La matière manquante des galaxies aurait été « trouvée », mais une telle quantité remet en question les théories

problème baryons manquants milieu circumgalactique
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Le « problème des baryons manquants » est une énigme d’astrophysique liée au fait que la quantité de matière baryonique (matière ordinaire) recensée dans l’Univers observable ne correspond pas aux prévisions théoriques. Ce problème est considéré aujourd’hui comme résolu : plusieurs études ont suggéré que la matière manquante se trouverait en réalité dans le milieu circumgalactique. Cette découverte entraîne cependant une nouvelle incohérence : en théorie, cette matière ne devrait pas se trouver là.

D’après les modèles cosmologiques, la densité d’énergie de l’Univers devrait être composée à 5% environ de matière ordinaire (la matière dite baryonique) — tout le reste étant constitué de matière et d’énergie noires. Cependant, le recensement de la matière baryonique (soit les galaxies, les étoiles, les planètes, les trous noirs, le gaz interstellaire, etc.) aboutit à une quantité légèrement inférieure à la moitié de sa valeur théorique. En particulier, les disques galactiques, y compris celui de la Voie lactée, n’hébergent que 20% de la matière baryonique attendue.

Plusieurs études menées ces dernières années ont suggéré que près de la moitié de cette matière manquante se trouvait dans le milieu circumgalactique froid — une région liée gravitationnellement au halo d’une galaxie, sur des distances d’au moins dix fois la taille du disque galactique. En revanche, l’autre moitié est longtemps restée insaisissable. Une équipe, menée par Fabrizio Nicastro, astronome à l’Institut national d’astrophysique en Italie, a annoncé avoir trouvé le reste de la matière manquante : celle-ci se trouverait dans une phase gazeuse beaucoup plus chaude du milieu circumgalactique.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un gaz chaud d’une centaine de milliards de masses solaires

Le mystère a été déclaré comme résolu en 2017 : deux groupes de scientifiques ont en effet annoncé avoir trouvé où se nichait cette matière manquante. Les deux équipes, dont l’une dirigée par Fabrizio Nicastro, expliquent (dans Nature et dans Astronomy & Astrophysics), que les baryons manquants se situent dans les filaments de gaz chaud qui relient les galaxies entre elles.

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont exploité les spectres de rayons X de trois galaxies, obtenus par les télescopes spatiaux XMM-Newton et Chandra. Il était toutefois impossible de détecter la matière baryonique dans chacune de ces galaxies individuellement (les émissions étant bien trop faibles). L’équipe a donc recouru à la technique de l’empilement — qui consiste à empiler plusieurs images pour amplifier le signal d’un objet. Ils ont ainsi empilé les observations des trois galaxies pour mesurer la lumière cumulée émise.

Les données ont montré que du gaz plus chaud — de masse équivalente à un peu plus d’une centaine de milliards de masses solaires — se mêlait au gaz froid du milieu circumgalactique. Pour Fabrizio Nicastro, cette masse est suffisante pour expliquer la masse manquante dans les galaxies. « Nos mesures contribuent de manière significative à la résolution du problème des baryons manquants dans les galaxies et à la compréhension du cycle continu des baryons dans et hors des galaxies tout au long de la vie de l’univers », conclut l’équipe.

Cependant, ces résultats remettent en question les modèles décrivant la formation et l’évolution des galaxies.

Une matière « manquante »… qui ne devrait pas l’être

En effet, les simulations suggèrent qu’à leur naissance, les jeunes galaxies disposent de toute la matière prédite par les modèles théoriques ; mais lors d’événements à haute énergie (tels que la formation ou les explosions d’étoiles), de la matière baryonique est susceptible d’être éjectée du milieu galactique. Par conséquent, la matière considérée comme manquante devrait avoir complètement disparu — et donc, ne pas se trouver dans le milieu circumgalactique.

Les auteurs de l’étude soulignent que leur découverte des baryons manquants a des conséquences importantes sur la compréhension des processus de rétroaction galaxie-milieu circumgalactique et galaxie-milieu intergalactique tout au long de la vie de l’Univers. « La rétroaction de l’activité interne a permis de polluer le milieu circumgalactique en métaux et peut-être d’entraver son refroidissement, mais elle n’a pas été suffisante pour expulser une fraction significative des baryons au-delà [du rayon viriel] », précisent-ils dans leur article de préimpression.

Si les résultats de l’équipe sont confirmés, les scientifiques devront ainsi repenser le fonctionnement des galaxies à grande échelle.

Il se pourrait toutefois que le traitement et l’interprétation des données comportent trop d’approximations. Un modèle plus précis de la répartition exacte de la matière pourrait potentiellement modifier la quantité supposée. Pour interpréter ces données de manière plus approfondie, des simulations très détaillées devront être comparées aux observations du halo de la Voie lactée — la seule galaxie dont les astronomes peuvent examiner en détail le milieu circumgalactique.

Quelques autres observations avec des instruments aussi puissants que XMM-Newton et Chandra pourront éventuellement aider à confirmer les résultats, mais des instruments plus sophistiqués seront nécessaires pour examiner plus avant la matière présente dans le milieu circumgalactique. Il faudra donc sans doute patienter encore quelques années avant que le mystère ne soit complètement résolu.

Source : F. Nicastro et al., arXiv

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