Une nouvelle espèce de dinosaure « sans bras » découverte en Argentine

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Vue d’artiste d’un Carnotaurus sastrei, un dinosaure de la famille des abélisauridés. | Fred Wierum – CC BY-SA 4.0
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Des paléontologues ont découvert une boîte crânienne quasi complète d’un dinosaure dans une région de l’Argentine peu explorée jusqu’à présent. Cette nouvelle espèce, baptisée Guemesia ochoai, pourrait être un proche parent des ancêtres d’un groupe de dinosaures sans « bras », les abélisauridés, qui étaient répartis sur tout l’hémisphère sud il y a environ 70 millions d’années. Cette découverte constitue de nouvelles preuves de l’existence d’un écosystème unique dans cette région d’Amérique du Sud, au cours du Crétacé supérieur.

Les abélisauridés constituent une famille de dinosaures théropodes (des tétrapodes bipèdes), carnivores, qui résidaient dans l’hémisphère sud au Crétacé. Le registre fossile des abelisauridés d’Amérique du Sud est principalement limité au Brésil et à l’Argentine (en particulier en Patagonie, où plusieurs squelettes complets ont été mis au jour). Au nord-ouest de l’Argentine, les fossiles d’abélisauridés se font en revanche beaucoup plus rares et sont essentiellement constitués de quelques os ou dents isolés. Ce crâne récemment découvert est donc une très bonne surprise pour les paléontologues.

La boîte crânienne a été découverte dans la province de Salta, au nord-ouest du pays, dans la formation géologique Los Blanquitos, dont les strates remontent au Campanien (une époque du Crétacé supérieur, datant de 75 à 65 millions d’années). « Ce nouveau dinosaure est assez inhabituel pour son espèce. Il présente plusieurs caractéristiques clés qui suggèrent qu’il s’agit d’une nouvelle espèce, fournissant de nouvelles informations importantes sur une région du monde dont nous ne savons pas grand-chose », a déclaré dans un communiqué la professeure Anjali Goswami, responsable de la recherche au Natural History Museum et co-auteure de l’article décrivant cette nouvelle espèce.

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Une région riche en créatures étranges, mais peu explorée

En effet, la découverte de ce spécimen constitue la première occurrence d’un abélisauridé dans le nord-ouest de l’Argentine et apporte de nouvelles preuves concernant la distribution géographique du clade pendant le Crétacé supérieur en Amérique du Sud, écrivent les chercheurs dans leur étude, publiée dans le Journal of Vertebrate Paleontology.

La plupart des abélisauridés possédaient des membres antérieurs encore plus courts que ceux du célèbre Tyrannosaurus rex — des membres pour ainsi dire inutiles. Mais bien qu’il leur était impossible de saisir des objets ou des proies, ils étaient pourtant de redoutables prédateurs, capables de se nourrir de grands dinosaures tels que les titanosaures. Leur tête et leurs mâchoires puissantes leur permettaient d’attaquer et de saisir efficacement leurs proies.

Le spécimen récemment découvert présente d’autres caractéristiques ancestrales de ce clade : une voûte crânienne mince, l’absence de projections crâniennes (comme des cornes ou des renflements), et une éminence pariétale basse et étroite, au même niveau que la crête sagittale, rapporte l’équipe. Il possède par ailleurs quelques caractères propres, confirmant qu’il s’agit d’un nouveau taxon : il possède notamment des rangées de petits trous (appelés foramina) à l’avant du crâne, servant potentiellement de système de refroidissement de l’organisme, détaillent les chercheurs.

La découverte de ce fossile suggère que les dinosaures qui vivaient dans cette région étaient très différents de ceux des autres régions d’Argentine, ce qui soutient l’idée de provinces bien distinctes au Crétacé dans cette région du globe. Les scientifiques soulignent par ailleurs que le site de Los Blanquitos peut potentiellement révéler encore de nombreux indices de l’époque, alors qu’elle est moins célèbre (et donc moins explorée) que certains autres sites fossilifères.

De nouveaux indices sur l’évolution de la vie après l’extinction Crétacé-Paléogène

Des fossiles de ces carnivores ont déjà été retrouvés dans des roches d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’Inde et d’Europe, datant du Crétacé supérieur — juste avant l’extinction des dinosaures, il y a 66 millions d’années. Près de 35 espèces ont été recensées en Argentine, la plupart en Patagonie. Ce spécimen découvert au nord du pays se distingue de ses cousins par sa petite taille : son crâne est environ 70% plus petit que n’importe lequel de ses proches parents. Il pourrait être ainsi l’un des plus petits abélisauridés enregistrés à ce jour. L’équipe précise toutefois que cette taille réduite pourrait également être due au fait qu’il s’agisse d’un individu juvénile ; les indices relevés ne permettent malheureusement pas d’éclaircir ce point.

Contrairement aux autres abélisauridés, ce spécimen n’est pas doté d’excroissance osseuse ni de cornes au-dessus des yeux, ce qui soutient l’idée qu’il s’agit bien d’un nouveau genre et d’une nouvelle espèce, baptisée Guemesia ochoai (du nom d’un héros de la guerre d’indépendance d’Argentine, le général Martin Miguel de Güemes, et du technicien du musée qui a découvert le spécimen, Javier Ochoa).

Le crâne de ce dinosaure atypique s’ajoute au nombre croissant de preuves suggérant que le nord-ouest de l’Argentine accueillait bon nombre de créatures étranges et uniques à l’époque du Crétacé supérieur. Une étude antérieure a notamment révélé la présence d’une immense tortue de la famille des Podocnemididae (Stupendemys geographicus), considérée comme le plus gros reptile aquatique n’ayant jamais existé.

L’équipe a elle-même découvert plusieurs autres espèces fascinantes, de poissons et de mammifères, qu’elle est en train d’examiner en détail. Elle espère découvrir encore d’autres spécimens de Guemesia ochoai, notamment pour mieux cerner les implications de l’extinction massive des dinosaures, survenue il y a 66 millions d’années. « Comprendre d’énormes événements mondiaux comme une extinction massive nécessite des ensembles de données mondiaux, mais il y a beaucoup de parties du monde qui n’ont pas été étudiées en détail, et des tonnes de fossiles restent à découvrir », souligne Anjali Goswami.

Source : F. Agnolin et al., Journal of Vertebrate Paleontology

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