De nouvelles données du rover chinois Zhurong suggèrent que Mars abritait autrefois des plages sablonneuses bordant un ancien et vaste océan, dans la partie nord de la planète. L’analyse des sédiments souterrains indiquerait des traces d’activité de vents et de vagues correspondant aux littoraux sur Terre. La région pourrait être particulièrement prometteuse pour les futures missions de recherche d’anciennes traces de vie extraterrestre.
Bien que sa surface soit actuellement froide et sèche, Mars présente des caractéristiques géologiques, des cycles saisonniers et un cycle jour-nuit fortement similaires à ceux de la Terre. Cela en fait un analogue unique concentrant une grande partie de la recherche de la vie extraterrestre.
Un grand nombre de recherches ont mis en évidence des caractéristiques géologiques indiquant que la planète disposait autrefois d’un riche réseau hydrographique. Cela va de réseaux de vallées aux bassins lacustres fermés ou ouverts, en passant par des deltas et des réserves d’eau souterraines. La sonde Mariner 9 a mis en évidence les premières preuves de ce réseau, dans les années 1970, en capturant les images de gigantesques canyons striant la surface de la planète.
Cependant, la question de savoir si ce réseau incluait également des océans fait l’objet de débats. Des images satellites collectées au niveau des basses terres du nord de la planète ont suggéré la présence de paléolittoraux. Les données suggèrent que ces structures bordaient des océans qui couvraient près d’un tiers de la surface martienne. Cependant, cette hypothèse a été remise en question en raison de variations topographiques inexpliquées, notamment des différences d’altitude irrégulières qui ne correspondent pas aux profils côtiers terrestres.
D’autre part, des chercheurs suggèrent que Mars n’a jamais connu de marées, car Phobos et Deimos – ses deux satellites naturels – seraient trop petits pour générer de tels phénomènes. Ainsi, même si la planète avait eu des océans, ils auraient été petits en comparaison de ceux de la Terre. En outre, la présence d’océans vastes impliquerait une atmosphère humide et épaisse pouvant générer suffisamment de vents pour soulever des vagues.
Les chercheurs de l’Académie chinoise des sciences et de l’Université d’État de Pennsylvanie affirment avoir trouvé des indices solides suggérant que la planète abritait autrefois une vaste étendue d’eau. « Nous avons découvert des endroits sur Mars qui ressemblaient autrefois à des plages et à d’anciens deltas fluviaux », explique dans un communiqué Benjamin Cardenas, de l’Université d’État de Pennsylvanie, coauteur de l’étude. « Nous avons trouvé des traces de vents, de vagues et pas de pénurie de sable : une véritable plage de vacances », affirme-t-il. Des chercheurs de l’Université de Guangzhou et de l’Université Tongji de Shanghai ont également participé à la recherche.
Des similitudes frappantes avec les littoraux terrestres
Le rover chinois Zhurong a atterri sur Mars en 2021 au niveau de la partie sud d’Utopia Planitia, dans le nord de la planète. Cette zone a été sélectionnée pour l’atterrissage du rover car elle se situe à proximité de la région des présumés paléolittoraux précédemment cartographiés. La mission consistait donc à déterminer s’il s’agissait véritablement ou non de paléolittoraux.
Contrairement aux autres rovers, Zhurong est équipé d’un radar à la fois à basse et à haute fréquence pouvant pénétrer le sol, au lieu de racler uniquement la surface. Cela permet d’identifier les formations rocheuses et sédimentaires enfouies sous la surface, offrant ainsi la possibilité de reconstituer un profil plus complet de l’histoire géologique de la planète.
D’après l’étude détaillée dans la revue PNAS, les données du radar indiquent des similitudes frappantes avec les littoraux terrestres. La zone présenterait des structures en couches dites « dépôts littoraux », descendant en pente vers un vaste bassin qui aurait pu autrefois abriter un océan. Ce type de structures se forme lorsque des sédiments sont transportés par les marées ou les vagues vers les rivages.
« Cela nous a immédiatement interpellés, car cela suggère qu’il y avait des vagues, ce qui signifie qu’il y avait une interface dynamique entre l’air et l’eau », affirme Cardenas. Les chercheurs excluent les autres origines potentielles de ces structures en pente, notamment d’anciens cours d’eau, le vent pouvant déplacer le sable ou une ancienne activité volcanique – des phénomènes généralement responsables de formations similaires sur d’autres régions martiennes. Les angles d’inclinaison des pentes se situeraient exactement dans la fourchette de ceux observés sur nos côtes. L’épaisseur des sédiments indiquerait également une origine côtière.
Par ailleurs, l’équipe a constaté que le littoral a évolué au fil du temps. Alors que la surface de Mars est généralement considérée comme relativement statique, les données de Zhurong suggèrent qu’elle était dynamique. Les interactions avec l’eau déplaçaient les sédiments, érodaient le sol et façonnaient l’ensemble du paysage.
Ces nouvelles données suggèrent que Mars était beaucoup plus humide qu’on ne le pensait et renforcent les précédentes hypothèses de la présence d’un océan couvrant autrefois le nord de la planète. Cela concorde également avec les résultats d’une étude récente indiquant la présence de traces de vagues fossilisées.
Elles pourraient en outre éclairer les futures missions in situ pour la recherche de la vie extraterrestre. Sur Terre, les premières formes de vie connues se sont développées au niveau des zones d’interaction entre la terre et la mer. « Donc cela dresse le portrait d’anciens environnements habitables, capables d’abriter des conditions favorables à la vie microbienne », conclut Cardenas.