Des scientifiques identifient un microbe qui pourrait permettre d’éradiquer le paludisme

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Le COVID-19 occupe l’actualité depuis des semaines, mais d’autres maladies infectieuses continuent de faire des ravages. Parmi elles, le paludisme (ou malaria), qui a causé la mort de 405’000 personnes en 2018 selon l’OMS, dont 67% d’enfants de moins de cinq ans… Lutter contre les moustiques, à grand renfort d’insecticides, est le meilleur moyen de prévenir l’infection. Mais des chercheurs ont peut-être mis le doigt sur une solution alternative : ils ont découvert chez le moustique un microbe capable de bloquer la transmission de la maladie.

L’Organisation mondiale de la santé estime à 228 millions le nombre de cas de paludisme dans le monde ; la maladie sévit principalement en Afrique subsaharienne (93% des cas), notamment au Nigeria et en République démocratique du Congo. Elle est causée par la transmission d’un parasite par des piqûres de moustiques infectés (des femelles, de l’espèce Anopheles). Les premiers symptômes (fièvre, maux de tête) peuvent rapidement évoluer vers une affection sévère (anémie, détresse respiratoire), voire mortelle.

Une méthode naturelle pour empêcher l’infection

Il existe plus de 400 espèces de moustiques Anopheles ; une trentaine sont des vecteurs importants du paludisme. En étudiant de près ces insectes indésirables, une équipe de chercheurs a découvert la présence d’un nouveau type de microbe unicellulaire sporulé, capable de bloquer la transmission de Plasmodium falciparum, le parasite responsable de la maladie. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.

Or, ce microbe, qu’ils ont baptisé Microsporidia MB, ne semble pas néfaste pour le moustique lui-même (ou du moins, ne lui cause pas de dommage évident). Localisé dans l’intestin moyen et les ovaires des moustiques, il n’est pas associé à des réductions significatives de la fécondité ; une bonne nouvelle lorsque l’on sait que la plupart des microsporidiens de moustique ont un effet stérilisant sur les femelles. En d’autres termes, il pourrait être envisageable d’augmenter sa prévalence au sein des populations de moustiques pour inhiber la transmission de la maladie, sans pour autant nuire à l’espèce.

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Le symbiote Microsporidia MB n’a aucun impact néfaste sur la santé du moustique hôte, que ce soit sur le nombre d’œufs pondus (a) ou sur le taux de survie des individus (d). Les chercheurs ont observé que la période de développement de l’œuf à l’adulte est néanmoins plus courte chez les porteurs du microbe (b et c). Enfin, l’intensité microbienne varie tout au long du cycle de vie du moustique (e) ; elle augmente à l’âge adulte.

Le micro-organisme Microsporidia MB a été identifié chez l’espèce Anopheles arabiensis, au Kenya. Il se trouve que parmi les moustiques prélevés sur le terrain – dans leur environnement naturel, sur les rives du lac Victoria – les individus porteurs du microbe n’hébergeaient pas le parasite du paludisme en eux. Puis, lors d’une infection expérimentale en laboratoire, lorsque ces mêmes moustiques se sont abreuvés de sang infecté, les individus avec Microsporidia MB présentaient des taux d’infection réduits et aucun signe du parasite Plasmodium falciparum n’a été détecté.

Un symbiote pas assez répandu

Cette découverte n’est pas tout à fait inédite : l’utilisation d’un microbe de moustique pour endiguer une maladie a déjà fait ses preuves. Un genre de bactérie, appelé Wolbachia, est déjà utilisé pour éliminer la dengue et d’autres infections transmises par les moustiques, tels que le Zika et le chikungunya. « Le symbiote Microsporidia MB a des caractéristiques similaires, ce qui en fait une perspective intéressante pour développer des approches comparables de lutte contre le paludisme », explique Steven Sinkins, microbiologiste à l’Université de Glasgow et co-auteur de l’étude.

La piste est donc intéressante. Mais Microsporidia MB, qui se transmet par le moustique femelle à sa progéniture, n’est pas répandu à grande échelle, au-delà des populations locales. L’équipe à l’origine de l’étude a en effet constaté que certaines zones testées comptaient seulement entre 0 et 9% de moustiques porteurs du microbe anti-paludisme. Ils ont néanmoins observé que la prévalence de Microsporidia MB varie selon les conditions environnementales : la plus grande proportion de moustiques porteurs du microbe a été observée en janvier et en juin (de 4 à 6 semaines après le pic des précipitations saisonnières).

Les chercheurs souhaitent désormais approfondir leurs recherches pour découvrir le moyen d’augmenter la présence du Microsporidia MB chez les Anopheles et ainsi, réduire les risques de contracter le paludisme. « La prochaine phase de recherche examinera la dynamique de Microsporidia MB dans de grandes populations de moustiques, au sein d’installations spécifiques équipées de moustiquaires », a déclaré Jeremy Herren, microbiologiste au Centre international de physiologie et d’écologie des insectes, au Kenya.

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Si le nouveau coronavirus est actuellement au cœur des priorités mondiales, la lutte contre le paludisme demeure un défi sanitaire tout aussi urgent, d’autant qu’elle est mise à mal depuis l’apparition du COVID-19. L’OMS a récemment déclaré dans un communiqué que la pandémie de COVID-19 avait un grave impact sur les services de prévention et de traitement du paludisme. Les campagnes de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide et l’accès aux antipaludéens sont notamment fortement perturbés. De ce fait, l’organisation craint, pour cette année, un doublement des décès imputables au paludisme en Afrique subsaharienne.

La distribution à grande échelle de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII), au cours des 15 dernières années, a permis de réduire les cas de paludisme d’environ 40%. Mais depuis 2016, les progrès semblent stagner et aucune baisse notable du nombre de cas de contamination n’a été enregistrée. Les recherches de Herren et ses collègues pourraient donc véritablement changer la donne.

Source : Nature Communications, Herren et al.

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