Identification de 10 genres de microbes intestinaux spécifiquement liés à Alzheimer

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Alors que l’on suspecte une forte implication du microbiote intestinal dans la neurodégénérescence, cette association n’est pas encore véritablement confirmée. Dans ce sens, l’une des plus vastes méta-analyses à ce jour met en lumière un groupe de 10 genres de microbes intestinaux spécifiquement liés à Alzheimer. Ces populations pourraient servir de biomarqueurs pour le diagnostic précoce de la maladie et constituer des cibles thérapeutiques potentiellement prometteuses.

Malgré la constante augmentation de la prévalence d’Alzheimer au niveau mondial, les véritables mécanismes régissant la maladie demeurent toujours insaisissables. Cette incompréhension entrave considérablement le développement de traitements, qui ne permettent pour le moment que de ralentir légèrement la progression.

Récemment, il a été avancé qu’une étroite corrélation entre la dysbiose du microbiote intestinal (faisant référence à l’ensemble du génome du microbiote) et la neuroinflammation serait à l’origine de la pathologie. En effet, on pense que le microbiote intestinal peut moduler certaines fonctions cérébrales par le biais de l’axe microbiote-intestin-cerveau (MGBA) — une voie de communication bidirectionnelle. De ce fait, les altérations du microbiote pourraient influencer non seulement différents troubles intestinaux, mais également d’autres affections neurodégénératives, telles que Parkinson.

Des analyses observationnelles menées à travers plusieurs pays ont révélé une réduction de la diversité microbienne au niveau des intestins de patients atteints d’Alzheimer. D’autres rapportent que certaines populations peuvent sécréter des lipopolysaccharides (LPS) et des amyloïdes, pouvant conduire à l’activation microgliale dans le cerveau et contribuer à la production de cytokines pro-inflammatoires, associées la maladie. Ces composés nuisent également à l’intégrité de l’axe MGBA ainsi qu’à celle de la barrière hémato-encéphalique. Par ailleurs, la biodiversité du microbiote intestinal influencerait l’expression de l’apolipoprotéine E ε4 (APOE rs429358) — un gène récemment identifié comme étant un important facteur de risque d’Alzheimer.

Pour l’heure, peu d’études ont exploré l’association entre les allèles de risque de la maladie et les taxons microbiotiques intestinaux suspectés. Une nouvelle étude menée par l’Université du Nevada visait à déterminer la corrélation génétique entre l’abondance des genres microbiens intestinaux et le diagnostic d’Alzheimer. Elle analyse également si ces populations sont liées à l’expression d’APOE rs429358. Les résultats, disponibles dans la revue Scientific Reports, seraient les plus complets du genre à ce jour.

Présence de genres à risque et de genres protecteurs

Dans le cadre de leur analyse, les chercheurs se sont basés sur le score de risque polygénique (PRS). Il s’agit d’une estimation globale de la responsabilité génétique d’un individu ou d’un taxon pour une caractéristique spécifique. Une application a été spécialement conçue pour calculer les PRS, en rassemblant et en quantifiant l’effet de nombreux polymorphismes mononucléotidiques (SNP) au niveau du génome. Le SNP est la variation d’une seule paire de bases entre les individus d’une même espèce, ou entre un individu et la séquence génomique de référence de l’espèce. Cette technique a déjà été utilisée pour évaluer la relation génétique entre l’abondance du microbiote intestinal et des caractéristiques physiopathologiques, telles que la perte de densité osseuse et la dépression.

Pour la nouvelle étude, le PRS a été utilisé pour déterminer la relation génétique entre 119 genres microbiens précédemment suspectés et le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Les données ont été obtenues grâce au consortium MiBioGen, la plus grande méta-analyse multiethnique à l’échelle du microbiote intestinal. Elles comprenaient 24 cohortes multiethniques incluant 18 340 participants au total.

Une première série d’analyses a révélé que 20 des 119 genres étaient significativement associés à la maladie (positivement ou négativement). Alors que 6 étaient identifiées comme populations à risque, 14 autres étaient au contraire potentiellement protectrices. Les genres à risque le plus important étaient les Bacteroides, les Veillonella et les Collinsella. Le second groupe pouvant potentiellement protéger contre la maladie incluait Intestinibacter, qui présentait le meilleur indice de protection. Par rapport aux témoins cognitivement sains, les patients Alzheimer avaient des PRS de populations protectrices inférieurs.

Pour vérifier la reproductibilité de leurs résultats, les chercheurs ont effectué une seconde série de calculs de PRS pour les 20 genres identifiés. Ils ont découvert que 10 d’entre eux étaient toujours significativement associés au diagnostic de la maladie, dont les deux à risque, Collinsella et Veillonella. Également liés à d’autres pathologies (polyarthrite rhumatoïde, athérosclérose, diabète de type 2, …), les Collinsella semblent constituer les populations apportant le plus de risques.

En outre, parmi ces 10 genres, 4 étaient significativement liés à l’allèle de risque APOE rs429358. Là encore, les Collinsella étaient au sommet de l’échelle. Les scientifiques soupçonnent cette population d’exacerber la production de cytokines inflammatoires et d’altérer la barrière intestinale, ce qui pourrait expliquer les dommages neurologiques dont elle pourrait être l’origine. « Nos résultats soulignent que le microbiote intestinal pro-inflammatoire pourrait favoriser le développement de la maladie d’Alzheimer, par le biais de l’interaction avec l’APOE », écrivent-ils dans le rapport. Ces résultats ont été obtenus indépendamment de l’âge et du sexe.

Par ailleurs, des niveaux élevés de cholestérol et de lipoprotéines de faible densité sont observés chez les adultes a priori en bonne santé et présentant une grande quantité de Collinsella dans leur microbiote, ce qui pourrait suggérer une étroite corrélation entre l’axe MGBA, le métabolisme des graisses et la neurodégénérescence. Les chercheurs espèrent que ces nouvelles données appuieront le développement de traitements véritablement efficaces, faisant pour l’instant défaut dans le cas de la maladie d’Alzheimer.

Source : Scientific Reports

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