Grâce à de nouvelles mesures précises, nous avons enfin un aperçu clair de la structure du noyau lunaire — une question qui fait débat depuis des décennies. D’après l’étude, menée par une équipe de chercheurs du CNRS, le cœur de notre satellite naturel est un noyau solide d’environ 258 kilomètres de diamètre et est entouré d’une couche en fusion d’environ 362 kilomètres.
Afin de déterminer la structure interne des planètes et des satellites naturels, l’analyse des données sismiques est la méthode la plus utilisée. La manière dont les ondes acoustiques générées par les secousses sismiques se propagent offre notamment un aperçu détaillé de la structure interne des astres. L’analyse de ces données a par exemple permis de déterminer avec précision la composition du noyau de Mars. Concernant les données sismiques de la Lune, les missions Apollo ont permis d’en collecter, dans les années 1960 et 1970. Cependant, leur faible résolution ne permettait pas de déboucher sur des conclusions précises concernant la structure du noyau lunaire.
Il y a environ 20 ans, des chercheurs ont identifié un noyau externe liquide à l’intérieur de la Lune, par le biais d’analyses de sa rotation. Bien que ces données suggéraient déjà l’existence d’un noyau interne solide, les mesures effectuées n’ont pas permis de confirmer sa présence. Par le biais d’une réévaluation des données Apollo et de nouvelles analyses de mesures télémétriques laser collectées au cours de différentes missions spatiales, la nouvelle étude vient remédier à cette lacune. « Alors que l’évolution de la Lune est discutée, la nature de sa structure profonde vient d’être tranchée », écrivent les chercheurs dans un communiqué.
Une structure similaire à celle du noyau terrestre
Selon la nouvelle étude, parue dans la revue Nature, les données télémétriques analysées fournissent un aperçu des déformations de la Lune engendrées par son interaction gravitationnelle avec la Terre. Les variations de densité et de sa distance par rapport à la Terre ont également été analysées. Des modélisations avec différents types de noyaux ont ensuite été effectuées, ceci afin de déterminer ce qui correspondait aux données collectées. Plus précisément, les données de contraintes géophysiques et géodésiques lunaires ont été croisées avec des simulations thermodynamiques de différentes structures internes.
Les résultats correspondent au scénario de retournement du manteau lunaire. Il s’agit notamment d’un phénomène de déplacement de matériaux au cours duquel les éléments les plus denses se dirigent vers le centre de l’astre, tandis que ceux moins denses remontent vers la surface. Ce phénomène expliquerait la présence de composés riches en fer à la surface de la Lune, au niveau des régions volcaniques. Cette découverte indique également la présence d’une zone à faible viscosité enrichie en ilménite, au centre, juste avant le noyau.
Par ailleurs, les modélisations indiquent une structure fortement similaire à celle du noyau terrestre. L’ensemble du noyau équivaut à 15% de la taille totale de la Lune, soit environ 500 kilomètres de diamètre. Ce diamètre comprend une couche externe fluide de 362 kilomètres environ, au-delà de laquelle se situe un noyau solide d’environ 258 kilomètres de diamètre. Proche de celle du fer, la densité de ce noyau interne (7822 kilogrammes par mètre cube) correspond à celle déduite par l’analyse des déformations de marées.
Les résultats confirment les hypothèses antérieurement émises sur l’existence du noyau solide de la Lune. En 2011, l’une d’elles était par exemple basée sur des analyses étonnamment précises des données Apollo, indiquant la présence d’un noyau interne solide de 240 kilomètres de diamètre d’une densité de 8000 kg/m2.
Des indices sur l’évolution de la Lune
La confirmation de la structure du noyau fournit de précieux indices sur l’évolution de la Lune ainsi que sur les premiers milliards d’années englobant la formation du système solaire. Certains évènements tels que la disparition du champ magnétique lunaire étant notamment encore inexpliqués.
Peu de temps après sa formation, la Lune possédait en effet un champ magnétique cent fois plus fort que celui de la Terre, qui a commencé à s’atténuer il y a environ 3,2 milliards d’années pour devenir quasiment inexistant aujourd’hui. Étant donné que sur Terre le champ magnétique est généré par les mouvements de convection se produisant au sein du noyau externe, la connaissance de la structure de celui de la Lune pourrait fournir des informations précieuses sur ce champ magnétique « disparu ».
« Nos résultats remettent en question l’évolution du champ magnétique lunaire par la démonstration de l’existence du noyau interne et soutiennent un scénario de renversement global du manteau, qui apporte des informations substantielles sur la chronologie du bombardement lunaire au cours du premier milliard d’années du système solaire », concluent les chercheurs dans leur étude.