Censée prendre en compte les dernières avancées scientifiques et « promouvoir des choix alimentaires plus favorables à la santé », la dernière révision du Nutri-score chamboule, s’il en était encore besoin, les repères des consommateurs. Longtemps promus par les recommandations officielles, les produits laitiers se retrouvent ainsi rétrogradés, l’algorithme du label alimentaire faisant quasiment l’impasse sur leurs propriétés nutritionnelles.
Faut-il arrêter complètement de manger de la charcuterie ou des produits laitiers ? Encore incongrue il y a quelques années de cela, la question semble désormais légitime, du moins si l’on en croit les concepteurs du Nutri-score, qui viennent de remettre à jour l’algorithme du fameux label alimentaire – et ce afin de « promouvoir des choix alimentaires plus favorables à la santé », d’après Santé Publique France. Jusqu’à présent classés A, le lait et les produits laitiers sont, ainsi, tous désormais exclus de la plus haute marche du Nutri-score et devront se contenter, au mieux, d’un B ou de notes inférieures. Les produits laitiers ne sont donc plus « nos amis pour la vie », pour paraphraser un slogan publicitaire de la fin du siècle dernier.
Plébiscités par les nutritionnistes depuis des décennies, le lait et ses dérivés ont-ils donc mystérieusement perdu leurs qualités nutritionnelles ? Non, bien heureusement : particulièrement riche en vitamines (A, B2, B9, B12, D), en minéraux et en oligo-éléments (zinc, calcium, potassium), le lait demeure une source privilégiée de protéines, indispensables au renouvellement des os ou des muscles. Raison pour laquelle il est officiellement recommandé par les autorités sanitaires de consommer deux produits laitiers par jour, ceux-ci étant « indispensables tout au long de la vie et plus particulièrement au moment de la croissance chez l’enfant et chez les personnes âgées ». Beaucoup de fromages contiennent ainsi plus de 20% de protéines ; problème : au-dessus de 8% de protéines, le Nutri-score, pourtant présenté comme le fer de lance de la lutte contre le diabète et l’obésité, arrête d’attribuer des points.
Pour s’informer, rien de mieux que le tableau nutritionnel
Comme envolées, les protéines supplémentaires contenues dans les produits laitiers ne comptent donc tout simplement pas dans l’élaboration de la note finale. Un non-sens qui pénalise donc les laitages, parfois plus riches en protéines et moins gras que certains poissons et fruits de mer ; mais, ces derniers contenant beaucoup d’Oméga 3, ils bénéficieront désormais d’un Nutri-score A, à l’inverse des produits laitiers écopant d’un D ou d’un E. Au nom de quel principe les concepteurs du Nutri-score se permettent-ils ainsi de faire la part entre, d’une part, les « bons » nutriments et, de l’autre, ceux qu’il s’agirait d’éviter ? Simplificateur à l’extrême, le Nutri-score ne répond pas à ces questions, se contentant d’injonctions alimentaires que le consommateur est prié de suivre sans remettre en cause leur bien-fondé.
C’est tout le paradoxe de ces labels alimentaires qui se multiplient sur nos emballages : initialement conçus pour aider le consommateur pressé à faire le meilleur choix pour sa santé, ils introduisent des biais dans la lecture des informations nutritionnelles. Des informations pourtant présentes depuis bien longtemps sur ces mêmes emballages, sous la forme d’un tableau nutritionnel obligatoire et normé, listant un certain nombre de données immuables : valeur énergétique, quantité de graisses, de glucides, de protéines, de sel, etc. Mais, à la différence du Nutri-score, le tableau se contente d’informer le consommateur, sans l’inciter – ou le dissuader – à acheter tel ou tel produit. Ne pas pousser à la consommation, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains produits, comme l’alcool, sont dépourvus de tableau nutritionnel – et de Nutri-score. Pourquoi, dès lors, inciter à consommer certains produits nocifs, comme un soda light noté A ou B, et pas d’autres aliments ou boissons autrement plus nutritifs ?
Un problème de confiance
Certes, les sodas « zéro », bourrés d’édulcorants et d’autres additifs, ont bien vu leur note rétrogradée en B à la faveur de la révision du Nutri-score ; mais en quoi cela renseigne-t-il sur leur absence totale de qualité nutritionnelle, ces produits n’apportant, littéralement, rien à l’organisme ? Par ailleurs, comment accorder sa confiance à un label alimentaire dont l’algorithme change continuellement, en fonction de l’époque et même du pays où il est apposé, ajoutant de la confusion à la confusion déjà créée ? Enfin, sauf à envisager de gaver ses enfants de soda light dès le petit-déjeuner, comment se reposer sur un système qui accorde le même traitement à des produits dont les bienfaits sont si diamétralement opposés ?