Des microcapsules à cytokines ont éradiqué le cancer chez des souris en seulement 6 jours

Capsules cytokine eliminent cancer six jours
Amanda Nash (à gauche) et Omid Veiseh, bioingénieurs à l’université Rice, avec des flacons de microcapsules à cytokines, cités dans l'article. | Jeff Fitlow/Rice University
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Le cancer est l’une des principales causes de décès dans le monde. Difficile à détecter de façon précoce, il est susceptible de se déclencher sur quasiment tous les organes du corps humain. Dans le cadre de la lutte contre ce fléau, des études toujours plus poussées sont réalisées, notamment sur les réponses immunitaires qu’il induit dans l’organisme. Dans ce sens, l’une d’elles a mis en lumière une piste très prometteuse en expérimentant un nouveau traitement qui a permis d’éradiquer le cancer de l’ovaire et colorectal chez la souris en un temps record (six jours). Véritable avancée pour l’immunothérapie, le traitement est composé de microcapsules qui délivrent la bonne dose de cytokines, de façon à précisément cibler la tumeur.

Selon le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), le cancer ferait plus de neuf millions de victimes dans le monde chaque année. Les scientifiques ont déjà trouvé des moyens de traiter efficacement certaines formes de la maladie, comme la leucémie infantile, où l’on utilise notamment des alcaloïdes issus de la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus). Mais la complexité de la maladie fait qu’un traitement qui a permis la rémission d’un patient pour un certain type de cancer ne fonctionne pas forcément pour une autre forme.

Dans la complexe variété des formes de cancers, des cytokines pro-inflammatoires sont utilisées pour le traitement du mélanome métastatique et du carcinome rénal. La nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université Rice au Texas, a exploré cette piste pour tenter une approche contre le cancer de l’ovaire et colorectal. Leurs expériences concernent notamment l’interleukine 2 (IL-2).

En effet, l’IL-2 est identifiée comme facteur de croissance des lymphocytes T, et joue un rôle clé dans les réponses effectrices du système immunitaire. De plus, cette cytokine a une fonction essentielle d’homéostasie et d’induction fonctionnelle des cellules T régulatrices. Et lors de cancers, l’activité excessive des lymphocytes T régulateurs empêche la destruction des cellules cancéreuses. Contrôler les flux d’IL-2 permettrait ainsi d’équilibrer la balance des cellules T effectrices et T régulatrices.

L’excès de cytokines lors d’un traitement peut mal équilibrer cette balance, et peut notamment provoquer de dangereux effets indésirables. Or, pour être efficace, une thérapie par cytokines nécessite des perfusions à haute dose. Ce qui peut générer des anticorps anti-médicamenteux et/ou des effets secondaires systémiques qui limitent l’efficience à long terme.

« Un des défis majeurs dans le domaine de l’immunothérapie est d’augmenter l’inflammation tumorale et l’immunité antitumorale tout en évitant les effets secondaires systémiques des cytokines et d’autres médicaments pro-inflammatoires », explique dans un communiqué le Dr Amir Jazaeri, professeur d’oncologie gynécologique et reproductive au MD Anderson, et co-auteur de la nouvelle étude, publiée dans Science Advances.

L’étude offre ainsi une approche innovante grâce à sa « micro-usine » qui cible directement la tumeur en délivrant une dose précise d’IL-2. Les résultats sont impressionnants : en seulement six jours, des souris atteintes de stades avancés de cancer des ovaires et colorectal sont entrées en rémission.

Une micro-usine contrôlée

Pour leur nouveau traitement, les chercheurs américains ont conçu de minuscules billes implantables, chacune de la taille d’une tête d’épingle. Ensemble, elles agissent comme des micro-plateformes de livraison, composées de cellules ARPE-19 (cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien humaines et cultivées) encapsulées dans un polymère, qui produisent des cytokines naturelles. Chacune peut donc délivrer continuellement des doses élevées d’IL-2, qui activent ainsi des lymphocytes T effecteurs de façon ciblée.

« Nous n’administrons le traitement qu’une seule fois, mais les ‘usines’ pharmaceutiques continuent de fabriquer des doses chaque jour, là où elles sont nécessaires, jusqu’à ce que le cancer soit éliminé », précise Omid Veiseh, bioingénieur à l’université Rice, et l’un des auteurs de l’étude. Une fois la bonne dose et le nombre de capsules nécessaires déterminés, le cancer des ovaires chez toutes les souris et chez sept sur huit de celles atteintes d’un cancer colorectal, ont été éliminés.

Par ailleurs, le traitement peut être facilement administré par chirurgie microinvasive, notamment dans le péritoine. Il s’agit d’un tissu externe qui soutient les intestins ainsi que d’autres organes abdominaux, et qui permet de concentrer l’IL-2 directement sur la tumeur et limiter l’exposition de cellules saines. Comme cité précédemment, la surexposition aux cytokines peut devenir toxique pour l’organisme. La concentration de l’IL-2 du nouveau traitement est alors inférieure à celle que les patients doivent tolérer lors des administrations par intraveineuse, sur les sites hors tumeurs. Ce qui ouvre la voie à de potentiels traitements sur long terme.

La même approche peut également être utilisée pour d’autres organes dotés de péritoines, comme le pancréas ou le foie. Et si une autre cytokine est nécessaire, le contenu des microbilles peut être remplacé par des cellules modifiées, induisant des réponses immunothérapeutiques spécifiques. De plus, les coquilles des microbilles sont faites d’un matériau que le système immunitaire reconnaît comme étrangers, mais toutefois pas en tant que menace immédiate. Ce qui donne aux capsules le temps d’agir et d’être éliminées au bon moment.

« Nous avons observé de bonnes réactions immunitaires aux corps étrangers et qui ont désactivé le flux de cytokines des capsules au bout de 30 jours », explique Amanda Nash, auteure principale de l’étude et également bioingénieure à l’université Rice. Les microbilles peuvent aussi être désactivées de l’extérieur. En plus de matériaux déjà prouvés sécuritaires pour l’homme, ces résultats combinés permettront de passer aux tests cliniques avant même la fin de cette année, selon les experts.

Source : Science Advances

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