Une nouvelle étude démontre comment un mauvais sommeil peut obstruer vos artères et favoriser les maladies cardiovasculaires

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Un sommeil agité est mauvais pour votre esprit, votre corps, et votre cœur. En effet, mal dormir peut augmenter le risque d’obstruction des artères, ce qui peut ensuite provoquer un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque. Jusqu’à présent, le lien entre ces deux éléments n’était pas évident, mais une étude menée sur des souris a permis de révéler un lien basé sur les signaux que le cerveau envoie à la moelle osseuse. Si ce fonctionnement est le même chez l’être humain, alors ce mécanisme pourrait aider à expliquer le lien entre le sommeil et d’autres maladies, telles que l’obésité ou le cancer.

Cette nouvelle étude sur les souris ouvre la porte à des études menées sur les êtres humains, qui pourront ensuite aider à déterminer quels types d’individus présentent le plus de risques. Car « toutes les personnes privées de sommeil ne développent pas une maladie cardiovasculaire », explique Namni Goel, neuroscientifique du comportement à la faculté de médecine Perelman de l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie (USA), et qui n’a pas participé à l’étude.

Il faut savoir que dans le cas de nombreuses formes de maladies cardiovasculaires, des dépôts graisseux s’accumulent sur les parois des artères et provoquent l’apparition de plaques d’athérome (qui est une maladie elle-même appelée athérosclérose), ce qui peut provoquer la rupture des artères et générer ainsi un accident vasculaire cérébral, ou une crise cardiaque.

Les cellules immunitaires, en particulier les globules blancs (appelés monocytes), jouent également un rôle clé dans ce processus. En effet, les globules blancs affluent vers les sites où ces dépôts graisseux ont endommagé les vaisseaux sanguins, et peuvent même contribuer à la formation de la plaque.

Dans le but d’en apprendre davantage sur le lien connu entre le sommeil et les maladies cardiaques, l’immunologiste Filip Swirski, de la faculté de médecine de Harvard ainsi que des chercheurs du Massachusetts General Hospital de Boston, ont cherché à savoir si le sommeil déclenchait en quelque sorte un processus immunitaire à l’origine de cette accumulation dangereuse.

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Les artères des souris ayant un sommeil interrompu (à droite) démontrent une accumulation plus importante (générant des plaques – en rouge) que les souris ayant un sommeil tranquille et sain. Crédits : C.S. McAlpine/Et.Al./Nature 10.1038 (2019)

Dans le cadre de leur étude, Swirski et ses collègues ont analysé des souris génétiquement prédisposées aux plaques artérielles de ce type. Afin de perturber leur sommeil, les chercheurs ont placé les souris dans une cage où une barre de métal glissait périodiquement sur le sol, durant les 12 heures où les souris devaient se reposer.

De ce fait, toutes les 2 minutes, les souris sentaient le mouvement de la barre et devaient se lever pour la franchir. Bien que cette technique puisse sembler agressive, Swirski affirme qu’il s’agit de l’une des techniques d’interruption du sommeil les « moins stressantes » que les chercheurs aient pu imaginer pour régulièrement réveiller les souris et les empêcher de dormir correctement. Ce dernier pense que cette configuration ressemble à un « réveil constant, comme s’il y avait un bébé à la maison ».

Comparées à leurs homologues assoupies, les souris ayant subi ce sommeil fragmenté pendant 12 semaines, présentaient des plaques plus grandes dans leurs artères et montraient des taux plus élevés de deux types de globules blancs dans leur sang, les monocytes et les neutrophiles.

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Grâce à cela, les chercheurs ont découvert que ces cellules immunitaires en excès étaient produites par des cellules souches se trouvant dans la moelle osseuse, mais ils ne savaient pas pourquoi ces cellules souches étaient si actives.

C’est pour cette raison que les scientifiques ont souhaité se pencher sur l’hypothalamus, une partie du cerveau impliquée dans la régulation de l’insomnie. L’hypothalamus produit des neurotransmetteurs (des molécules de signalisation) appelés hypocrétines (ou orexines) : ces derniers étaient justement bien moins présents dans les cerveaux des souris qui avaient un sommeil dérangé.

Découvertes en 1998 comme étant des simulatrices de l’appétit, les hypocrétines favorisent également l’insomnie, et les neurones qui les génèrent sont déficients dans le cerveau des personnes atteintes de narcolepsie (maladie caractérisée par un temps de sommeil excessif et des crises de somnolence fréquentes).

L’équipe de Swirski a également découvert que d’autres souris génétiquement incapables de fabriquer de l’hypocrétine avaient également plus de cellules immunitaires dans le sang. Les chercheurs ont donc suggéré que l’hypocrétine pourrait constituer un frein important à la production de cellules immunitaires.

Puis, l’équipe a recherché dans la moelle osseuse de souris, des cellules présentant un récepteur d’hypocrétine à leur surface. Ils ont alors découvert que les cellules sensibles à l’hypocrétine étaient en réalité un sous-ensemble de globules blancs. De plus, l’hypocrétine semble limiter la production d’une protéine favorisant la croissance, qui pousse les cellules souches de la moelle osseuse à produire plus de cellules immunitaires.

« L’épuisement de l’hypocrétine freine donc la production de cellules immunitaires, qui se retrouvent ensuite dans le sang et obstruent davantage les artères », a rapporté l’équipe de recherche. « Pourquoi est-ce que le corps aurait-il ce type de signalisation cerveau-os ? Fabriquer des cellules immunitaires coûte de l’énergie, et durant les heures éveillées, un animal a besoin de cette énergie pour d’autres activités… », se demande Swirski.

Bien entendu, « ce n’est très certainement pas l’unique lien entre un mauvais sommeil et les maladies cardiovasculaires. Mais cela pourrait nous aider à expliquer ce risque accru observé chez les humains », explique José Ordovás, généticien à la Tufts University de Boston, dont l’équipe de recherche a récemment découvert que les personnes qui dorment trop, ou pas bien, risquent davantage de développer une athérosclérose.

Selon deux médecins de l’Université Columbia, le chercheur Alan Tall et le spécialiste du sommeil Sanja Jelic, « cette nouvelle étude suggère qu’un médicament qui bloque les récepteurs de l’hypocrétine pourrait augmenter le risque de maladies cardiovasculaires ».

Il est clair qu’à l’heure actuelle, très peu de scientifiques sont prêts à suggérer, sur le seul modèle des souris, que l’administration d’une dose d’hypocrétine constituerait un bon traitement pour l’athérosclérose chez les êtres humains. En effet, de nombreuses autres recherches devront être menées sur le sujet avant de pouvoir envisager un tel traitement.

Source : Nature

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