Une nouvelle étude met en lumière le rôle du microbiote intestinal dans le trouble de l’anxiété sociale (TAS), l’un des troubles anxieux les plus invalidants. Des souris chez lesquelles le microbiote de patients TAS a été transplanté par voie fécale présentaient notamment une sensibilité accrue lors de la sociabilisation. D’autre part, cela était également associé à des déficits immunitaires et hormonaux. Ces résultats corroborent l’influence majeure de l’axe intestin-cerveau sur les comportements sociaux et pourraient découler sur de nouvelles possibilités de thérapie pour le TAS.
Faisant partie de la grande famille des troubles anxieux, le TAS (ou phobie sociale) est un trouble psychiatrique souvent mésestimé qui se caractérise par une peur ou une anxiété excessive face aux scénarios sociaux. Il survient généralement à un âge précoce (enfance ou adolescence) et a un impact non négligeable tout au long de la vie. On estime qu’environ 13 % de la population mondiale souffre de TAS à un moment donné au cours de la vie.
Cependant, les mécanismes neurophysiologiques sous-jacents demeurent en grande partie incompris. Cela implique que les traitements pharmacologiques disponibles actuellement sont limités et souvent inefficaces.
Récemment, des études ont suggéré une implication du microbiote intestinal. En effet, un nombre croissant de recherches mettent au jour une influence significative de l’axe intestin-cerveau dans différents processus cérébraux et comportementaux. Cette influence est étayée par un grand nombre de travaux suggérant une association avec divers troubles et maladies neurologiques, tels que les troubles du spectre de l’autisme, Parkinson et Alzheimer.
Une équipe de l’University College de Cork (en Irlande) a récemment relevé que la composition du microbiote intestinal de patients souffrant de TAS diffère de celle de personnes saines du même âge. Leur nouvelle étude, publiée sur la plateforme PNAS, visait à corroborer cette corrélation en améliorant notamment la compréhension des changements survenant au niveau du microbiote des patients TAS ainsi que leur association potentielle avec le trouble. « Une telle analyse corrélative nécessite de comprendre si les changements de composition observés peuvent être mécaniquement liés à la peur ou à l’anxiété sociale », ont écrit les chercheurs dans leur document.
Une sensibilité accrue à la peur sociale
Afin d’explorer plus avant l’implication du microbiote intestinal dans la pathogénicité du TAS, les experts ont transplanté à des souris des inocula fécaux provenant de 6 donneurs TAS et de 6 autres donneurs sains. En effet, des recherches antérieures sur la dépression majeure et l’anxiété ont montré que la transplantation de microbiote fécal permettait de transférer au receveur les caractéristiques psychologiques et physiologiques spécifiques à ces troubles. Avant de recevoir les inocula, les 72 souris adultes sélectionnées pour l’étude ont d’abord subi un traitement antibiotique afin d’épuiser leur microbiote naturel.
Les séquençages des bactériomes des modèles murins ont montré une modification significative entre les groupes TAS et témoins. Les premiers groupes présentaient notamment des niveaux différents de trois espèces bactériennes spécifiques au TSA dans leurs selles. Ces changements confirment les précédentes observations montrant que le transfert de microbiote conduit à une recolonisation différentielle, c’est-à-dire au transfert de caractéristiques microbiotiques spécifiques au trouble.
Dans un deuxième temps, après la recolonisation de leur microbiote, la peur sociale, la sociabilité, les comportements anxieux ainsi que l’adaptation au stress des souris, ont été évalués. Pour ce faire, les chercheurs ont étudié la peur sociale chez les rongeurs en leur administrant de petites décharges électriques lorsqu’ils s’approchaient de leurs congénères. Il leur suffisait ensuite d’observer comment elles réagissaient lorsque les décharges n’étaient pas appliquées.
Les résultats ont révélé que celles transplantées avec le microbiote TAS semblaient éviter le plus possible les autres souris. « Elles n’ont jamais complètement récupéré pour pouvoir à nouveau être sociales », a expliqué à The Guardian le coauteur de l’étude, John F. Cryan, de l’University College de Cork. En revanche, celles témoins manifestaient à nouveau rapidement de la curiosité envers leurs semblables, malgré la précédente instauration de la peur sociale avec les chocs électriques. Par ailleurs, les souris TAS présentaient également une diminution des fonctions immunitaires ainsi qu’une réduction des niveaux d’ocytocine neuronale, une hormone impliquée dans la gestion du stress et des comportements sociaux.
En vue de ces constats, l’équipe affirme que le microbiote intestinal pourrait effectivement jouer un rôle causal dans les comportements anxieux du TAS. Toutefois, bien que l’étude fournisse une piste prometteuse pour le développement de nouveaux traitements, des recherches plus approfondies seront nécessaires afin de pouvoir identifier une cible plus spécifique à cette fin. En attendant, les chercheurs suggèrent de prendre soin de notre microbiote intestinal en consommant par exemple plus d’aliments riches en fibres et en probiotiques.