Observation inédite : un trou noir supermassif dévorant une étoile à proximité de notre galaxie

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| NASA/CXC/M. Weiss
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Des astronomes ont détecté un « évènement de perturbation de marées » (TDE) au sein du noyau d’une galaxie. Plus précisément, il s’agissait du moment où une étoile se faisait « dévorer » par un trou noir supermassif. Observé pour la première fois dans l’infrarouge, il s’agit de l’évènement de ce type le plus proche de notre galaxie jamais détecté. Il suggère l’existence d’une population de TDE jusque-là inconnue.

Un TDE est un phénomène cosmique transitoire qui se produit lorsqu’une étoile est gravitationnellement attirée par un trou noir et se retrouve dans sa limite de Roche (ou rayon de marée). En se rapprochant suffisamment de l’horizon des évènements, l’étoile subit une attraction si intense par les forces de marées du trou noir qu’elle se déforme puis se déchire littéralement avant d’être aspirée. Se produisant environ tous les 10 000 ans, cet évènement d’une extrême violence est rarement observé, bien qu’il génère d’énormes quantités de rayonnement à haute énergie.

Pour localiser les TDE, les astronomes se basent sur la détection des rayonnements qu’ils émettent. Actuellement, environ une centaine de TDE ont été recensés sur la base d’observations dans le rayonnement X et optique. Baptisé WTP14adbjsh, le nouveau TDE n’avait pas été signalé par les dispositifs de mesure dans les spectres d’observation habituels ; il a été détecté dans l’infrarouge. Il s’agit notamment du premier évènement de perturbation observé dans ce spectre. Localisé dans la galaxie NGC 7392, à environ 137 millions d’années-lumière de la Terre, il s’agit également du relevé de TDE le plus proche jamais observé (environ 25% plus proche que le précédent record).

« Trouver ce TDE à proximité signifie que, statistiquement, il doit y avoir une grande population de ces événements auxquels les méthodes traditionnelles étaient aveugles », explique dans un communiqué l’auteur principal de la découverte, Christos Panagiotou, postdoctorant à l’Institut d’astrophysique de Kavli et astronome au MIT. D’après les chercheurs, WTP14adbjsh n’a pas été détecté dans le rayonnement X et optique en raison de l’énorme quantité de poussière qui faisait barrage à son rayonnement. La poussière absorbant ces rayonnements et dégageant de la chaleur sous forme d’infrarouges.

La nouvelle étude, décrite dans la revue Astrophysical Journal Letters, suggère ainsi que de nombreux TDE ont pu échapper aux méthodes conventionnelles d’observation. « Nous devrions donc essayer de les trouver dans l’infrarouge si nous voulons une image complète des trous noirs et de leurs galaxies hôtes », suggère Panagiotou. De nouvelles observations dans l’infrarouge pourraient ainsi potentiellement bouleverser les données de recensement des TDE.

Une découverte inattendue

Au départ, Panagiotou et ses collègues recherchaient des sources transitoires généralisées dans les archives d’observations et ne s’attendaient pas à tomber sur un TDE. Les données examinées concernaient notamment celles collectées par NEOWISE, un télescope spatial effectuant des observations dans l’infrarouge. Après analyse, un étrange flash lumineux survenu vers la fin de l’année 2014 a interpellé les chercheurs. « Nous pouvions voir qu’il n’y avait rien au début », raconte Panagiotou. Ensuite, la source avait soudainement gagné en luminosité, atteignant un pic en 2015 pour ensuite revenir à sa quiescence initiale.

Il convient de noter que les supernovas s’illuminent soudainement au moment de leur explosion pour ensuite baisser en luminosité sur des échelles de temps similaires aux TDE. Cependant, la source observée par les chercheurs était beaucoup plus lumineuse et énergétique qu’une supernova. WTP14adbjsh excluait également toutes les autres possibilités, et les scientifiques ont conclu qu’il s’agissait bien d’un TDE.

En analysant sa galaxie source sous différentes longueurs d’onde, il a été constaté que le trou noir supermassif en son centre était environ 30 millions de fois plus massif que le Soleil. Soit dix fois plus massif que celui du centre de notre galaxie. Relativement massif donc, le trou noir en question reste cependant incomparable aux plus grands spécimens, atteignant pour certains plusieurs milliards de masses solaires.

TDE WTP14adbjsh trou noir
Une éruption lumineuse a été détectée dans la galaxie NGC 7392 en 2015 (coin supérieur gauche). Les observations de la même galaxie ont été prises en 2010-2011 (en haut à droite), avant le TDE. Le coin inférieur gauche montre la différence entre les deux premières images, représentant le TDE réel détecté. Le coin inférieur droit montre la même galaxie dans le spectre optique. © Panagiotou et al., ApJL , 2023

Un TDE observé dans une jeune galaxie

Alors que la plupart des TDE ont été relevés dans des galaxies âgées et calmes, WTP14adbjsh a été détecté dans une jeune galaxie très active, abritant des étoiles en formation. Les jeunes galaxies apparaissent bleues et sont les plus répandues dans l’Univers. Celles qui ne produisent plus d’étoiles apparaissent rouges et présentent une activité plus calme. Entre les bleues et les rouges se situent les vertes, qui font naître des étoiles de temps à autre et sont relativement rares.

Étonnamment, la plupart des TDE ont été localisés au sein de « galaxies vertes ». Pourtant, ils devraient logiquement être plus courants dans les galaxies bleues, étant donné qu’elles contiennent plus d’étoiles susceptibles d’être aspirées par un trou noir supermassif central. Toutefois, ces galaxies produisent d’immenses quantités de poussière, laissant passer uniquement le rayonnement infrarouge. Cela expliquerait la raison pour laquelle les TDE n’ont presque jamais été observés dans des galaxies bleues, par les dispositifs observant dans les rayonnements X ou ultraviolet.

« Le fait que les relevés optiques et aux rayons X aient manqué ce TDE lumineux dans notre propre arrière-cour est significatif et démontre que ces relevés ne nous donnent qu’un recensement partiel de la population totale de TDE », indique Suvi Gezari, astronome associée et présidente du personnel scientifique du Space Telescope Science Institute dans le Maryland.

Source : The Astrophysical Journal Letters

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