusion et en cristaux, située beaucoup plus en profondeur. Il faut savoir que les Bermudes, au passé volcanique apparemment bien particulier, reposent sur une formation volcanique éteinte (ou mont sous-marin).

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Il y a environ 30 millions d’années, une perturbation dans la zone de transition du manteau terrestre a fourni le magma ayant conduit à la formation de la fondation volcanique sur laquelle repose l’île des Bermudes. Crédits : Wendy Kenigsberg/ Clive Howard, Université Cornell, Mazza et al. 2019

« Nous nous attendions à ce que nos données montrent que le volcan soit une formation issue de panaches du manteau supérieur – une remontée de matériau depuis le bas du manteau – exactement comme à Hawaï », déclare le géologue Esteban Gazel, de l’Université Cornell. « C’est la première fois que nous trouvons une indication claire montrant que la zone de transition, située au fond du manteau terrestre supérieur, peut permettre la formation de volcans ».

Les géologues ont identifié ces preuves dans un échantillon de base issu d’un long forage aux Bermudes, effectué en 1972. Ce dernier fait plus de 700 mètres de profondeur et constitue une chronologie sans égal de l’histoire géologique de la région. Lorsque les matériaux se déposent, ils forment une couche dans la roche, et c’est ce que les chercheurs peuvent étudier pour reconstruire des événements passés.

Après analyse des échantillons issus de ce forage, à la recherche d’isotopes, d’oligo-éléments, de traces d’eau et de substances volatiles, les scientifiques s’attendaient à ce que leurs résultats montrent que le volcan était dû à une « simple » remontée de matériau depuis le manteau supérieur.

Mais les résultats et conclusions sont bien différents. Il y a 30 millions d’années, la zone de transition se serait érodée, renvoyant de la matière à la surface du manteau supérieur, où elle a créé le mont sous-marin volcanique sur lequel les Bermudes reposent aujourd’hui.

« J’ai d’abord soupçonné que le passé volcanique des Bermudes était spécial, car j’ai échantillonné le noyau et remarqué la diversité des textures et de la minéralogie préservées dans les différentes coulées de lave », déclare Sarah Mazza, géologue de l’Université de Münster.

« Nous avons rapidement confirmé des enrichissements extrêmes dans les compositions en oligo-éléments. C’était passionnant de revoir nos premiers résultats … les mystères des Bermudes commençaient à se dévoiler » ajoute-t-elle.

tranche microscopique echantillon lave volcan bermudes
Vue par microscopie à polarisation croisée d’un échantillon issu d’une carotte de lave refroidie. Le cristal bleu et jaune est de l’augite de titane, entouré d’une masse de minéraux, dont du feldspath, du phlogopite, du spinelle, de la perovskite et de l’apatite. Cet assemblage suggère que la source du manteau – riche en eau – a produit cette lave. Crédits : Gazel Lab/ Université Cornell

Les chercheurs ont donc identifié des cristaux contenant de plus grandes quantités d’eau que l’on en trouve habituellement dans les zones de subduction, les régions aux limites des plaques tectoniques, où le bord de l’une glisse sous l’autre. L’assemblage de minéraux présents dans l’échantillon suggère également la présence d’une grande quantité d’eau.

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Mais ce qui a vraiment permis d’identifier la source de la lave sont les isotopes de plomb, qui étaient d’une variété jamais observée auparavant. Ce sont les isotopes de plomb les plus radiogéniques ayant jamais été identifiés dans un bassin océanique. Le taux étant bien trop élevé pour qu’ils puissent provenir du manteau supérieur. Les chercheurs pensent donc que cela indique une origine plus profonde.

Une modélisation numérique a ensuite permis de déterminer que le scénario le plus probable était une perturbation de la zone de transition, ce qui aurait provoqué la fonte des matériaux et leur infiltration dans les couches supérieures, jusqu’à la surface.

Ces résultats pourront aider à identifier davantage de volcans qui pourraient potentiellement provenir de ces profondeurs terrestres, et aider à comprendre les processus géologiques ayant façonné notre planète.

« Grâce à ces travaux, nous pouvons démontrer que la zone de transition du manteau terrestre est un réservoir chimique extrême », a déclaré Gazel. « Nous commençons tout juste à reconnaître son importance en termes de géodynamique mondiale et même de volcanisme » conclut-il.

Sources : Nature, Université Cornell

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