Alzheimer : un traitement nasal se montre efficace, quel que soit le niveau de plaques amyloïdes

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Des gouttes nasales à base d’anticorps monoclonaux ont permis d’améliorer les fonctions cognitives chez des modèles murins d’Alzheimer, quel que soit le niveau de plaques amyloïdes. Le médicament — initialement développé pour traiter la sclérose en plaques (SEP) — agit en réduisant l’inflammation cérébrale. Son mode d’action offre un espoir de guérison pour les personnes présentant un stade avancé de la maladie.

Depuis quelques années, la célèbre théorie de la « cascade amyloïde » pour Alzheimer est remise en question. Désormais, l’accumulation anormale de plaques amyloïdes au niveau des neurones n’est plus considérée comme étant la cause principale de maladie, mais seulement une de ses caractéristiques. L’une des raisons ayant conduit au débat est le manque d’efficacité des traitements ciblant ces protéines. Ces traitements constituent la grande majorité des stratégies thérapeutiques contre la pathologie et interviennent presque exclusivement au stade précoce.

Pour expliquer la pathogenèse de la maladie, différentes hypothèses ont été avancées, telles que l’implication du microbiote intestinal, ou encore l’accumulation de fer au niveau de la matière blanche. Cependant, la viabilité de ces théories n’est pas encore véritablement éprouvée. La neuroinflammation étant une composante majeure d’Alzheimer, de nombreuses recherches thérapeutiques visent à la réduire, dans l’espoir d’atténuer le déclin cognitif des patients.

Une intervention au niveau de la neuroinflammation

La neuroinflammation caractérise la majorité des maladies neurodégénératives telles que la SEP et Alzheimer. Dans le cas de cette dernière, l’activation des microglies et des astrocytes au niveau des plaques amyloïdes, suggère une implication significative des voies inflammatoires. La majorité des facteurs de risque génétiques implique des protéines exprimées par des cellules immunitaires. Des études ont antérieurement rapporté qu’à la suite d’une neuroinflammation, les microglies passent d’un phénotype d’homéostasie à neurodégénératif.

D’un autre côté, les cellules immunitaires adaptatives (ou régulatrices) jouent un rôle important dans l’augmentation ou l’inhibition de la neuroinflammation. Parmi ces cellules figurent les lymphocytes T régulateurs (Treg), modulant la réponse immunitaire et soutenant la tolérance immunologique. En outre, ces cellules éliminent les réponses immunitaires excessives et potentiellement délétères. Des expériences ont démontré que le transfert de Treg à des modèles murins d’Alzheimer améliorait les fonctions cognitives, tandis que leur diminution aggravait le déficit cognitif. Cela est également valable pour d’autres maladies neuroinflammatoires telles que la SEP.

Sur la base de ces découvertes, les chercheurs de l’hôpital pour femmes de Brigham et de Harvard ont eu pour idée de réduire la neuroinflammation induite par Alzheimer par le biais d’anticorps monoclonaux anti-CD3. Le CD3 est un complexe protéinique responsable de la réponse immunitaire exacerbée, lorsqu’il est exprimé par les Treg. « Il existe des preuves claires d’un dysfonctionnement des Treg dans la maladie d’Alzheimer et on s’attend à ce que l’amélioration des fonctions des Treg soit bénéfique pour son traitement », indiquent-ils dans leur nouvelle étude, publiée dans la revue PNAS.

Une amélioration des symptômes a été observée lors de précédents essais impliquant des anticorps anti-CD3 sur des modèles murins de SEP, de diabète, de lupus et d’arthrite. Chez les modèles SEP, les gouttes nasales anti-CD3 se sont montrées particulièrement prometteuses, en atténuant l’inflammation induite par la migration des microglies et des astrocytes. Étant donné l’implication de la suractivation microgiale dans l’Alzheimer, les gouttes ont été testées sur cette maladie, dans le cadre de la nouvelle étude. À noter que ces anticorps sont également utilisés en tant qu’immunosuppresseurs contre les rejets de greffe.

Une action indépendante du taux de plaques amyloïdes

Dans le cadre des nouveaux essais, les gouttes nasales à base d’anti-CD3 humains ont été testées sur des lots de souris mâles et femelles (âgées de 1 à 6 mois) génétiquement modifiées pour développer la maladie d’Alzheimer. Le traitement a été administré 3 fois par semaine sur une période de 5 mois. Après une période d’acclimatation d’environ 3 à 4 semaines, des tests comportementaux (évaluant la mémoire à court et long terme et l’apprentissage spatial) ont été réalisés pendant la journée.

Après évaluation, il a été constaté que les souris traitées ont obtenu de meilleurs résultats comportementaux, indiquant une amélioration globale de la cognition. En analysant leurs cerveaux, les chercheurs ont constaté que l’activation microgliale était nettement réduite tandis que les cellules Treg périphériques (réduisant la migration des microglies) étaient en augmentation. « Nous apportons la preuve que la thérapie intranasale anti-CD3 peut freiner l’activation des microglies et développer les cellules T dans un modèle murin de la maladie d’Alzheimer », affirme dans un communiqué l’auteur correspondant de l’étude, Howard Weiner, du département de neurologie de l’hôpital pour femmes de Brigham et de Harvard.

Fait intéressant, le médicament n’a eu aucun effet sur les niveaux de plaques amyloïdes. Plus étonnant encore, la mémoire à court terme était améliorée uniquement chez les souris femelles. Des changements dans les modèles d’expression génétique au niveau de l’hippocampe, du cortex et des microglies, ont également été observés. Ces modifications dépendaient du sexe et pourraient expliquer les différences observées pour les tests de mémoire à court terme.

En raison de son action indépendante du taux de protéines amyloïdes, l’anticorps pourrait profiter aux personnes présentant un stade avancé de la maladie, ce qui pourrait être un avantage majeur par rapport aux traitements actuellement disponibles. « [L’anticorps] représente une approche unique pour traiter la maladie d’Alzheimer à un stade avancé, et peut également être appliquée à d’autres maladies inflammatoires », estime Weiner. Il pourrait être utilisé soit en substitut, soit en complément d’autres traitements ciblant la protéine amyloïde. En prochaine étape, avant de passer aux essais cliniques, l’équipe de recherche compte étendre les expériences à des modèles animaux, en combinant l’anti-CD3 à des traitements anti-amyloïdes existants.

Source : PNAS

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