Une percée quantique ouvre la voie au premier trou de ver expérimental

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Vue d’artiste d’un trou de ver. | Shutterstock
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Un trou de ver est un objet hypothétique qui relierait deux régions distinctes de l’espace-temps. Bien que leur existence et leurs propriétés aient été théorisées il y a près d’un siècle, les trous de ver n’ont encore jamais été observés expérimentalement. Les récents travaux du physicien Hatim Salih, chercheur au Quantum Engineering Technology Labs de l’Université de Bristol et co-fondateur de la start-up DotQuantum, pourraient toutefois nous rapprocher de cet objectif.

En 2017, des chercheurs ont montré que la description gravitationnelle d’un trou de ver traversable est équivalente à une « téléportation quantique » — un processus via lequel l’état quantique d’un système est transféré instantanément à un autre à travers l’espace, en utilisant les principes de l’intrication quantique. En novembre 2022, ils ont présenté dans Nature la première démonstration expérimentale de ces travaux théoriques, en simulant un « mini trou de ver » — ou plutôt, un système quantique simulant certaines de ses propriétés — sur un processeur quantique.

Cette simulation pourrait aider à caractériser la dynamique d’un trou de ver traversable. Mais Hatim Salih va beaucoup plus loin : il affirme avoir inventé un modèle informatique pour créer en laboratoire un trou de ver qui traverse l’espace de manière vérifiable, afin de sonder le fonctionnement interne de l’Univers. Il ne s’agit donc plus d’une simulation de trou de ver, mais bel et bien de créer un véritable raccourci à travers l’espace ! Ce modèle, qu’il nomme « counterportation » (contreportation), permettrait de reconstituer un petit objet à travers l’espace sans qu’aucune particule ne le traverse.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Le tout premier plan pratique de construction d’un trou de ver

« Il s’agit d’une étape importante à laquelle nous avons travaillé pendant plusieurs années. Elle fournit un cadre théorique et pratique pour explorer à nouveau les énigmes persistantes de l’Univers, telles que la véritable nature de l’espace-temps », a déclaré Hatim Salih dans un communiqué.

Ce nouveau schéma informatique repose sur un concept propre à la physique quantique, l’intrication quantique, un phénomène dans lequel deux particules distantes sont liées par le fait que leurs états quantiques sont dépendants l’un de l’autre ; ainsi, ces particules sont corrélées sans jamais interagir. « Cette corrélation à distance peut ensuite être utilisée pour transporter des informations quantiques (qubits) d’un endroit à un autre sans qu’une particule n’ait à traverser l’espace, créant ainsi ce que l’on pourrait appeler un trou de ver traversable », explique John Rarity, professeur de systèmes de communication optique à l’Université de Bristol.

Toute forme de communication, dans notre monde, repose sur des vecteurs d’information « détectables » — tels que le flux de photons traversant l’air ou une fibre optique, ainsi que la myriade de signaux neuronaux qui rebondissent dans le cerveau. Même la téléportation quantique, qui consiste à transférer l’état quantique d’un système vers un autre système similaire et distant, n’échappe pas à la règle.

C’est là toute la différence avec le protocole de contreportation proposé par Salih : contrairement à la téléportation, aucun enchevêtrement pré-partagé ni aucune communication classique ne sont nécessaires, précise-t-il dans la revue Quantum Science and Technology. « Si la contreportation permet d’atteindre l’objectif final de la téléportation, à savoir le transport désincarné, elle le fait remarquablement sans qu’aucun vecteur d’information détectable ne se déplace », souligne le physicien.

Des ordinateurs quantiques « sans échange » à deux qubits

Si le modèle proposé par Salih permet en théorie de construire un petit trou de ver local, en laboratoire, la réalisation de ce plan prendra sans doute encore beaucoup de temps, car cela nécessite des ordinateurs quantiques de nouvelle génération qui n’existent pas encore… « Si l’on veut réaliser la contreportation, il faut construire un tout nouveau type d’ordinateur quantique : un ordinateur sans échange, où les parties communicantes n’échangent aucune particule », confirme l’expert.

Mais il se trouve que le protocole de contreportation permet de s’affranchir d’un problème majeur, celui de la mise à l’échelle des systèmes quantiques. Contrairement aux ordinateurs quantiques à grande échelle qui promettent des accélérations remarquables — bien que personne ne sache encore comment les construire —, les ordinateurs quantiques sans échange, même à la plus petite échelle, promettent de rendre possibles des tâches apparemment impossibles, telles que la contreportation, en incorporant l’espace de manière fondamentale, parallèlement au temps, explique le chercheur dans son étude.

Des projets sont en cours, en collaboration avec d’éminents experts britanniques en physique quantique de Bristol, Oxford et York, pour construire physiquement ce trou de ver. L’objectif, dans un avenir proche, est de produire le premier trou de ver en laboratoire, afin de disposer d’un banc d’essai idéal pour les théories physiques rivales, y compris celles de la gravité quantique — une façon d’observer de nouveaux phénomènes physiques, en utilisant beaucoup moins de ressources.

« Notre espoir est de permettre aux physiciens, aux amateurs de physique et aux passionnés d’accéder à distance à des trous de ver locaux afin d’explorer des questions fondamentales sur l’Univers, notamment l’existence de dimensions supérieures », conclut le physicien.

Source : H. Salih, Quantum Science and Technology

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