Une nouvelle étude menée aux États-Unis apporte de nouvelles preuves d’un lien de causalité entre l’exposition à long terme à la pollution atmosphérique et aux particules fines et une mort prématurée. Si les normes américaines en matière de qualité de l’air se conformaient aux recommandations actuelles de l’Organisation mondiale de la santé, plus de 140’000 vies pourraient être sauvées en dix ans.
Cette étude a été réalisée par des chercheurs de l’École de santé publique Harvard T. H. Chan, sur plus de 68 millions d’Américains de plus de 65 ans ; elle se base sur seize années de données, ce qui en fait l’étude la plus étendue jamais réalisée sur les seniors américains. Elle révèle notamment que les normes actuelles encadrant les concentrations de particules fines dans l’air ne sont pas assez strictes et de ce fait, mettent en danger les personnes les plus vulnérables.
« Les preuves les plus solides à ce jour »
La pollution de l’air représente un risque majeur pour la santé : accidents vasculaires cérébraux, cardiopathies, cancer du poumon, asthme et autres affections respiratoires, tout autant de pathologies pouvant être favorisées par la pollution de l’air ambiant. En 2016, on estimait à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués dans le monde par la pollution de l’air dans les zones urbaines et rurales ; une mortalité élevée, due à l’exposition aux particules d’un diamètre de 2,5 microns ou moins (notées PM2,5).
Pour mener à bien cette nouvelle analyse, les chercheurs se sont appuyés sur une étude antérieure, menée en 2017, qui montrait déjà à l’époque que l’exposition à long terme à la pollution aux particules fines et à l’ozone – même à des niveaux inférieurs aux normes américaines actuelles de qualité de l’air – augmentait le risque de décès prématuré chez les citoyens américains âgés (jusqu’à 13,6 % d’augmentation). Pas moins de seize années de données ont été passées au crible cette fois-ci, des données concernant 68,5 millions de personnes inscrites à Medicare — le système d’assurance maladie géré par le gouvernement fédéral des États-Unis dédié aux plus de 65 ans ; cela concerne 97% des Américains de cette tranche d’âge.
Pour obtenir des résultats indiscutables, les chercheurs ont tenu compte de multiples facteurs dans leurs statistiques, tels que l’indice de masse corporelle, le tabagisme, l’origine ethnique, les revenus et l’éducation. Puis, les données atmosphériques collectées ont été mises en regard des codes postaux des participants à l’étude. Afin d’estimer au plus juste les niveaux quotidiens de pollution atmosphérique pour chaque zone géographique, les chercheurs ont également pris en compte les données satellites, les informations sur l’usage des terres, les variables météorologiques et d’autres paramètres.
Ils ont ensuite employé deux approches statistiques traditionnelles, ainsi que trois approches d’inférence causale pour mettre en évidence les relations de cause à effet. Les études antérieures étaient en effet contestées du fait que les approches traditionnelles, à elles seules, ne pouvaient garantir la preuve indéniable d’une causalité.
Des dizaines de milliers de vies sauvées pour 2μg/m3 en moins
Sur la période 2000-2016, les cinq types d’analyse fournissent des résultats cohérents. Le lien de causalité entre l’exposition aux particules fines et la mortalité des participants est clairement établi, et ce, même à des niveaux de pollution de l’air inférieurs aux normes américaines actuelles fixées à 12 μg/m3 de moyenne annuelle. Les auteurs soulignent qu’ils détiennent aujourd’hui « les preuves les plus robustes et reproductibles à ce jour ».
En poussant plus avant leurs analyses, les chercheurs ont même constaté qu’une limitation annuelle de 10 μg/m3 de la pollution aux particules fines – valeur qui correspond aux lignes directrices de l’OMS – entraînerait une diminution de 6 à 7% du risque de mortalité ! Concrètement, si les États-Unis abaissaient leur moyenne annuelle de PM2,5 à 10 μg/m3, 143’257 vies pourraient être sauvées en une décennie.
Un récent rapport publié par l’American Lung Association, tire lui aussi la sonnette d’alarme : près de la moitié des citoyens américains respirent actuellement de l’air pollué. Les enfants, les personnes âgées et les individus présentant une pathologie des voies respiratoires sont les plus en danger. Et la pandémie de COVID-19 n’a fait que rappeler l’importance de disposer d’un air sain !
Bien que les normes américaines actuelles de qualité de l’air ne protègent pas suffisamment la population, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement n’envisage pas de les modifier pour le moment. Les auteurs de l’étude espèrent néanmoins que leurs résultats inspireront les pouvoirs politiques dans les décisions à venir.
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Selon l’OMS, en 2016, 91% de la population mondiale vivaient dans des zones où les lignes directrices relatives à la qualité de l’air n’étaient pas respectées. Ces lignes directrices présentent des recommandations concernant les valeurs seuils des principaux polluants de l’air, qui posent des risques pour la santé (particules PM10 et PM2,5, ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre). Dans l’édition de 2005, il y est notamment indiqué qu’il est possible de diminuer de 15% environ la mortalité imputable à la pollution de l’air en réduisant la pollution par les particules PM10 de 70 à 20 μg/m³. Ces recommandations sont en cours de révision et une nouvelle version devrait être publiée cette année.