NEUROSCIENCES : À quel point contrôlons-nous nos actions ? Certaines régions du cerveau nous donnent des indices

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| Bill Diodato/Getty Images
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Le syndrome de la main étrangère n’est pas aussi étrange que ce que l’on pourrait penser dans un premier temps. Cette affection neurologique rare (parfois appelée syndrome de la main étrangère, ou anarchique), provoque chez les personnes qui en sont atteintes, des mouvements incontrôlables de la main, qui semble alors dirigée par une volonté externe. « Les patients s’assoient sur la main et tentent de l’empêcher de bouger », explique Ryan Darby, neurologue et neuroscientifique à l’Université Vanderbilt de Nashville (USA). « Ils ne sont pas fous. Ils savent qu’il n’y a pas quelque chose d’externe qui contrôle leur bras, qu’ils ne sont pas possédés. Mais ils ont vraiment l’impression de ne pas avoir de contrôle », ajoute-t-il.

À présent, une étude a analysé la localisation des lésions cérébrales chez des patients souffrant de cette affection ainsi que chez ceux qui présentent un mutisme akinétique, et a pu montrer de manière plus précise comment notre cerveau appréhende ce qui se passe dans notre corps.

Ce travail démontre comment les neurosciences commencent à aborder les éléments qui font partie du libre arbitre : « Je pense que c’est du bon travail, réalisé avec soin et présenté de manière réfléchie », déclare Kevin Mitchell (qui n’a pas participé à l’étude), neurogénéticien au Trinity College de Dublin et qui étudie les aspects de la perception.

Il faut savoir que les philosophes ont lutté durant des millénaires avec des questions de libre arbitre : c’est-à-dire, si nous réalisons activement nos décisions ou si nous ne sommes que des observateurs passifs. De nombreux scientifiques du monde entier se demandent, quant à eux, pourquoi tant de personnes ont le sentiment d’avoir ce libre arbitre tandis que d’autres non.

Pour ce faire, les chercheurs ont décidé d’analyser les rares cas dans lesquels des personnes semblent l’avoir perdu. Ils ont alors étudié des patients atteints à la fois du syndrome de la main étrangère et du mutisme akinétique, et qui présentent tous des lésions au cerveau.

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Darby et ses collègues ont alors décidé d’utiliser une technique relativement nouvelle, appelée cartographie du réseau de lésions. Grâce à cette technique, les chercheurs ont pu cartographier toutes les lésions cérébrales des patients. Ensuite, ils ont tracé ces dernières sur des cartes de régions du cerveau, plus communément connues sous le nom de réseaux cérébraux.

Bien que les lésions individuelles chez les patients atteints de troubles du mouvement rares aient semblé se produire sans raison particulière, l’équipe a découvert que ces emplacements apparemment arbitraires, relevaient de réseaux cérébraux distincts.

Les chercheurs ont ensuite comparé leurs résultats avec ceux de personnes ayant perdu un mouvement volontaire, après avoir reçu une stimulation cérébrale temporaire, qui utilise des électrodes à basse tension ou des champs magnétiques ciblés, dans l’optique de « désactiver momentanément les régions du cerveau ».

Les réseaux qui ont entraîné la perte de mouvements ou d’actes volontaires dans ces études, correspondaient aux nouveaux réseaux de lésions de Darby et ses collègues. Cela suggère donc que ces réseaux sont bien impliqués dans les mouvements volontaires ainsi que dans la perception que nous contrôlons, ou sommes responsables, de nos actions, rapportent les chercheurs.

Chez les patients atteints de mutisme akinétique, les chevauchements entre leurs réseaux endommagés ont « culminé » dans une région du cerveau appelée cortex cingulaire antérieur, impliquée dans le mouvement volontaire. Chez les patients atteints du syndrome de la main étrangère, l’équipe a constaté un certain chevauchement au sein de la jonction temporo-pariétale, une région du cerveau fortement impliquée dans la conscience de soi.

Cependant, le chevauchement des pics est en réalité situé dans une région peu étudiée, appelée précunée, qui est également liée à la conscience de soi. Ainsi, que nous ayons ou non un libre arbitre, les chercheurs commencent à localiser les zones qui nous font nous sentir, « nous-mêmes ».

Mitchell explique que les résultats sont intrigants, mais avertit que ce n’est pas parce que les lésions peuvent révéler des réseaux cérébraux impliqués dans les fonctions cognitives telles que la volonté ou le libre arbitre, que les chercheurs comprennent ce qui est vraiment nécessaire pour ces fonctions, et ce qui ne l’est pas.

« Si vous enlevez le volant de votre voiture, vous aurez évidemment du mal à la diriger. Mais si vous aviez uniquement un volant (et pas de freins, etc.), vous n’auriez pas beaucoup de chance non plus », explique Mitchell. Dans tous les cas, davantage d’études devront encore être menées dans ce domaine si particulier, afin de réellement comprendre ce qui se passe dans le cerveau au niveau de la conscience et du contrôle des actions.

Pour Patrick Haggard, un neuroscientifique de l’University College London qui s’est toujours posé de nombreuses questions sur le libre arbitre, l’étude est très appréciée : « La capacité de décider et d’agir est fondamentale pour savoir qui est une personne et comment notre société fonctionne. Pendant longtemps, nous avons pensé que cela était un domaine inaccessible aux neurosciences… Cette étude est un bon exemple montrant que les neurosciences commencent à aborder notre manière d’agir et de fonctionner », a-t-il déclaré.

Sources : Proceedings of the National Academy of Sciences

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