Calculer grâce à des ondulations, comme dans un liquide… L’idée est plutôt poétique, mais pourrait aussi s’avérer redoutablement efficace dans le domaine de l’informatique. En utilisant les particularités des cristaux liquides, des scientifiques travaillent à la conception d’un ordinateur étonnant basé sur des cristaux liquides.
Žiga Kos de l’Université de Ljubljana, en Slovénie, et Jörn Dunkel du Massachusetts Institute of Technology (MIT), se sont penchés sur le fonctionnement d’un ordinateur confectionné à base de cristaux liquides. Leur idée est de tirer avantage des petites imperfections que l’on peut trouver dans ce matériau pour créer des bits dits « nématiques ».
En effet, les cristaux liquides, comme ceux que l’on peut trouver dans de nombreux écrans de télévision ou d’ordinateurs, sont constitués de molécules en forme de « bâtonnets ». Ces derniers flottent, à la façon d’un fluide. Dans les cristaux liquides « nématiques », ces molécules sont pour la plupart alignées de façon parallèle les unes par rapport aux autres, dans un motif régulier.
Pourtant, il existe dans ce bel arrangement des défauts structurels. Dans un écran de télévision, ils sont malvenus et soigneusement éliminés pour améliorer la qualité des produits. En revanche, dans la méthode utilisée par les chercheurs dans cette nouvelle étude, ils représentent au contraire de précieux atouts. Ces points de rupture sont donc même recherchés volontairement : « En imposant des conditions d’ancrage aux limites appropriées ou des champs électriques externes, l’ordre d’orientation global des molécules peut être rompu localement au niveau de points de défaut singuliers en deux dimensions (2D) ou de lignes en 3D », précisent les scientifiques dans leurs travaux, publiés dans la revue Science Advances.
Comment ça marche ?
Dans les ordinateurs « classiques », tous les calculs de base sont effectués à partir de 0 et de 1, combinés pour former ce qu’on appelle du code binaire. Ce sont des « bits », autrement dit, l’unité de base de tout calcul informatique. Dans un ordinateur à cristaux liquides, les choses seraient un peu différentes. Au lieu d’être traduite en chaines de 0 et 1, l’information est encodée en une série d’orientations défectueuses. En résumé, un défaut du cristal liquide permet de coder une valeur différente pour chaque degré différent de désalignement avec les autres molécules.
Les chercheurs comparent ce fonctionnement avec celui des ordinateurs quantiques, si réputés pour leur puissance. En effet, les variations vont au-delà du simple 0 et 1, et peuvent présenter des informations « entre les deux ». On peut donc considérer qu’un ordinateur à cristaux liquides traite davantage d’informations simultanément qu’un ordinateur conventionnel. Pour manipuler ces molécules, et les amener à faire des calculs, les chercheurs préconisent d’utiliser des champs électriques.
Les calculs apparaîtraient comme des « rides » ou des ondulations se répandant au travers des cristaux liquides. Étant donné que les cristaux liquides sont une technologie déjà couramment utilisée dans de nombreux appareils, les scientifiques estiment que le développement de tels ordinateurs pourrait en réalité être assez rapide. Ils ont d’ailleurs déjà assemblé avec succès des défauts de cristaux liquides dans des motifs, en appliquant des champs électriques au cours d’expériences.