Plutôt que d’établir les bases de la colonisation de Mars selon la vision d’Elon Musk, le PDG de Tesla, les robots humanoïdes de la société finiraient en carcasses inutilisables une fois sur la planète, selon un éminent expert en robotique. Ils seraient loin d’être autonomes pour des applications utiles sur Terre, et encore moins sur Mars. En d’autres termes, les performances actuelles restent très en deçà du calendrier ambitieux prévoyant l’envoi des premiers robots sur Mars d’ici fin 2026.
La robotique et l’intelligence artificielle constituent aujourd’hui les principaux axes de recherche de Tesla. L’entreprise a par exemple bénéficié d’importants investissements dans les robotaxis autonomes. Musk prévoyait que ce service ferait augmenter la valeur de l’entreprise de plusieurs milliers de dollars, mais les voitures n’ont jusqu’ici pas démontré leur capacité à se déplacer sans assistance humaine.
Depuis quelques années, la société concentre également ses efforts sur le développement de sa série de robots humanoïdes Optimus. Tesla a récemment diffusé plusieurs démonstrations où le robot manipule des objets délicats, comme des œufs, ou exécute des mouvements complexes tels que le kung-fu. Musk a annoncé un objectif de production de 100 000 exemplaires par mois d’ici l’année prochaine.
Mais, comme souvent avec le célèbre milliardaire, les performances observées ne correspondent pas toujours aux ambitions annoncées. Une vidéo publiée le mois dernier montrait par exemple qu’Optimus demeurait limité en fluidité de mouvement et mettait du temps à exécuter des commandes simples. D’autre part, le secteur émergent de la robotique humanoïde n’a pas encore démontré sa viabilité économique.
Les robots Optimus s’inscrivent dans la vision de Musk visant à coloniser Mars. Il a annoncé, en avril dernier, qu’ils seraient envoyés sur la planète à bord d’un vaisseau Starship d’ici la fin de l’année prochaine, afin d’établir les bases d’une colonisation humaine à grande échelle.
Il a toutefois tempéré ses déclarations en août dernier, admettant que des améliorations restaient nécessaires. « Il est plus probable qu’un premier vol sans humains ait lieu dans environ 3,5 ans, et le prochain vol avec des humains dans environ 5,5 ans. La ville martienne sera autonome d’ici 20 à 30 ans », a-t-il écrit sur son compte X. Malgré ces réajustements, de nombreux spécialistes jugent la feuille de route de Musk excessivement optimiste.
Des robots humanoïdes encore loin de l’autonomie
Malgré les tentatives d’ajustement de calendrier de Musk, celui-ci demeure peu réaliste, selon Christian Hubicki, chercheur et directeur de l’Optimal Robotics Laboratory à l’université d’État de Floride. « Les humanoïdes tombent. Ils se cassent. Leur code plante », explique-t-il à Forbes. « Le domaine de la robotique a fait d’énormes progrès avec les humanoïdes, élargissant leurs compétences et réduisant les coûts, mais la fiabilité reste un obstacle majeur », ajoute-t-il. « À l’heure actuelle, les humanoïdes ne sont pas suffisamment fiables pour être autonomes sur Terre, et encore moins sur Mars. »
À noter que la série Optimus ne serait pas la première à envoyer des robots humanoïdes dans l’espace. Tesla cherche en effet à suivre l’exemple du Robonaut 2 (R2) de la NASA, un robot conçu à l’image des astronautes et testé à bord de la Station spatiale internationale (ISS) en 2011.
R2 a été conçu pour interagir avec les astronautes et les assister dans diverses tâches, grâce à des processeurs, un ensemble de caméras, un scanner LIDAR — un capteur actif utilisant des faisceaux laser pour mesurer les distances et modéliser en 3D l’environnement — et un système de reconnaissance d’images alimenté par l’intelligence artificielle.
Cependant, R2 n’est pas entièrement autonome et reste piloté à distance depuis la Terre. « Les robots humanoïdes ne sont pas entièrement nouveaux dans l’espace, mais seulement dans les stations spatiales où les humains sont déjà présents pour les réparer », souligne Hubicki. « Mars, c’est une autre histoire », estime-t-il.
Mars, un terrain d’épreuve sans filet
En effet, dans leur état actuel de développement, des robots comme Optimus ne disposent pas de l’autonomie nécessaire pour mener seuls des missions sur un terrain aussi lointain et imprévisible que Mars. Contrairement au R2, il n’y aurait aucun astronaute pour les dépanner, et le rapatriement de pièces détachées depuis la Terre serait, d’un point de vue logistique, tout simplement irréaliste.
« Dans l’espace, la fiabilité est primordiale [et] sur Mars, c’est une question de vie ou de mort », insiste le chercheur. « Sans un bond technologique majeur en matière de fiabilité des humanoïdes, un robot non accompagné sur Mars ne serait pas fonctionnel longtemps », conclut-il.
Il faut également rappeler que Tesla prévoit d’envoyer ces robots à bord d’un vaisseau Starship. Or, la mégafusée a connu plusieurs échecs de lancement et n’a pas encore réussi à atteindre une orbite stable. De ce fait, le calendrier envisagé par Musk pour le déploiement de ses robots sur Mars apparaît excessivement ambitieux.
Hubicki précise néanmoins qu’envoyer des robots humanoïdes sur Mars, ou ailleurs dans l’espace, n’est pas impossible. « Il existe des approches de recherche intéressantes pour envoyer des robots non accompagnés sur Mars pour construire un habitat [humain], mais ces solutions en sont encore au stade de concept », conclut-il.