Des précurseurs de la vie découverts dans le nuage de Persée, à 1000 années-lumière de la Terre

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Vue d'artiste d'une « soupe » de molécules prébiotiques autour d'un disque protoplanétaire. | Gabriel Pérez Díaz (IAC)
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Les éléments constitutifs de la vie pourraient trouver leur origine dans les minuscules grains glacés composant le gaz et la poussière interstellaires. Ces grains glacés pourraient être la clé pour comprendre comment la vie peut émerger sur les planètes. Récemment, des chercheurs ont détecté de grandes quantités de molécules organiques complexes dans l’une des régions de formation d’étoiles les plus proches du système solaire, le nuage de Persée.

Le point de vue scientifique actuel sur la vie sur Terre est qu’elle proviendrait d’une évolution moléculaire prébiotique. Au cours de cette évolution, de simples molécules endogènes, en augmentant continuellement leur complexité moléculaire, ont donné naissance à des structures et des spécificités de plus en plus complexes, jusqu’à l’apparition des premières protocellules et des cellules vivantes.

La chimie prébiotique décrit les processus chimiques associés à cette transition vers la vie à partir de la matière inanimée. Les molécules prébiotiques trouvées dans les nuages stellaires pourraient éventuellement conduire à l’évolution de formes de vie extraterrestres complexes et nous apporter des réponses quant à notre apparition sur Terre.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Le nuage moléculaire de Persée est un amas d’étoiles relativement jeune âgé d’environ 2 à 3 millions d’années, et il est l’une des régions de formation d’étoiles les plus proches de la Terre. Récemment, les scientifiques Susan Iglesias-Groth de l’Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC) et Martina Marín-Dobrincic de l’Université Polytechnique de Cartagena y ont découvert de nombreuses molécules prébiotiques. Leurs travaux sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Un nuage riche en molécules

La détection par les deux chercheurs est basée sur des données collectées avec le satellite Spitzer de la NASA. En effet, beaucoup des molécules prébiotiques sont connues pour présenter des bandes dans l’infrarouge moyen, qui peuvent être étudiées par observation spectroscopique (avec ce télescope spatial).

Ils ont choisi le nuage de Persée car il s’agit de l’une des régions de formation d’étoiles les plus proches du système solaire. De nombreuses étoiles présentes dans cette région sont jeunes et possèdent des disques protoplanétaires où les processus physiques qui donnent naissance aux planètes peuvent avoir lieu.

Les molécules prébiotiques sont considérées comme des briques essentielles à la construction de molécules plus complexes, telles que les acides aminés, qui formeraient le code génétique d’anciens micro-organismes et auraient permis l’épanouissement de la vie sur Terre. Connaître la distribution et l’abondance de ces molécules précurseurs dans les régions où les planètes sont très probablement en train de se former est un enjeu important pour l’astrophysique.

En 2019, Iglesias-Groth avait trouvé des fullerènes — molécules complexes de carbone pur essentielles aux molécules clés de la vie — dans le même nuage. Dans un communiqué, il décrit le nuage de Persée comme un « laboratoire extraordinaire de chimie organique ».

Émergence de la vie à proximité de la Terre ?

La nouvelle recherche a détecté dans la partie interne de cette région (IC 348) des molécules communes telles que l’hydrogène (H2), l’hydroxyle (OH), l’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2) et l’ammoniac (NH3), ainsi que plusieurs molécules porteuses de carbone qui pourraient jouer un rôle important dans la production d’hydrocarbures plus complexes et de molécules prébiotiques, comme le cyanure d’hydrogène (HCN), l’acétylène (C2H2), le diacétylène (C4H2), le cyanoacétylène (HC3N), la cyanobutadiyne (HC5N), l’hexatrine (C6H2) et le benzène (C6H6).

Les données montrent également la présence de molécules plus complexes, telles que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les fullerènes C60 et C70. Ces dernières sont des molécules constituées uniquement de carbone, dont la forme leur confère une stabilité exceptionnelle. Elles sont très résistantes aux champs de rayonnement et même au bombardement par des particules énergétiques, deux phénomènes généralement présents dans les régions de formation d’étoiles.

Iglesias-Groth déclare : « IC 348 semble très riche et diversifié dans son contenu moléculaire. La nouveauté est que nous voyons les molécules dans le gaz diffus à partir desquelles les étoiles et les disques protoplanétaires se forment ».

La présence de molécules prébiotiques sur des sites interstellaires si proches de ces amas d’étoiles suggère la possibilité que des processus d’accrétion se produisent sur de jeunes planètes, ce qui pourrait contribuer à la formation de molécules organiques complexes. Les auteurs expliquent que ces molécules clés auraient pu être fournies aux planètes naissantes dans les disques protoplanétaires et pourraient ainsi aider à y ouvrir une voie vers les molécules de la vie.

La prochaine étape consistera à utiliser le puissant télescope spatial James Webb (JWST). Iglesias-Groth conclut : « La capacité spectroscopique de JWST pourrait fournir des détails sur la distribution spatiale de toutes ces molécules, et étendre la recherche actuelle à d’autres plus complexes, donnant une sensibilité et une résolution plus élevées qui sont essentielles pour confirmer la présence très probable d’acides aminés dans le gaz de cette région et d’autres régions de formation d’étoiles ».

Source : Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

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